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Toute vérité n'est que perception

O.J. Simpson, accoucheur de nos Sociétés désorbitées

O.J. Simpson, grand joueur de football américain et assassin, est mort.

En 1994, il commit deux meurtres sauvages, égorgeant son ex-épouse avec une violence telle qu’elle fut presque décapitée et se vida de 90% de son sang et opérant de même avec un ami de celle-ci après lui avoir asséné plusieurs coups de couteau. De la poursuite au ralenti d’O.J. Simpson par la police sur les autoroutes de Los Angeles jusqu’au “procès du siècle”, cette affaire monopolisa l’attention du public américain (150 millions de ses compatriotes regardèrent l’annonce du verdict) et réécrivit les règles de la couverture médiatique de l’actualité. Pour celles et ceux d’entre vous que ce dossier judiciaire intéresse, je lui ai consacré un long article sur le blog Superception il y a huit ans : Décryptage du procès d’O.J. Simpson : le concept de Superception aux assises.

Afin d’actualiser le propos de cet article, il convient de souligner que cette histoire est extraordinaire en matière de perception pour au moins deux raisons.

En premier lieu, jamais un meurtrier qui n’avait pas été pris en flagrant délit n’avait fourni autant de preuves à ses accusateurs. Pour n’en considérer qu’une partie, la violence des deux homicides généra un bain de sang qui produisit un véritable sillon d’hémoglobine et d’ADN entre les deux cadavres… et la chambre à coucher de la propriété d’O.J. Simpson, située à trois kilomètres du lieu du drame. Pourtant, O.J. Simpson fut acquitté dans le procès criminel (il serait plus tard jugé coupable dans le procès civil) qui fut appréhendé comme une tribune de condamnation du racisme outre-Atlantique, et ce deux ans après les émeutes à forte connotation ethnique qui avaient bouleversé le comté de Los Angeles. O.J. Simpson, qui refusait ne serait-ce que d’être considéré comme un Afro-Américain du temps de sa splendeur pour séduire le public blanc (“je ne suis pas noir, je suis O.J.“), joua cette carte à fond dans le tribunal de l’opinion publique pour sauver sa cause juridique.

O.J. Simpson lors de son procès – (CC) Lois Bernstein – The Associated Press

En second lieu, l’affaire Simpson constitue certainement le tournant décisif de l’Amérique puis, après elle, du reste du monde libre, vers le traitement de l’actualité comme un spectacle, le divertissement l’emportant alors définitivement sur le journalisme, le commentaire sur les faits, les émotions sur la raison, la notoriété sur le mérite et le phagocytage médiatique de l’actualité par une seule information sur la diversité de la marche du monde. Le symbole fortuit de cette mutation réside d’ailleurs dans le fait que Robert Kardashian, l’un des avocats d’O.J. Simpson, est le père de Kim, Kourtney et Khloe Kardashian : l’un des protagonistes du premier show de télé-réalité de l’Histoire engendra celles qui allaient industrialiser ce genre une grosse dizaine d’années plus tard. L’un de ses autres héritiers, non pas génétique mais culturel, est Donald Trump qui exploita comme personne ces évolutions médiatiques dans le champ politique.

Last but not least, il est impossible de conclure sur le décès d’O.J. Simpson sans regretter la couverture dont il fit l’objet dans l’écrasante majorité des médias (au moins aux Etats-Unis et en France pour ceux que j’ai observés), lesquels le traitèrent comme la disparition d’une célébrité et non d’un double assassin et ignorèrent complètement ses victimes.

Jusque dans son trépas, O.J. Simpson aura été récompensé par la Société désorbitée qu’il contribua à faire émerger.

De fait, comme l’écrivit Albert Camus :

Seul le cri fait vivre ; l’exaltation tient lieu de vérité. A ce degré, l’apocalypse devient une valeur où tout se confond, amour et mort, conscience et culpabilité. Dans un univers désorbité, il n’existe plus d’autre vie que celle des abîmes“.

PS – Si vous voulez prendre conscience du montre de narcissisme et violence que fut O.J. Simpson, lisez cet article (remarquablement) écrit par la personne qui obtint sa confession télévisée : How I Did It: Judith Regan Remembers The Day O.J. Simpson (Almost) Confessed

2 commentaires sur “O.J. Simpson, accoucheur de nos Sociétés désorbitées”

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Fort dommage !

Cela montre que, même mort, O.J. Simpson conserve une influence légale certaine (l’article était dévastateur pour lui à travers un témoignage de première main).

Excellent dimanche.

Xophe

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