3 juin 2011 | Blog, Blog 2011, Communication | Par Christophe Lachnitt
Le pleurnicheur, l’étudiante et le sous-vêtement
L’aventure médiatique qui arrive ces jours-ci au représentant démocrate de l’Etat de New York Anthony Weiner est riche d’enseignements en communication de crise.
Rappel des faits : en fin de semaine dernière, le site Internet BigGovernment rapporta que quelqu’un avait utilisé le compte Twitter d’Anthony Weiner pour envoyer une photo d’un sous-vêtement masculin rebondi à une étudiante de Seattle âgée de 21 ans qui compte parmi les 54 000 “followers” de Weiner sur Twitter (cliquez ici pour voir la photo en question). Quelques jours plus tard, ladite étudiante indiquait au New York Post qu’elle n’avait jamais eu aucun contact – approprié ou inapproprié – avec Weiner.
Pourtant, cela ne clarifia aucunement la situation car Anthony Weiner, qui représente au Congrès américain des quartiers de Brooklyn et du Queens, fait tout son possible pour transformer son problème en crise. Evidemment, le fait que “Weiner” en américain se prononce comme “whiner” (qui signifie “pleurnicheur”) n’arrange en rien la couverture médiatique de cette affaire.
Weiner affirme que son compte Twitter a été piraté mais est toujours incapable, plusieurs jours après l’incident, de dire si la photo incriminée révèle son anatomie ou concerne un autre individu ! Deuxième hérésie : au lieu de demander aux autorités d’enquêter sur le piratage supposé de son compte Twitter, il clame que la police a mieux à faire que de traiter de tels cas et a chargé un enquêteur privé de l’affaire.
La perception créée par le comportement de Weiner est dévastatrice : il donne en effet l’impression (i) que c’est bien lui qui figure sur la photo, (ii) qu’il redoute les conclusions d’une éventuelle enquête de police et (iii) que le piratage informatique d’un membre du Congrès n’est pas suffisamment important pour mobiliser les autorités.
Puis, après avoir promis de ne plus parler médiatiquement de cette affaire, il répondit à une question d’un journaliste de NBC qu’il ne pouvait “pas affirmer avec certitude qu’il s’agit de quelqu’un d’autre sur la photo”. Il déclara également dans une autre émission de télévision que cela pouvait très bien être une photo de lui utilisée hors du contexte dans lequel elle avait été prise.
Weiner transforme ainsi ce qui aurait dû être un petit problème réglé en un jour – les principaux médias passant rapidement à autre chose – en une crise qui prend de l’ampleur chaque heure qui passe sans que le principal intéressé clarifie l’origine de la photo. La crise de communication se transforme même en crise politique car elle pose un problème de crédibilité pour celui qui envisage(ait) sérieusement de se présenter pour succéder à Michael Bloomberg comme Maire de New York en 2013.
De fait, Anthony Weiner est passé maître dans l’art de créer lui-même le doute au cours de cette convulsion médiatique. Quelle confiance accorderiez-vous à un représentant du peuple qui ne sait pas si une photo de ses parties intimes a été prise ou pas et qui n’est pas capable de reconnaître lesdites parties sur une photo ? En donnant des réponses alambiquées et en prononçant des demi-démentis, il pique la curiosité des médias et semble avoir quelque chose à se reprocher. La question que tout le monde se pose désormais est : quoi ?
Au final, Anthony Weiner est en contravention avec plusieurs règles majeures de la communication de crise :
- Communiquer toutes les mauvaises nouvelles soi-même et le plus rapidement possible pour éviter qu’elles ne le soient par d’autres sans contrôle du message dans un feuilleton de révélations successives.
- Délivrer des messages clairs et cohérents. C’est le B-A-BA de la communication en période nominale qui se révèle encore plus important en temps de crise où chaque parcelle de message émis est disséquée.
- Assumer au lieu de chercher à faire le gros dos en attendant que cela passe. Tenter de minimiser une crise est généralement le meilleur moyen de l’amplifier. Il faut au contraire admettre sa part de responsabilité et expliquer ce que l’on va faire pour éviter que la crise ne se reproduise.
- Ne pas créer l’événement par ses déclarations sur la crise pour ne pas la faire prospérer.
- Ne pas tenter de camoufler sa faute. Le camouflage est généralement plus grave (surtout aux Etats-Unis où le mensonge est le pêché capital) que la faute elle-même. Faute avouée est à moitié pardonnée comme on dit en France – cela dépend naturellement de l’ampleur de la faute. Mais, quoi qu’il en soit, s’enferrer dans une défense maladroite est, quelle que soit la gravité de ce qui vous est reproché, la pire approche médiatique.
Comme dans toute règle, il peut y avoir des exceptions. Ainsi, si Bill Clinton avait appliqué ces quelques principes durant le scandale Monica Lewinsky, ne serait-il pas resté bien longtemps à la Maison-Blanche (un sujet pour un autre article).
Une bonne communication de crise ne fait généralement pas disparaître la crise. A contrario, une mauvaise communication, comme celle d’Anthony Weiner, peut créer une situation de crise là où il n’y aurait pas dû en avoir.
La communication du pleurnicheur est bien à pleurer. 🙂