27 octobre 2021 | Blog, Blog 2021, Lectures, Lectures 2021, Management | Par Christophe Lachnitt
Trois livres que tous les managers devraient lire
Ces ouvrages, que j’ai dévorés ces dernières semaines, ont trait au leadership de trois PDG, parmi les plus iconiques outre-Atlantique, qui pourraient jouer respectivement les rôles du bon, de la brute et du truand.
Le bon : Satya Nadella
Le bon est Satya Nadella qui succéda à Steve Ballmer à la tête de Microsoft en 2014 et a régénéré l’Entreprise de manière spectaculaire depuis lors.
Pour ce faire, comme il le raconte dans “Hit Refresh”, il se concentra sur le renouvellement de la culture du Groupe, alors que celui-ci traversait depuis de longues années une période difficile sur les plans stratégique et boursier. Il considère que la fonction la plus importante d’un PDG est d’être le garant de la culture de son entreprise. Dès sa nomination, il affirma donc que sa priorité serait que Microsoft retrouve “son âme“, le caractère qui avait fait son originalité et sa force, et s’éloigne des travers, notamment bureaucratiques, dans lesquels il s’était fourvoyé.
Dans “Hit Refresh”, il insiste sur l’importance de l’empathie, qu’il a notamment développée dans sa vie personnelle en prenant soin de son fils lourdement handicapé et qu’il s’évertue à instiller dans ses méthodes de management. Il expose également sa volonté d’associer les aspirations individuelles de chaque collaborateur du Groupe à la raison d’être de celui-ci afin de faire en sorte que “Microsoft n’emploie plus ses salariés mais que ses salariés emploient l’Entreprise pour réaliser leur passion“. Pour autant, il souligne que la volonté de rassembler les collaborateurs du Groupe autour d’une vocation et d’une culture partagées ne peut pas aller de pair avec un management consensuel : la clarification de sa raison d’être et de ses valeurs ne représente un facteur de succès que si elle garantit un alignement de tous ses managers et collaborateurs. Il signale d’ailleurs qu’un défaut d’alignement minime parmi les dirigeants se traduit par un écart énorme quelques niveaux hiérarchiques en dessous d’eux, un phénomène que beaucoup trop d’entreprises ignorent. A ses yeux, c’est l’alignement fondamental des équipes de Microsoft qui permet de nourrir un débat interne constructif et, partant, la réalisation d’un progrès continu. Dans ce même esprit, il focalise la culture du Groupe sur la recherche d’un apprentissage permanent.
La lecture de “Hit Refresh” éclaire le patient travail mené par Satya Nadella pour faire la pédagogie de la nouvelle culture qu’il souhaitait que le Groupe adoptât, mobiliser ses dizaines de milliers de collaborateurs dans sa mise en oeuvre dans le cadre d’une démarche très participative, mesurer les changements réalisés et assurer la cohérence de la nouvelle approche à travers l’ensemble du Groupe : ce n’est qu’après trois années qu’il constata les premiers résultats de cette initiative, résultats dont attestent mes anciens collègues de Microsoft avec lesquels je discute.
Last but not least, Satya Nadella explique que les objectifs financiers du Groupe ne furent que la traduction de sa raison d’être et de sa culture, jamais leur déterminant. C’est en procédant ainsi qu’il a multiplié le cours de Bourse de Microsoft par près de dix et a fait du Groupe l’un des très rares à être valorisé à plus de 1 000 milliards (ou un trillion) de dollars.
La brute : Elon Musk
Si Satya Nadella incarne l’importance de la culture dans le destin d’une entreprise, Elon Musk, la brute dans mon petit récit, personnifie le rôle décisif de la mission corporate. A cet égard, “Power Play” relate l’histoire du constructeur de véhicules électriques Tesla. Même si la fin de l’aventure nous est connue, vous ne pourrez pas lire un roman plus captivant que cette histoire vraie, tant les obstacles surpassés par Elon Musk et ses équipes, et donc les rebondissements, y abondent.
