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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

En matière de perception, le fait de dominer son marché a des inconvénients inattendus

Illustration avec Google et Microsoft.

La mise en service par OpenAI du robot conversationnel de nouvelle génération ChatGPT et le partenariat de Microsoft avec OpenAI ont rebattu les cartes dans le marché de la recherche en ligne jusqu’à présent dominé par Google : Bing, le moteur de recherche de Microsoft, désormais équipé de l’intelligence artificielle de ChatGPT, représente une alternative plus attractive que jamais et bénéficie d’un intérêt médiatique inédit.

Ces derniers jours, les deux géants des nouvelles technologies organisèrent chacun un événement afin de vanter l’intégration d’intelligences artificielles dans leurs services respectifs. Google convia les médias une seconde fois1 afin de révéler Bard, son concurrent de ChatGPT. Ce qui m’intéressa dans ces trois communications, outre les passionnants progrès de l’application d’intelligences artificielles à des services aussi populaires que la recherche ou la cartographie en ligne, fut la couverture des annonces de Google et Microsoft par les médias et les internautes.

En effet, le groupe de Redmond bénéficia à plein d’un double effet qui lui est inhabituel.

Le premier concerne sa position de challenger, qui lui permet d’apparaître comme le “disrupteur” d’un marché en prenant des risques que le leader ne peut pas – ou ne veut – pas se permettre. Ainsi n’est-ce pas un hasard si les trois principales intelligences artificielles génératives d’images n’ont pas été créées par de grands groupes mais par des startups : DALL-E par OpenAI, Midjourney par David Holz et StableDiffusion par Emad Mostaque. Google, qui a inventé les modèles de calcul de diffusion qui sont aujourd’hui au cœur des intelligences artificielles génératives, a eu peur des risques induits pour sa réputation par l’usage de ces services par le grand public : ses applications expérimentales, Imagen et Parti, sont ainsi réservées à ses collaborateurs dans le cadre de directives très strictes. Il en va de même avec Bard qui n’est aujourd’hui accessible qu’à des “testeurs de confiance“. Challenger sur le marché des moteurs de recherche, Microsoft est le premier champion du numérique à intégrer à grande échelle une intelligence artificielle générative dans l’un de ses produits.

Le second effet dont bénéficia le groupe dirigé par Satya Nadella ces derniers jours procède de l’emballement2 pour ChatGPT, de la part des journalistes aussi bien que des analystes et du grand public : ChatGPT est d’ailleurs l’application numérique ayant enregistré la croissance la plus rapide de l’Histoire. Or être le challenger d’un marché ne suffit pas à créer une perception positive, ainsi que Microsoft s’en rendit compte dans ses différentes initiatives pour contrer l’iPhone. Il est par exemple difficile de créer une dynamique positive en acquérant les activités de terminaux mobiles de Nokia en détresse. Mais challenger un marché en valorisant l’effet halo d’une application-star est une autre affaire : du fait de l’engouement pour ChatGPT, Bard et Google Search étaient perçus, avant même d’être présentés, comme moins performants que le nouveau Bing.

(CC) Satya Nadella lors de la présentation du nouveau Bing – (CC) Dan DeLong, Microsoft

Ces derniers jours, la conjugaison au crédit de Microsoft de l’effet challenger et de l’effet halo prédisposa les observateurs à un point tel que la même faute non provoquée commise par Google et son rival fut relevée dans le cas du premier et occultée dans le cas du second.

Lors de la présentation de Bard et la révélation du nouveau Bing, Google et Microsoft proposèrent des démonstrations des deux produits qui virent leurs intelligences artificielles respectives apporter des réponses erronées à des questions. Bard commit une erreur en indiquant que le télescope spatial James-Webb a pris la toute première image d’une planète en dehors de notre système solaire et le nouveau Bing dopé par ChatGPT commit trois erreurs : une revue d’un aspirateur pour animaux de compagnie ne correspond pas aux informations figurant sur le descriptif du produit dont Bing s’est inspiré, un itinéraire de voyage au Mexique n’est pas conforme à la réalité des lieux qu’il met en exergue et un résumé d’une publication financière comporte de nombreux chiffres incorrects.

Certes, on peut s’étonner que les équipes des deux groupes n’aient pas vérifié toutes les réponses que leurs applications allaient retranscrire durant leurs démonstrations, commettant ainsi des bévues évitables. Mais l’aspect le plus instructif de ce défaut de préparation symétrique de Google et Microsoft est que seul le premier en pâtit, jusqu’à voir la valeur de son action affectée par la mauvaise perception de sa présentation.

Même quand il fait face à un concurrent aussi médiatisé que Microsoft, le leader d’un marché est toujours plus scruté que ses rivaux. C’est en quelque sorte l’application à la communication du précepte de l’évangile selon lequel “à qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage” (Luc 12, 39-48).

1 En réalité, l’événement consacré à Bard fut le premier tenu par le groupe de Mountain View.

2 “Hype”.

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