26 septembre 2011 | Blog, Blog 2011, Marketing | Par Christophe Lachnitt
Facebook, le WikiLeaks du vulgum pecus ?
Les nouvelles fonctionnalités présentées récemment par Mark Zuckerberg confirment que Facebook est de plus en plus aux individus ce que WikiLeaks est aux Etats.
Si vous n’y prenez garde, vous partagerez bientôt avec vos contacts Facebook chaque article que vous lirez sur certains médias (aujourd’hui The Washington Post et The Guardian), chaque morceau de musique que vous écouterez sur certains services (Spotify, Radio, OMG…) et chaque vidéo que vous regarderez sur certaines plates-formes (Hulu, Netflix…). La liste de ces partenaires de Facebook est aujourd’hui relativement limitée mais va s’étendre progressivement afin que l’entreprise de Mark Zuckerberg soit certaine de vous prendre dans ses filets. Mais avez-vous vraiment envie de partager avec vos contacts tout ce que vous lisez, écoutez et regardez, et de communiquer ainsi sans aucun discernement – la fonctionnalité est automatique – vos goûts musicaux et cinématographiques, votre tendance politique, vos intérêts du moment, etc. ?
En outre, comme l’a révélé le hacker Nik Cubrilovic, Facebook peut désormais savoir quels sites Internet nous visitons même lorsque nous ne sommes pas connectés à son service. Pour éviter que ces informations détaillant notre activité sur le web soient envoyées au siège de l’Entreprise, il faut supprimer les cookies de Facebook lorsque nous quittons notre navigateur Internet ou utiliser deux navigateurs Internet (le premier pour Facebook, le second pour nos autres activités en ligne).
Cette nouvelle stratégie marketing de Facebook est étonnante pour deux raisons au moins :
- elle démontre que, décidément, le Groupe n’apprend pas de ses erreurs, ce que j’avais déjà souligné il y a quelques mois. Incidemment, elle confirme que ses atteintes répétées à nos vies privées ne sont pas des maladresses mais l’expression d’une stratégie délibérée pour alimenter ses serveurs publicitaires ;
- la tranche d’âge qui croît le plus vite sur Facebook est celle des plus de 55 ans. Il ne fait donc pas grand sens pour l’Entreprise de potentiellement effrayer son segment de marché au plus fort potentiel de développement. Au lieu d’aider les plus de 55 ans à adopter son service en en clarifiant et simplifiant les réglages de configuration, Facebook risque de s’annihiler celles et ceux qui veulent rester en contact avec leur famille – et, souvent, leurs petits-enfants – sans voir leur vie privée leur échapper.
Je suis moi-même un utilisateur ancien, actif et attentif de Facebook – je crois d’ailleurs qu’un communicant est par nature plus sensible à ce qu’il peut ou pas partager sur un réseau social car il se pose cette question plusieurs fois par jour pour la communication de son entreprise. Je ne suis donc pas un opposant fanatique à Facebook, loin de là. Je trouve le concept et le service remarquables. Cependant, je considère aujourd’hui que ce réseau social est en train de devenir notre WikiLeaks à tous.
A cet égard, je soulignais récemment dans un article sur WikiLeaks que la quête de transparence absolue, quelle qu’elle soit, est une forme de totalitarisme. Facebook s’oriente de plus en plus dans cette voie et nous donne de moins en moins clairement la maîtrise de ce que nous partageons avec nos contacts. Or tout partage passe par une volonté délibérée et non par l’automatisation d’une application Internet. Sinon l’acte de partager perd ce qui lui est le plus consubstantiel : l’empathie.
Il existe naturellement une différence majeure entre Facebook et WikiLeaks : nous utilisons volontairement Facebook, ce qui n’est pas le cas des Etats dont les secrets sont violés par WikiLeaks. Néanmoins, cette utilisation volontaire s’accompagne de plus en plus, au fur et à mesure du développement des fonctionnalités du site, d’une perte de contrôle et c’est en cela que la comparaison avec WikiLeaks prend tout son sens.
Continuons donc à utiliser Facebook mais soyons aussi vigilants que lucides sur ses pratiques. Comme dans le cas de Google, ce n’est pas parce que ce service est gratuit qu’il ne nous veut que du bien.