Dès l’origine de Tesla, l’objectif du génialissime entrepreneur fut double : accélérer la transition des voitures à essence vers les véhicules électriques et, dans cette optique, produire les meilleurs véhicules au monde tous modes de propulsion confondus. Au service de cette ambition, Elon Musk révolutionna simultanément tous les éléments constitutifs du secteur automobile, de la conception, le développement et la production des voitures à leur commercialisation, leur conduite et leur entretien, en bâtissant de surcroît le premier constructeur spécialisé dans les véhicules électriques pérenne. Tesla fut ainsi la première marque automobile américaine introduite en Bourse depuis 1956 (Ford) et la seule qui ne fit pas faillite après la crise financière de 2008-2009. Surtout, Elon Musk accomplit ces prouesses sans la moindre expérience dans l’automobile et tout en bouleversant l’industrie spatiale avec SpaceX (en obtenant des résultats incomparablement meilleurs que ceux de Jeff Bezos avec Blue Origin), en développant SolarCity pour faire adopter l’énergie solaire à plus grande échelle, en inventant le concept d’Hyperloop, en créant The Boring Company pour construire des tunnels de transport public à haute vitesse, en co-fondant Neuralink afin d’intégrer l’intelligence artificielle au sein du cerveau humain et en constituant OpenAI, une ONG de recherche destinée à développer une intelligence artificielle sans danger pour l’humanité.
Animé par sa mission, il prit tous les risques financiers sur le plan personnel, devant longtemps emprunter de l’argent à ses amis pour financer sa vie quotidienne car il avait investi toute la fortune générée par ses succès entrepreneuriaux précédents dans Tesla afin de la sauver de plusieurs faillites successives, alors que les marchés financiers, au premier rang desquels les tristement célèbres “short-sellers” (ou vendeurs à découvert), pariaient sur son échec. Il faillit d’ailleurs confirmer le dicton américain selon lequel “pour réaliser une petite fortune dans l’automobile, il faut commencer avec une grosse“. Il remit également en question toutes les vérités assumées depuis des décennies par l’industrie automobile et inventa continûment de nouvelles méthodes pour la métamorphoser. Il surmonta crise après crise, enchaînant les périodes au cours desquelles il dormait à même le sol de son usine de production afin d’optimiser son temps de travail. Je suis d’ailleurs convaincu que le défi représenté par la création et le développement de Tesla fut plus difficile, pour Elon Musk, que l’édification de SpaceX, là aussi sans la moindre expérience du secteur spatial. Certes, il ne tint fameusement pas tous les objectifs calendaires impossibles qu’il annonça mais Tesla est aujourd’hui le constructeur automobile dont les véhicules sont les mieux notés par Consumer Reports, l’organisation à but non lucratif américaine qui réalise les tests automobiles les plus exigeants et les plus respectés, dont l’un des produits (le Model 3) est la voiture la plus vendue en Europe (tous modes de propulsion confondus) et dont la valorisation boursière (à plus d’un trillion de dollars) est de très loin la plus élevée du secteur.
Elon Musk est sans conteste le plus extraordinaire entrepreneur de notre époque et, probablement, de l’Histoire. Mais être un génie n’induit pas d’être un saint et les méthodes managériales de celui qui est aujourd’hui l’homme le plus riche au monde1 ne sont pas toujours les plus recommandables. Il se trouve que certains de mes amis américains ont travaillé directement avec Elon Musk et m’ont relaté des épisodes qui corroborent les assertions de “Power Play” à cet égard.
C’est en cela que ce livre doit être lu en complément de celui de Satya Nadella pour permettre de trouver le juste équilibre entre l’ambition prodiguée par une mission fortement aspirationnelle et la culture qui assure l’épanouissement de celles et ceux qui la mettent en oeuvre.
