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Toute vérité n'est que perception

Les médias sont-ils forcément perdants face aux populistes ?

Les journalistes et les populistes s’abreuvent aux mêmes sources éthiques parce qu’ils servent le même peuple.

Je ne traite pas de politique française sur Superception et, même si ce sujet est d’actualité dans notre pays, je vais donc l’aborder sous d’autres cieux, nord-américains en l’occurrence.

Hier, Rachel Maddow, animatrice de sa propre émission d’éditorialisation de l’actualité sur MSNBC (“The Rachel Maddow Show“), informa les plus de six millions d’abonnés à son compte Twitter (voir ci-dessous) qu’elle avait obtenu le Graal que poursuivent tous les journalistes américains depuis un an et demi : les déclarations fiscales que Donald Trump, contrairement aux usages, a toujours refusé de rendre publiques.

(CC) Rachel Maddow, Twitter

(CC) Rachel Maddow, Twitter

Ce tweet fut le point de départ d’un scénario catastrophe pour le journalisme.

En premier lieu, il s’avéra que, contrairement à cette annonce, la brillante commentatrice n’avait pas récupéré toutes les déclarations fiscales du développeur immobilier mais ses feuilles d’impôts relatives à la seule année 2005.

En outre, après avoir survendu son scoop dans le tweet reproduit ci-dessus, elle mit tellement de temps à le vendre à l’antenne que la Maison-Blanche diffusa lesdites déclarations avant qu’elle ne les eut présentées à l’écran, désacralisant en partie son exclusivité et se donnant (presque) le beau rôle.

Par ailleurs, il se trouve que ces documents indiquent que Donald Trump a engrangé 150 millions de dollars en 2005 et payé 38 millions d’impôts, deux montants qui servent en fait la communication du Président. Ils montrent en effet qu’il fut un homme d’affaires beaucoup plus prospère et qu’il paie beaucoup plus d’impôts que ses adversaires ne l’affirmaient. Le résultat de ce scoop est tellement favorable à Donald Trump que même son auteur, le journaliste qui trouva récemment ses documents dans sa boîte aux lettres, se demande si l’occupant du Bureau ovale n’est pas sa source anonyme.

Last but not least, cette révélation arrive à point nommé pour détourner l’attention des citoyens américains de la réforme en cours, sous l’égide de la Maison-Blanche, du système d’assurance-maladie instauré par Barack Obama, réforme qui ressemble pour l’instant davantage à un jeu de massacre qu’à un exemple de virtuosité politique. A cet égard, le fait que le détournement de l’attention soit la figure de communication préférée de Donald Trump ne peut qu’accréditer l’idée qu’il puisse être à l’origine de cette fuite si favorable, sur le fond et le timing, d’une petite partie de ses déclarations d’impôts.

Cet épisode illustre parfaitement ce que devraient être les trois différences d’approche majeures entre les populistes et les médias d’information sérieux :

  • faire appel à l’émotion plutôt qu’à la raison ;
  • privilégier le temps court sur le temps long ;
  • préférer le sensationnel à l’essentiel.

De fait, Rachel Maddow a foulé aux pieds son éthique journalistique et s’est mise au niveau de Donald Trump :

  • elle a fait appel aux émotions de ses fidèles en leur promettant un scoop explosif plutôt que de s’intéresser – et de les intéresser – à la signification de l’information qui lui avait été fournie si opportunément pour sa victime supposée ;
  • elle s’est focalisée sur le temps court (l’exploitation du premier document obtenu) plutôt que de chercher à se procurer d’autres informations donnant une vision plus complète de l’histoire fiscale de Donald Trump et expliquant ainsi la raison pour laquelle il n’a jamais consenti à publier ses déclarations d’impôts1 ;
  • elle a préféré le sensationnel (les déclarations d’impôts de Trump) à l’essentiel (la réforme de l’assurance-maladie).

Pour qu’elle parvienne à accomplir sa mission démocratique, la presse doit éviter ces trois dérives. Or il se trouve que, de même qu’elles favorisent les intérêts électoraux des populistes, celles-ci assurent un écho certain auprès de leurs audiences à la production éditoriale des médias. En réalité, les populistes et les médias s’abreuvent aux mêmes sources éthiques parce qu’ils servent le même peuple.

C’est pourquoi la différence entre eux – les premiers visent à affaiblir la démocratie alors que les seconds devraient avoir pour objectif de la renforcer – reste trop souvent théorique.

En définitive, pour être fidèles à leur vocation, les journalistes devraient aborder la vie de la Cité, comme le nota Voltaire à propos de Marivaux, en pesant “des œufs de mouche dans une balance en toile d’araignée“.

1 Elle montre en cela qu’elle n’a pas retenu les leçons journalistiques de l’enquête menée par The Boston Globe pour révéler les turpitudes morales de l’Eglise locale relatée dans le film oscarisé “Spotlight“.

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