8 janvier 2013 | Blog, Blog 2013, Communication | Par Christophe Lachnitt
Où commence la manipulation politique des médias ?
Un mini-scandale américain pose la question.
Nancy Pelosi, patronne de l’opposition démocrate à la Chambre des Représentants, a fait ajouter, à l’aide de Photoshop, quatre représentantes sur une photo (voir ci-dessous) destinée à montrer le nombre record (61) de femmes élues au sein de ladite Chambre. Les quatre représentantes n’avaient pas pu arriver à l’heure pour la séance au cours de laquelle la photo de groupe fut prise sur les marches du Capitole à Washington. Elles furent photographiées – et intégrées sur le cliché – dans un second temps.
S’agit-il d’un dérapage éthique ?
A cette question, l’Association nationale des photographes de presse et l’Association des photographes d’actualité de la Maison-Blanche ont répondu positivement dans un communiqué où ils morigènent Nancy Pelosi pour la publication de cette photo “manipulée”.
La représentante californienne a expliqué que la photo n’avait pas pu être prise en un seul groupe pour des raisons logistiques mais qu’elle était cependant représentative de la réalité historique qu’elle illustre : le nombre sans précédent de femmes dans les rangs de la Chambre des Représentants.
Les associations de photographes estiment qu’une telle approche démontre le danger des photos retouchées. Plus encore, ils critiquent la diffusion de photos officielles – et leur mise en ligne sur des services de partage grand public tels que Flickr (où j’ai d’ailleurs récupéré le cliché litigieux) – par les services de presse politiques. Ils y voient une manière d’échapper à la vigilance des journalistes et photographes ainsi court-circuités.
Pour ma part, je considère que la retouche de cette photo est bénigne mais qu’elle reflète une dérive plus maligne. Elle est bénigne car les pixels ainsi altérés ne manipulent pas une information transmise au public : le nombre de représentantes demeure le même que le cliché ait été pris en un ou deux temps.
En revanche, il est plus ennuyeux que la retouche de la photo n’ait pas été signalée proactivement par les services de Nancy Pelosi, et ce plus encore aux Etats-Unis où le mensonge est le pêché absolu. Une communication plus ouverte aurait évité une querelle à propos d’un sujet somme toute véniel. Sa révélation a posteriori alimente inutilement le soupçon d’une manipulation d’autres clichés à des fins moins anecdotiques que la présence de telle ou telle lors d’une séance photo de groupe.
Plus que la retouche, c’est donc l’absence de transparence qui crée problème. C’est ce que ne comprend pas Nancy Pelosi lorsqu’elle répond aux photographes uniquement sur la pertinence du message porté par la photo corrigée.
Le cœur de cette affaire n’est donc pas ce que le cliché montre à l’aide de Photoshop mais ce qu’il semble cacher.
C’est maladroit de toute part. Encore plus pour celui qui est intervenu sous Photoshop. L’ajout est tellement flagrant. Pour le reste, les services communication feraient bien de se donner une charte éthique dans l’utilisation de clichés modifiés. Quant aux rédactions, elles devraient (et le font pour nombre d’entre-elles) simplement l’interdire, sauf à le mentionner. Il paraît que l’honnêteté paie toujours.