Le truand : Adam Neumann
Le truand est Adam Neumann, le co-fondateur et ex-patron de WeWork. Avec son épouse Rebekah, Adam Neumann symbolise les dangers des dirigeants qui n’acceptent aucun contre-pouvoir et des membres de leur entourage qui leur permettent de se comporter ainsi. A cet égard, “The Cult Of We” parvient à apporter de nouvelles révélations sur les dérives du couple après qu’elles ont pourtant fait l’objet d’une couverture médiatique très importante depuis sa chute.
L’histoire d’Adam et Rebekah Neumann a deux fils rouges : leur narcissisme et leur avidité sans limite.
La création et le développement de WeWork furent fondés sur la conviction du couple qu’il pouvait non seulement changer, mais aussi sauver, l’humanité, et qu’Adam devrait in fine devenir une sorte de Président du monde pour appliquer la soi-disant philosophie largement conçue par Rebekah. Se croyant un dirigeant visionnaire égal de Steve Jobs ou Elon Musk, Adam Neumann managea pourtant WeWork de manière erratique et en accumulant les caprices (jusqu’à lui faire acquérir des entreprises n’ayant rien à voir avec son activité mais dont l’occupation correspondait à ses centres d’intérêt, entre autres pour le surf), ainsi que la consommation d’alcool et de drogues. Au quotidien, l’ego démesuré du couple se traduisait par un refus de se voir appliquer les règles qui gouvernent la vie du vulgum pecus et son traitement indigne de ses équipes, estimant par exemple que le congé maternité de leur plus proche collaboratrice était des vacances.
L’avidité d’Adam et Rebekah Neumann obéra les comptes de WeWork sur lesquels le couple préleva des centaines de millions de dollars pour financer un train de vie fastueux (achat de huit propriétés privées luxueuses, acquisition de biens immobiliers de rendement, entretien d’un personnel nombreux…). Pour éviter que ce château de cartes ne s’effondrât, Adam Neumann entretint la fable selon laquelle WeWork était une entreprise du secteur des nouvelles technologies, gage de valorisation boursière sans équivalent, et non de l’immobilier, alors que son activité consistait prosaïquement à sous-louer des espaces de bureaux et que lui-même n’utilisait même pas d’ordinateur au quotidien. En outre, le PDG affirmait à qui voulait l’entendre que son entreprise était rentable alors qu’elle dépensait deux dollars pour chaque dollar qu’elle engrangeait et que ses pertes doublaient chaque année.
Au-delà de l’immoralité du couple Neumann, c’est en fait la leçon ultime du phénomène WeWork : ce scandale ne fut possible que parce que des individus, eux aussi gouvernés par leur ego, leur cupidité et/ou leur incompétence, lui accordèrent du crédit et des crédits pendant trop longtemps. Au premier rang de ceux-ci, Masayoshi Son, le patron de la holding Softbank et du fonds Vision Fund, qui, parce qu’il voulait être considéré au même niveau que Bill Gates dans le panthéon des nouvelles technologies, investit plus de 10 milliards de dollars dans WeWork et poussa Adam Neumann à viser des objectifs encore plus irréalistes (par exemple une valorisation de 10 trillions de dollars) que ceux qu’il nourrissait déjà par lui-même.
Au final, tout l’écosystème de WeWork souffrit de son effondrement : ses collaborateurs perdirent tout espoir de concrétiser leur travail dans la valorisation de leurs actions, un grand nombre d’entre eux furent licenciés, et ses actionnaires, au premier rang desquels Softbank, virent leur investissement partir en fumée (la valorisation de l’Entreprise passa de 47 à 8 milliards de dollars). Seul le couple Neumann s’en sortit bien : dans ce qui est sans doute l’un des épisodes les plus honteux du capitalisme moderne, Adam Neumann négocia en effet un parachute de plusieurs centaines de millions de dollars pour renoncer à sa position de PDG et ses droits de vote. Celui qui avait causé la chute de l’Entreprise par son ineptitude managériale et ses dépenses délirantes était plus que grassement rémunéré pour arrêter de la conduire dans le mur alors que toutes les parties prenantes dont il était responsable mordaient la poussière. Adam et Rebekah Neumann quittèrent WeWork avec 1,1 milliard de dollars en numéraire et un prêt de 500 millions de dollars, bien que l’Entreprise qu’ils dirigeaient vînt de perdre plus de quatre cinquièmes de sa valeur.
