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Toute vérité n'est que perception

La leçon de management de Tiger Woods

Il y a quatorze mois, Tiger Woods était victime d’un terrible accident de voiture.

Il fut être extrait de son véhicule avec des outils spéciaux et les chirurgiens hésitèrent à amputer sa jambe droite, tant celle-ci avait souffert dans le choc (voir les images présentées ci-dessous). La carrière de celui qui avait révolutionné son sport sur les plans technique, physique, mental, sociétal et médiatique était alors considérée comme terminée.

Les golfeurs professionnels du monde entier lui rendirent d’ailleurs hommage, presque comme s’il était mort, en portant ses couleurs mythiques du dimanche (rouge et noir) quelques jours après son accident, lors de la quatrième journée des tournois auxquels ils participaient. Tous ceux qui avaient subi sa domination sans partage des années durant regrettaient la perspective de ne plus jamais le voir sur les greens.

Les blessures à la jambe de Tiger Woods (celles à sa cheville ne sont pas dépeintes sur cette image) – The Centers for Advanced Othopaedics

Mais le Tigre ne s’avoue jamais vaincu. Il endura près d’une dizaine d’opérations chirurgicales afin de reconstruire sa jambe droite1 et, comme après chacune de ses blessures, mena sa rééducation à un train d’enfer pour revenir beaucoup plus rapidement que les estimations médicales les plus optimistes ne lui permettaient de l’espérer. Il refusa le moindre jour de repos pendant ses onze mois de travail physique, entamant chaque journée de labeur à 5 heures du matin.

Il avait encore du mal à marcher sur des terrains plats, les montées et descentes requerraient une attention particulière de sa part (un mauvais présage lorsqu’un connaît le parcours plus que vallonné d’Augusta) et il avait besoin d’aide pour supporter son poids lorsqu’il gravissait quelques marches. Pourtant, il prit part au Masters, déclenchant une exaltation comme lui seul peut en générer dans le monde du golf. Sa participation releva du tour de force et le fait qu’il ait pu passer le cut fut un exploit inimaginable pour le commun des mortels.

Il joua les quatre jours du tournoi avec un bas de contention et en boitant de plus en plus alors que sa cheville enflait. Le samedi et le dimanche, il réalisa les deux plus mauvais scores (78 les deux jours) de sa carrière au Masters, un tournoi qu’il a remporté cinq fois. Son visage était souvent marqué par la souffrance, malgré les multiples bains glacés de cryothérapie qu’il s’imposait chaque jour pour favoriser la récupération de sa jambe. Mais la douleur n’a jamais effrayé Tiger Woods : en juin 2008, il remporta l’US Open à Torrey Pines (Californie) en jouant avec une double fracture du tibia gauche. Il se résigna à une chirurgie reconstructive dans la foulée et manqua le reste de la saison.

Tiger Woods au Master 2022 – (CC) Matt Slocum / Associated Press

Beaucoup, Tiger Woods y compris, considèrent que ce Masters 2022 est le plus grand de ses accomplissements qui ne se concrétisa pas par un trophée de vainqueur. Le mot qui revenait le plus souvent chez les observateurs, pour qualifier les efforts réalisés par Tiger Woods en treize mois et demi afin d’être au départ du Masters puis durant les quatre jours du tournois, était “inhumain”. Des efforts à la hauteur de sa légende et de l’adulation de ses pairs et du public à son endroit.

On était parfois enclin à éprouver de la pitié de le voir ainsi se battre de toutes ses forces pour engranger le plus mauvais résultat de sa carrière mais on était immédiatement envahi d’un immense respect pour sa résilience et l’humilité dont le golfeur le plus dominateur de tous les temps fit preuve en exposant sa faiblesse au monde entier. Il ne fut peut-être jamais plus grand qu’en acceptant d’être petit.

Celui qui est considéré comme le “dieu” du golf n’avait rien à gagner à réaliser un vingt-deuxième cut consécutif au Masters et terminer à quelques coups de la dernière place. Il n’avait rien d’autre à gagner que de repousser ses propres limites, rien à prouver à personne d’autre qu’à lui-même. De fait, même pour l’un des plus grands compétiteurs de l’histoire du sport, la bataille ultime est avec soi-même. A cet égard, l’approche de Tiger Woods vis-à-vis de ce Masters illustre un credo que je répète à l’envi sur Superception : la seule compétition qui vaille est celle qui nous confronte à nous-mêmes. Il est bien plus intéressant de devenir la meilleure version de soi que la meilleure version d’un autre.

C’est notamment la raison pour laquelle je n’ai jamais mis les membres de mes équipes en compétition les uns avec les autres. Cette attitude constitue à mes yeux une vision du management simpliste et destructrice de valeur. En effet, elle produit forcément des perdants, alors que, en aidant chaque collaborateur à donner son meilleur, on ne produit que des gagnants, même s’ils n’ont vaincu personne2.

C’est la leçon ultime de Tiger Woods au dernier Masters : il n’est pas nécessaire d’enfoncer quiconque pour s’élever.

1 Qui s’ajoutent aux cinq opérations qu’il a subies au dos et à cinq autres à la jambe gauche.

2 Naturellement, cette pratique managériale favorise aussi un esprit d’équipe qui est hors de portée des équipes dont les membres sont en compétition les uns contre les autres.

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