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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

A l’ère de l’intelligence artificielle, les entreprises peuvent-elles encore réussir lentement ?

Les organisations risquent-elles l’excès de vitesse ?

Aujourd’hui, je voudrais vous entretenir de visions managériales partagées par deux des entrepreneurs les plus intrigants et les plus performants de leur génération. L’un, Sam Altman, est très célèbre depuis que l’entreprise qu’il a co-fondée et qu’il dirige, OpenAI, incarne la révolution de l’intelligence artificielle générative. L’autre, Brett Adcock, est inconnu bien qu’il présente un parcours de vie et un bilan entrepreneurial plus intéressants encore que ceux de Sam Altman.

Brett Adcock est un entrepreneur que je suis depuis quelque temps déjà. Né dans une ferme de l’Illinois au sein d’une famille d’agriculteurs, il fonda sa première entreprise, Vettery, à 26 ans. Il s’agissait d’une place de marché dopée par une intelligence artificielle destinée à mettre en relation des entreprises et des candidats afin que ces derniers trouvent l’emploi qui leur conviendrait le mieux. Il développa Vettery jusqu’à ce qu’elle compte plusieurs centaines de collaborateurs et un réseau de 30 000 entreprises. En 2018, tandis que ses systèmes d’intelligence artificielle réalisaient 20 000 entretiens par mois, Vettery fut acquise par Adecco pour 110 millions de dollars. Brett Adcock s’attela alors à un nouveau challenge : la conception d’un avion électrique à décollage et atterrissage verticaux (eVOTL) destiné à la mobilité urbaine. Il fonda et autofinança Archer Aviation et passa un an à apprendre les fondamentaux de ce secteur et des technologies associées, à la manière d’Elon Musk avec SpaceX et Tesla. Brett Adcock retourna même temporairement à l’université de Floride, où il commença des études d’ingénieur dans le domaine des eVOTL en même temps qu’il bâtissait l’équipe et la feuille de route d’Archer. Quelques années plus tard, il signait un accord commercial de 1,5 milliard de dollars avec la compagnie aérienne United et introduisait Archer Aviation en bourse à une valorisation de 2,7 milliards de dollars. En 2022, il fonda et autofinança Figure qui s’affirme comme l’un des pionniers des robots humanoïdes – ces robots qui ont plusieurs caractéristiques physiques en commun avec les êtres humains afin de pouvoir assumer certaines de leurs tâches – et recommença à zéro le processus d’apprentissage dans une nouvelle matière technologique. Figure, avec laquelle les abonnés de la Newsletter Superception sont familiers, vient de conclure un tour de financement la valorisant à 2,6 milliards de dollars et de signer un partenariat avec BMW pour contribuer à l’opération de son plus grand site industriel américain. Vous l’aurez compris, Brett Adcock est le génie entrepreneurial le plus méconnu de notre époque.

Les présentations étant faites, examinons les déclarations de ces deux dirigeants qui ont retenu mon attention.

Dans un article de son blog consacré, il y a cinq ans, aux leçons managériales qu’il avait apprises de sa propre expérience et de l’observation de “milliers de créateurs d’entreprise” (dans son rôle de Président de l’incubateur Y Combinator), Sam Altman explique :

Le focus est un multiplicateur de la force de travail. Presque toutes les personnes que j’ai rencontrées gagneraient à passer plus de temps à réfléchir aux priorités sur lesquelles elles devraient se concentrer. Il est beaucoup plus important de se consacrer aux bonnes priorités que de consacrer beaucoup d’heures à son emploi. La plupart des gens perdent la majeure partie de leur temps sur des activités qui n’ont pas d’importance. Une fois que vous avez déterminé ce qu’il faut faire, vous devez vous efforcer de réaliser rapidement ces quelques priorités. Je n’ai encore jamais rencontré de personne lente ayant réussi“.

Sam Altman – (CC) Ian C. Bates/The New York Times/Redux et Brett Adcock – (CC) YouTube

De son côté, Brett Adcock s’exprimait ainsi au cours d’une interview l’an dernier :

Dans une entreprise, surtout au départ, vous disposez de deux leviers : la boussole et la vitesse. Il faut que la boussole soit bien réglée et que l’on appuie sur l’accélérateur aussi fortement que possible. Vous ne voulez pas appuyer sur l’accélérateur pour aller dans une mauvaise direction. Au début, cela ne pose pas de problèmes mais, mais quand l’entreprise grandit, elle devient un grand navire avec un petit gouvernail qu’il est vraiment difficile de faire changer de direction. J’ai rédigé les plans stratégiques d’Archer et Figure qui sont accessibles en ligne. Dans les deux cas, il s’agit d’une vision sur dix ans. J’ai également écrit un document sur la culture de l’entreprise qui définit ce à quoi vous devez vous attendre si vous travaillez avec nous. Je pense qu’une différence majeure que les gens qui viennent de grandes entreprises perçoivent chez Figure est que nous avançons incroyablement vite : nous voulons livrer notre produit aussi vite que possible, puis l’améliorer de manière récurrente. Ces éléments (plan stratégique, culture…) s’apparentent à des garde-fous pour nous aider. Tout soutient cette rivière qui coule et qui coule vite, de sorte que nous puissions contrôler où elle coule. Mais notre priorité est de livrer le produit très rapidement”.

Le rôle de la vitesse dans un monde régi par le numérique n’est pas nouveau. Je me souviens ainsi que, dans les années 1990-2000, John Chambers, alors patron de Cisco (le Nvidia de l’époque), répétait à l’envi que, dans le monde corporate, “ce n’est plus le grand qui triomphe du petit mais le rapide qui l’emporte sur le lent“. Certes, il est peut-être possible d’identifier de rares secteurs d’activités complètement à l’abri du numérique, s’il en existe encore, au sein desquels la vitesse n’est pas une condition du succès.

Mais, pour le reste, le rôle de la vitesse dans la performance des organisations ne va faire que s’accroître avec l’avènement de l’intelligence artificielle générative. En effet, celle-ci est une technologie exponentielle qui progresse par bonds et non de manière linéaire. Tout retard pris dans son adoption et sa valorisation se paiera donc au centuple, et ce d’autant plus que la propagation de l’informatique quantique va lui donner, comme à de nombreuses autres innovations, un coup d’accélérateur supplémentaire.

Au-delà de ce contexte technologique, il est deux derniers commentaires qu’il convient de faire au sujet du rôle de la vitesse. Tout d’abord, il ne faut pas confondre agitation et mouvement, activité et progrès. C’est notamment dans cette optique que la définition des priorités mise en exergue par Brett Adcock et Sam Altman est si importante. Ensuite, aller vite permet aussi d’échouer rapidement (“fail fast” selon l’un des mantras de la Silicon Valley) tout en échouant de manière constructive parce que délibérément instructive (“fail forward”, son corollaire). C’est pourquoi le droit à l’erreur est souvent consubstantiel au succès.

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