Ainsi que l’illustre de nouveau la vogue des SPAC (special-purpose acquisition companies ou sociétés d’acquisition à vocation spécifique), les acteurs des marchés financiers ne peuvent s’empêcher de rêver. Parfois, comme avec WeWork ou dernièrement avec Nikola (un mini-WeWork), ce rêve se transforme en cauchemar. Toujours, les deux garde-fous contre ces catastrophes sont la légitimité de la culture, à la manière de Microsoft, et la pertinence de la mission, à l’instar de Tesla.
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1 Lundi, sa fortune (297 milliards de dollars) était supérieure à la capitalisation de Toyota, le deuxième constructeur automobile le plus valorisé en Bourse après Tesla.
Bonjour,
La partie sur Elon Musk me semble bien élogieuse…
L’on ne peut pas parler d’objectif double “dès l’origine de Tesla (…)” et encore moins de “génialissime entrepreneur” puisqu’Elon Musk ne s’est contenté que de devenir un actionnaire de Tesla huit mois après sa création par Martin Eberhard et Marc Tarpenning.
Si Consumer Reports note que les Tesla sont extrêmement appréciées de leurs propriétaires, les données de ce même Consumer Reports montrent que la plupart des modèles Tesla obtiennent des notes de fiabilité médiocres.
L’article cité en référence confirme bien que la Tesla Model 3 est la voiture la plus vendue en Europe mais sur un mois seulement, à savoir septembre de cette année. Les autres marques vendent leurs voitures tous les mois de chaque trimestre, pas seulement le troisième.
Enfin, Musk n’a pas inventé le concept d’Hyperloop qui n’est qu’un réchauffé de Swissmetro inventé en 1974 par Rodolphe Nieth.
Cordialement,
Lewis
Bonjour Lewis,
Merci beaucoup pour votre commentaire qui me semble très intéressant car il représente remarquablement l’approche de ceux qui détestent et/ou jalousent Elon Musk et sont prêts à ergoter sur la moindre de ses réalisations :
– s’il ne créa pas les statuts juridiques de Tesla, Elon Musk “ne s’est pas contenté que de devenir un actionnaire de Tesla huit mois après sa création” comme vous l’écrivez : il en devint le premier actionnaire et le Président (c’était en 2004). Il est d’ailleurs reconnu juridiquement comme l’un de ses co-fondateurs. Et son objectif fut alors bien double comme je l’écris dans l’article. Ensuite, vous pouvez arguer que, depuis 2004, Elon Musk n’est pas responsable du succès de l’Entreprise mais vous aurez du mal à convaincre ;
– sur le terme “génialissime entrepreneur”, c’est affaire d’appréciation. J’essaie pour ma part de ne pas perdre la capacité d’admirer les réalisations d’autrui et, dans le domaine de l’entrepreneuriat, il me semble que personne ne dépasse celles d’Elon Musk que je rappelle dans l’article (Tesla, SpaceX, SolarCity, Hyperloop, The Boring Company, Neuralink, OpenAI…) ;
– concernant Consumer Reports, les faits sont têtus : l’ONG a en effet attribué un score de 99 sur 100 au Model S (alors la note la plus haute jamais obtenue par un véhicule testé par ses soins avant que la version P85D du Model S n’obtienne un score de 100 sur 100) et le Model 3 figure aussi parmi les meilleurs véhicules de sa catégorie dans son classement ;
– sur les ventes du Model 3 en Europe, votre argument est encore plus absurde : quand un produit connaît un succès croissant auprès des consommateurs, il est évident que, avant d’être le produit le plus vendu un mois donné, il ne l’est pas les mois précédents. Le fait que le Model 3 soit devenu le véhicule le plus vendu en Europe en septembre induit donc qu’il ne l’était pas en juillet et août. La question est plutôt de savoir si le Model 3 restera le plus vendu ces prochains mois, ce qui renvoie aux enjeux de capacité de production de Tesla ;
– quant à l’Hyperloop, vous pourriez aussi évoquer le concept de Robert Goddard qui date de 1904. Tout progrès technologique s’appuie naturellement sur les idées et avancées antérieures. Si l’Hyperloop était aussi facile à concevoir que vous le pensez, je me demande pourquoi personne d’autre qu’Elon Musk ne l’a concrétisé.
