9 février 2012 | Blog, Blog 2012, Communication | Par Christophe Lachnitt
La démocratisation de l’information
Dans son livre Too Big to Know: Rethinking Knowledge Now That the Facts Aren’t the Facts, Experts Are Everywhere, and the Smartest Person in the Room Is the Room (dont je mettrai prochainement une revue en ligne sur Superception), le philosophe David Weinberger s’intéresse à la surcharge d’information dont nous sommes aujourd’hui les victimes plus ou moins consentantes.
Cette notion, comme l’explique Weinberger, n’est pas nouvelle. Jugez-en :
- Sénèque (55) : “A quoi sert-il d’avoir un nombre illimité de livres qu’un lecteur ne pourra pas lire durant toute sa vie ? Cette somme d’ouvrages pèse sur l’étudiant sans l’instruire” ;
- Gottfried Leibniz (1680) : “Je crains l’horrible masse des livres qui ne cesse de croître et rendra un jour impossible le fait de trouver quoi que ce soit” ;
- Adrien Baillet (1685) : “Nous avons toute raison de redouter que la multitude de livres qui sont publiés chaque jour fera tomber les prochains siècles dans un état de barbarie équivalent à celui qui a suivi la chute de l’Empire romain” ;
- Denis Diderot (1755) : “Dans le futur, le nombre de livres va continuer d’augmenter régulièrement. On peut ainsi prédire qu’il sera un jour presque aussi difficile d’apprendre quoi que ce soit des livres que de l’étude directe de l’univers” ;
- Alvin Toffler popularise dans son livre Future Shock (1970) le concept de surcharge d’information en expliquant qu’elle peut affaiblir notre capacité à raisonner.

(CC) Tara Urbach
Or, de nos jours, la surcharge d’information atteint des niveaux qui auraient accablé Sénèque et les autres contempteurs de l’excès de savoir :
- près de 300 000 livres ont été publiés aux Etats-Unis, soit trente fois plus qu’en 1900 ;
- Internet compte plus d’un trillion (un milliard de milliards) de pages ;
- selon une recherche de l’Université de Californie (San Diego), les Américains consomment annuellement environ près de 4 zettabits (10 puissance 21) d’information.
La majorité des institutions du monde pré-Internet – livres, journaux, encyclopédies, écoles… – ont tiré leur autorité de leur faculté à filtrer l’information au bénéfice de leurs utilisateurs. Le développement d’Internet rend le filtrage des contenus aussi impossible qu’inutile.
Avec Internet, et davantage encore avec les médias sociaux, ce sont de plus en plus les gens qui filtrent l’information et de moins en moins les institutions. Cela participe de la tendance de notre Société à devenir de plus en plus horizontale.
Pourquoi s’en plaindre ?
Certes, on a bien démocratisation de l’information en faisant sauter ces filtres historiques (si tant est que ces même media sociaux ne mettent pas en place trop de filtres “géographiques”) mais on a aussi grande dilution et forte dégradation de la qualité
Cher Laurent,
Je ne suis pas sûr de comprendre quels filtres géographiques les médias sociaux – qui abolissent plutôt à mon sens les distances – mettent en place mais je suis en revanche d’accord sur vos autres points (régulièrement relevés sur Superception).
Merci.
Xophe
Bonsoir Christophe,
Pour détailler un peu ce que j’entendais sur le filtrage géo :
http://blog.twitter.com/2012/01/tweets-still-must-flow.html
http://www.courrierinternational.com/breve/2012/01/27/twitter-censure-et-se-suicide
En tout cas, chapeau pour votre blog, toujours un plaisir de découvrir l’article du jour.
LM
Merci pour votre précision, cher Laurent. Je n’avais pas saisi que vous faisiez référence précisément à cette décision de Twitter.
Et merci également pour votre appréciation positive de Superception. Cela fait toujours plaisir de savoir que son petit blog suscite de l’intérêt. 🙂
Bien à vous.
Xophe