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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

On ne naît pas manager, on le devient

Eclairage avec la plus grande faillite de leadership de ces dernières années outre-Atlantique.

Lorsque Chris Licht fut nommé PDG de CNN, la première chaîne d’information télévisée américaine et internationale, il fut célébré pour ses talents de producteur d’émissions à succès. Après avoir joué un rôle décisif dans la création et le développement de “Morning Joe”, l’émission matinale de l’ancien représentant républicain de Floride Joe Scarborough sur MSNBC, une réussite auprès des téléspectateurs et des critiques, il fut recruté par CBS pour redresser “CBS This Morning”, à laquelle il donna ses meilleures audiences en près de trente ans. Stephen Colbert fit ensuite appel à lui, toujours sur CBS, pour tirer son émission nocturne, “The Late Show with Stephen Colbert”, de l’ornière dans laquelle elle se trouvait. Une nouvelle fois, Chris Licht fit des miracles de programmation télévisuelle.

C’est ce génie de la production que David Zaslav, le patron de Warner Bros. Discovery, la maison-mère de CNN, nomma à la tête de l’emblématique média d’information. Mais produire une émission de télévision et diriger 4 000 collaborateurs n’a pas grand-chose à voir. Il vaut naturellement mieux connaître le secteur d’activité dans lequel on est promu mais il importe aussi d’être capable de dessiner une vision, d’entraîner ses équipes pour la réaliser et de gérer au quotidien les multiples défis que le dirigeant d’une entreprise de cette taille doit relever.

Chris Licht – (CC) Mike Coppola/Getty

En l’occurrence, Chris Licht donna, à la barre de CNN, un cours magistral de mauvais leadership et management : il ne cessa de critiquer le magistère de son prédécesseur (dont les collaborateurs de CNN étaient solidaires des succès), articula une stratégie quasi manichéenne autour de laquelle il fut incapable de fédérer les forces vives de sa chaîne, ne sut pas gagner la confiance des stars de celle-ci, donna l’impression de mépriser le reste de ses équipes et déploya une communication autocentrée et arrogante. Si tout cela ne suffisait pas, il ne fit pas montre, au sein de CNN, du talent de producteur qui lui avait permis d’obtenir ce poste : chacune de ses initiatives de programmation fut un échec cuisant.

Il y a six ans, j’avais consacré un article sur Superception aux différentes qualités requises par l’exercice des métiers d’expert (essentiellement techniques) et de manager (essentiellement émotionnelles). Or, dans l’écrasante majorité des cas, les individus qui sont désignés managers le sont en fonction de leurs compétences techniques. Mais, comme le montre une nouvelle fois l’exemple de Chris Licht, un manager n’est pas un expert qui a réussi. Manager n’est pas un grade, une récompense, un honneur. C’est un métier, très différent de celui qu’on exerçait avant d’accéder à ce poste.

C’est pourquoi je proposai dans cet article que les dirigeants d’entreprise et leurs équipes de ressources humaines abordent le fait de devenir manager non pas comme une promotion mais comme une reconversion pour l’impétrant :

Cette approche changerait radicalement la manière dont la nomination comme manager serait envisagée par celui qui reçoit cette charge et par ceux qui la lui confient. L’accent serait beaucoup plus mis sur l’accompagnement (coaching, formation…) du nouveau manager.

Celui-ci ne se croirait pas arrivé au sommet d’une échelle hiérarchique dont il a patiemment gravi les échelons mais au pied d’une nouvelle carrière dont il devrait apprendre à maîtriser les compétences et comportements. Il ne serait pas tourné vers son propre succès mais vers ses devoirs vis-à-vis des membres de son équipe.

Last but not least, il n’acquerrait pas, avec le titre de manager, un droit chimérique à l’infaillibilité du chef mais une obligation d’apprendre et le droit à l’erreur qui l’accompagne. Son ambition – progresser et non professer – inverserait également le rapport du nouveau manager avec ses équipes : celles-ci auraient vocation à aider leur primus inter pares à s’aguerrir au lieu de faire la guerre à leur nouveau leader maximo“.

Ce sont précisément toutes les qualités qui ont manqué à Chris Licht pour réussir sa mission à la tête de CNN. Sa chute, après seulement treize mois d’exercice du pouvoir, incarna d’ailleurs jusqu’à la caricature son court règne : il fut démis par David Zaslav après la publication dans The Atlantic d’un dévastateur portrait, l’un des pires articles qu’un dirigeant corporate ait eu à subir ces derniers temps, dans lequel son immaturité managériale est exposée : défense contre toute évidence d’une récente émission avec Donald Trump qu’il avait orchestrée et qui se révéla un désastre journalistique et civique, contradiction évidente entre ses affirmations stratégiques et ses actes éditoriaux, critiques infondées de ses équipes sur leur bilan, refus d’admettre la moindre de ses propres erreurs et, peut-être le coup de grâce, autocélébration jusqu’au ridicule (en l’espèce se vanter de performances sportives dont son prédécesseur serait censément incapable).

En définitive, le crash de Chris Licht tient à une seule raison : David Zaslav et lui ont ignoré qu’on ne naît pas manager, on le devient.

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