Pour autant, comme je l’écris dans l’article, Elon Musk est éminemment critiquable mais pas sur les dimensions que vous citez : il est condamnable pour certaines de ses méthodes de management (d’où le rôle de “brute” que je lui donne dans l’article).
Bien à vous.
Xophe
Cher Christophe,
Merci de votre réaction. L’un des points sur lesquels nous sommes probablement d’accord est la capacité d’Elon Musk à polariser les opinions sur sa personne.
Je ne déteste ni ne jalouse Musk et je suis triste d’être parqué ainsi. Ayant développé et dirigé une entreprise globale de près de 200’000 personnes, curieux et avide d’apprendre, je suis forcément intéressé par son travail pour lequel je lui souhaite plein succès. Mais pour comprendre et apprendre, il me semble important de mettre de côté les composantes émotionnelles et éviter les envolées lyriques dont je me méfie grandement (comme vous l’avez lu, WeWork est sur ce point un cas d’école). Il ne s’agit donc pas d’ergoter mais de rester rationnel et pragmatique.
Sur la performance de vente du Model 3 en Septembre en Europe nous sommes donc d’accord : l’intérêt est de savoir si le Model 3 restera le plus vendu ces prochains mois.
Sur le succès de Tesla, si ce dernier se mesure à sa valorisation boursière on peut s’étonner que celle-ci dépasse celles consolidées de Toyota, VW, Mercedes, GM, BMW, Ford et beaucoup d’autres encore alors que sa part de marché est de 1.5%. Il y a quelque chose qui m’échappe et si vous avez une explication rationnelle à fournir plutôt que de l’expliquer par du génie je suis preneur.
Sur l’Hyperloop dont je n’ai pas écrit qu’il était facile à concevoir, nous sommes donc d’accord que Musk n’a pas inventé le concept : vous remontez encore plus dans le temps que votre serviteur.
Bien cordialement,
Lewis
Cher Lewis,
Si vous avez vraiment développé et dirigé une entreprise mondiale de 200 000 personnes, je vous suggère bienveillamment que vous seriez beaucoup plus utile à la communauté de Superception en sortant de votre anonymat et en témoignant de votre expérience (par exemple au micro de mon podcast) qu’avec ce débat quelque peu vétilleux.
Nous sommes effectivement en phase sur la capacité de polarisation des opinions d’Elon Musk.
Pour le reste, vétille pour vétille, quelques précisions :
• je n’ai pas écrit que vous détestiez ou jalousiez Elon Musk (comment pourrais-je le savoir ?) mais que vos propos représentent bien ceux qui sont animés de ces sentiments ;
• si le fait d’écrire qu’Elon Musk est un génie s’apparente à une envolée lyrique, alors j’accepte ce lyrisme avec joie, sans craindre qu’il ne me fasse verser pour autant dans les dérives de WeWork ;
• sur la performance du Model 3, nous ne sommes pas d’accord étant donné que vous critiquiez ses ventes aux mois de juillet et août ;
• sur le succès de Tesla, sa valorisation boursière, comme vous le savez mieux que personne étant donnée votre expérience, est liée au potentiel futur que les marchés financiers lui accordent beaucoup plus encore qu’à ses ventes actuelles (celles-ci accréditent cependant celui-là). Elon Musk est d’ailleurs le premier à questionner la rationalité de cette valorisation, récemment encore lorsque Tesla franchit le cap du trillion de dollars de capitalisation ;
• sur l’Hyperloop, je ne peux que me répéter : il n’est pas qu’”un réchauffé” du concept de 1974, pas davantage que de celui de 1904. Il me semble qu’Elon Musk en est l’inventeur comme Steve Jobs (avec son équipe) inventa l’iPhone sans inventer le smartphone.
