5 avril 2011 | Blog, Blog 2011, Marketing | Par Christophe Lachnitt
Apparemment, j’ai écrit une c……. il y a deux jours !
En tout cas, c’est ce que pense Martin Sorrell, PDG du plus grand réseau publicitaire de la planète (WPP, 72 milliards de dollars).
Non, il ne lit pas (encore) Superception 🙂 mais il s’est exprimé sur la nouvelle stratégie marketing du New York Times et il est d’un avis diamétralement opposé au mien. C’est dur d’être en désaccord avec Martin Sorrell sur un tel sujet, non ? Je vais pourtant essayer – ce blog est encore jeune et si je ne provoque pas maintenant les institutions de la profession, je ne le ferai jamais !
Interviewé par Newsweek, Sir Martin affirme que le contenu gratuit tue les médias et que les consommateurs devraient payer pour le contenu auxquels ils accordent de la valeur. Si tel est le cas, je recommande qu’on ferme par exemple toutes les chaînes de télévision qui ne se rémunèrent pas par abonnement. Payer pour le contenu auquel on accorde de la valeur, c’est un peu l’inverse du modèle publicitaire qui a fait la fortune de WPP et de mon nouvel ami Martin, non ?
Sorrell considère également que “le modèle tout-publicitaire ne fonctionne pas. Il n’y a pas assez de publicité pour qu’il survive. Point.“ J’aggrave mon cas mais je suis de nouveau en désaccord. La grande différence entre Internet et les autres médias est que le coût de production du contenu sur le web est quasiment nul. Ce n’est naturellement pas vrai pour tous les contenus et certainement pas pour The New York Times. Mais c’est le cas pour beaucoup de médias très spécialisés rédigés par un “one-(wo)man gang” ou pour les millions de blogs qui ont fleuri sur la Toile. Et, comme dans tout marché capitaliste, il me semble que c’est in fine un problème de demande et non d’offre. Tant qu’il y aura de la demande pour des médias en ligne qui n’ont pas besoin de publicité pour survivre, les médias qui se financent par la publicité devront s’adapter (réduire leurs coûts ou augmenter la valeur marginale de leur offre). De même, tant qu’il y aura de la demande pour des médias en ligne qui arrivent à se financer par la seule publicité, les médias qui n’y parviennent pas devront également s’adapter (d’où mon analyse sur la nouvelle stratégie marketing du New York Times). Il est possible qu’il y ait trop de médias sur Internet aujourd’hui – n’oublions pas que cet univers n’en est qu’à sa tendre enfance à l’échelle de la société humaine – mais ce n’est pas forcément parce qu’il n’y a pas assez de publicité pour les financer. C’est aussi et surtout parce que ce nouveau marché n’est pas encore mature.
Troisième désaccord avec Sir Sorrell – là, je crois que l’Ambassade de Grande-Bretagne en France vient de me placer sur sa liste noire – lorsqu’il recommande que les gouvernements augmentent leurs subventions aux médias. C’est une idée paradoxale pour un libéral tel que Sorrell mais passons sur ce petit arrangement idéologique. Il me semble surtout que cette demande de subventions est porteuse d’une double contradiction. En premier lieu, si les Etats devaient subventionner toutes les industries qui rencontrent des difficultés économiques, ils choisiraient d’abord de soutenir des secteurs qui représentent davantage d’emplois que les médias et n’auraient plus de subsides à accorder à ces derniers. Secundo, on ne peut pas défendre la liberté de la presse et militer pour l’augmentation des dotations publiques aux médias. Sinon, l’aboutissement ultime du modèle prôné par Martin Sorrell s’appelle Rodong Sinmun, Le Journal des Travailleurs. C’est l’organe officiel du Parti du travail en Corée du Nord. En ce qui me concerne, ce n’est pas ma tasse de thé – j’essaie de me rabibocher avec les représentants de Sa Gracieuse Majesté. 🙂
Bon, en tout cas, sachez que j’ai décidé de suivre les conseils de Martin Sorrell et que je vais adresser une facture à tous ceux d’entre vous qui suivent Superception sur Facebook et Twitter. Si elles sont abonnées au flux de Superception, c’est qu’elles doivent y accorder de la valeur.
Elles pourront dire merci à Sir Martin !
Je serais plutôt de l’avis de Sir Martin. Si certaines télés sont gratuites, le contenu le plus intéressant se trouve sur les chaînes par abonnement, Canal Plus en France, ou HBO aux USA parmi les plus connues. Plus le financement est réduit, plus on s’oriente vers des chaînes low cost, comme les chaînes locales de la TNT. Les déclarations de R Belmer sont intéressantes à ce sujet. Même les abonnements ne suffisent pas à financer les productions originales de C+, leur commercialisation par leur rediffusion sur une chaîne “gratuite”, l’éventuelle Canal 20 sur la TNT, pourrait compléter les revenus de la chaîne du groupe Vivendi.
Si la mise en ligne d’un site internet ne coûte pas cher, les contenus doivent être produits par les meilleurs journalistes et analystes, dont les rémunérations ne permettent pas la réalisation de produits bas coût. Ainsi, Reuters ou Bloomberg vivent par la qualité des analyses , de la production d’informations économiques, et en complément de la commercialisation de leurs fichiers d’abonnés CSP++, et non de la publicité sur les pages gratuites de leurs sites.
Les sites qui concatènent des informations n’existeront plus si des sites à contenu n’existent plus.
Merci pour vos commentaires.
Il me semble que le premier est davantage un jugement de valeur éditorial qu’une réalité économique. En effet, ce sont les contenus que vous jugez les moins intéressants qui rapportent le plus de revenus aux médias qui les diffusent. La publicité diffuse les contenus qui plaisent au plus grand nombre et qui peuvent donc rentrer dans un modèle de rémunération reposant sur le nombre de personnes qui sont exposées au message publicitaire. A l’inverse, les modèles par abonnement compensent l’absence du nombre par une redevance qui apporte des revenus complémentaires au média concerné. Cela ne veut pas dire que les médias gratuits ne soient pas viables, bien au contraire.
Sure votre second point, nous sommes d’accord (pas d’agrégation sans production de contenus comme je l’avais indiqué dans mon article initial sur le New York Times). Cependant, la concurrence n’est pas seulement entre des agrégateurs et des producteurs de contenus. Elle est aussi âpre entre des producteurs de contenus à faible coût (souvent pure players en ligne) et des producteurs de contenus plus coûteux (souvent médias traditionnels qui se déploient en ligne). A cet égard, ne perdons pas de vue que le premier agrégateur de contenus d’actualité est Google News.
Xophe