21 juillet 2016 | Blog, Blog 2016, Communication | Par Christophe Lachnitt
Donald Trump, toute publicité est-elle vraiment une bonne publicité ?
Le désormais officiel candidat républicain à la Maison-Blanche orchestre la convention de nomination présidentielle probablement la moins professionnelle de l’histoire politique moderne.
Mes incursions dans la politique internationale procèdent de ma passion pour ces sujets qui, pour reprendre une formule célèbre, ne me sont pas totalement étrangers, ayant conseillé il y a quelques décennies un futur Président de la République française pendant plusieurs années à leur propos. Loin de constituer un argument d’autorité, cette expérience motive simplement les digressions sur la géopolitique que je me permets dans ce blog, bien qu’il ne lui soit pas consacré. – Christophe Lachnitt
Ainsi ses deux premières journées – sur quatre – furent-elles empoisonnées par une crise auto-générée par l’équipe Trump1.
J’aime comparer ce type de crises aux fautes non provoquées en tennis. Dans ce sport, c’est généralement le joueur qui a le solde le plus positif entre ses fautes non provoquées et ses coups gagnants qui l’emporte. En termes de perception, il en va de même.
Or Donald Trump réalisa fort peu de coups gagnants au début de sa convention si l’on envisage celle-ci sous l’angle de son principal défi pour les trois prochains mois et demi : élargir la base de son électorat au-delà de ses fans de la primaire républicaine.
Il se trouve que la convention qui se déroule cette semaine à Cleveland (Ohio) semble avoir été exclusivement conçue pour plaire à ces derniers. Elle délaisse de ce fait les électeurs républicains qui n’ont pas encore accepté Trump comme leur représentant, les indépendants qui font souvent la différence dans une élection nationale outre-Atlantique et les potentiels démocrates en rupture de ban avec Hillary Clinton.
Tous les discours des deux premiers jours de la convention furent consacrés à la destruction d’Hillary Clinton et le chant de ralliement des délégués présents fut “enfermez-la” (“lock her up“), révélant leur désir que la candidate démocrate soit jetée en prison en raison de l’utilisation d’un serveur d’emails privé lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat.
Le nom de Clinton fut plus souvent prononcé par les intervenants que celui de Trump : les Républicains expliquèrent sans relâche pourquoi il ne faudrait surtout pas voter pour Hillary Clinton mais jamais pourquoi il faudrait élire Donald Trump.
Cette teneur très négative se traduisit également dans le fait qu’aucune vision de l’avenir ni aucune proposition pour concrétiser ladite vision ne furent exposées aux représentants républicains et, plus important encore, aux citoyens qui regardent la convention à la télévision.
La seule exception ou presque2 à cette approche, en deux jours, fut le discours de Melania Trump, ex-mannequin et troisième épouse du milliardaire rouge3. Mais il fut entaché d’un plagiat du discours équivalent de Michelle Obama à la convention démocrate de 2008 (voir la vidéo ci-dessous).
Quelle fut la réaction de l’équipe Trump face à ce fiasco ? Le déni. Durant 36 heures, le directeur de campagne et les porte-parole de celle-ci affirmèrent que le discours de Madame Trump n’avait pas puisé dans celui de Madame Obama.
Cet élément de langage donna d’ailleurs lieu à ma déclaration favorite de toute l’histoire de la communication : Katrina Pierson, une porte-parole de Donald Trump, expliqua en effet que Melania Trump avait “voulu parler aux Américains en utilisant des phrases qu’ils avaient déjà entendues“.
Si l’équipe Trump avait reconnu son erreur, les médias américains seraient passés rapidement à autre chose car l’affaire serait morte d’elle-même. Au lieu de cela, face aux dénégations mensongères qui leur étaient opposées, les journalistes couvrirent cette affaire sans interruption pendant presque deux jours, enquêtant pour comprendre qui était responsable de cette erreur inimaginable dans une campagne managée professionnellement4.
Hier matin (heure américaine), Donald Trump se félicita sur Twitter de la tournure des événements :
Good news is Melania’s speech got more publicity than any in the history of politics especially if you believe that all press is good press!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) July 20, 2016
Il reprit ainsi l’un de ses mantras de communication : toute publicité est une bonne publicité. J’en avais déjà expliqué le caractère erroné à un autre sujet il y a trois ans :
“Cette maxime répétée de génération en génération de communicants stipule que, peu importe la nature de la communication (positive ou négative), l’essentiel est d’être visible afin de se faire connaître.
Elle est souvent appliquée sans réserve. Or, si elle vaut peut-être pour les personnes et les organisations inconnues (et encore est-ce souvent discutable), elle n’est pas pertinente pour celles qui sont déjà célèbres.
Une fois la notoriété acquise, il faut en effet s’attacher à la qualité de l’image des intéressées“.
L’auto-congratulation de Trump fut d’autant plus absurde que, moins d’une heure plus tard, la rédactrice du discours de Melania Trump, après plus de 36 heures d’agitation, reconnaissait publiquement sa responsabilité et admettait donc le plagiat que ses collègues avaient nié véhémentement.
Toute publicité est-elle une bonne publicité ? Vraiment, Donald Trump ?
La journée d’hier, décidément riche en surprises, nous permit de découvrir que le démagogue américain met une limite à cette théorie.
En effet, Al Baldasaro, un élu du New Hampshire et conseiller de Donald Trump, fit la déclaration suivante, faisant encore une fois référence à l’affaire des emails d’Hillary Clinton :
“Elle devrait être placée devant un peloton d’exécution et fusillée pour trahison“.
Considérant que cette publicité n’était pas bonne, même si elle est une conséquence presque naturelle du climat de la convention qu’il orchestre depuis lundi, Donald Trump se désolidarisa de son acolyte.
Il semble donc que fusiller Hillary Clinton reviendrait, aux yeux de Donald Trump, à se tirer une balle dans le pied. On a la décence, ou les mécanismes d’auto-protection, qu’on peut…
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1 Cette crise est un exemple parmi tant d’autres des malfaçons qui caractérisent cette convention. Le dernier exemple en date est l’interview accordée hier soir (heure américaine) par Donald Trump au New York Times, hallucinante dans son timing (elle paraît le jour même de son discours d’investiture) et, plus encore, son contenu (notamment sur l’OTAN).
2 Paul Ryan, le Président de la Chambre des Représentants, a fait un effort pour tenir un discours positif. Ce fut le seul leader politique dans ce cas.
3 Le rouge est la couleur du Parti républicain outre-Atlantique.
4 Aujourd’hui, les campagnes utilisent des logiciels – par exemple Duplichecker – qui leur permettent de détecter très simplement d’éventuelles ressemblances avec des discours antérieurs.