Au-delà de ces débats qui me semblent stériles à l’échelle des réalisations d’Elon Musk, mon invitation à participer au Podcast Superception reste ouverte. Je suis certain que nous trouverons des sujets de conversation bien plus passionnants.
Bien à vous.
Xophe
Cher Christophe,
En ce qui me concerne je ne sais pas encore comment qualifier les réalisations d’Elon Musk rapportées à ce que d’autres font de façon plus discrète dans des domaines semblables, exception faite de SpaceX. A ce stade je me contente d’observer. Car la frontière est parfois ténue entre génie, arnaque ou grosse farce (comme par exemple robot humanoïde Tesla présenté à l’AI Day afin, certainement, de détourner la conversation des problèmes du FSD).
Souvent ceux qui se font abuser se caractérisent par leur capacité ou insistance à ignorer les vétilles précisément, mais n’y voyez rien contre vous. Cela a été le cas pour Theranos et WeWork auprès desquels j’ai été proche comme investisseur potentiel. Dans chacun de ces cas, de nombreux signaux auraient dû amener à se poser les bonnes questions mais la grande majorité est restée hypnotisée par les charismes respectifs d’Elisabeth Holmes la sorcière et d’Adam Neumann le truand.
Or du charisme, Musk n’en manque pas et avec le risque de vite oublier son devoir de due diligence. C’est pourquoi les managers que vous invitez à lire ces trois ouvrages doivent rester vigilants. Et par exemple, ne pas commenter une performance (ventes de Model 3 en Europe en septembre) sans avoir pris soin d’analyser tous les paramètres, comme le contexte du marché européen qui, à cette même période, s’est effondré de 23,1% par rapport à septembre 2020 du fait de la pénurie de semi-conducteurs ou le résultat des ventes des voitures hybrides, hybrides rechargeables et électriques produites par la compétition. Qu’est-ce qui explique cette performance ? Quels sont les drivers ? Quelle est la structure de la demande ? Qu’a fait Tesla pour qu’elle puisse occuper cette position ? Quelles perspectives est-ce que cela ouvre ? Ou encore décortiquer les documents comptables et financiers de Tesla, ce que probablement peu, sur les marchés financiers, prennent le le soin de faire pour estimer le “potentiel futur”. Espérons d’ailleurs que certaines pratiques n’auront pas pour conséquence d’interrompre brutalement le lyrisme évoqué plus haut…
Merci de l’invitation à laquelle je vais réfléchir, c’est très aimable.
Bien à vous,
Lewis
Cher Lewis,
Je ne peux que conclure de nos échanges qu’il semble que vous ayez une réticence à l’égard d’Elon Musk, dont vous essayez continûment de réduire les réalisations, quitte à changer à chaque message d’argument après que je vous eus contredit factuellement sur vos assertions du message précédent. Je ne vais donc pas de nouveau réfuter les éléments de votre dernier message (par exemple sur les ventes du Model 3 en Europe) car notre débat est stérile à ce stade. Je vous laisse bien volontiers le dernier mot pour nous faire gagner du temps à tous les deux.
L’avenir vous donnera peut-être raison comme vous dites avoir eu raison sur Theranos et WeWork avant la grande majorité. Mais, même dans ce cas, ce qu’a déjà réussi Elon Musk – qui est unique à maints égards – demeurerait. Pour ma part, ce que je déplore dans son aventure entrepreneuriale, comme je l’explique dans l’article, a trait à ses dérives managériales (vis-à-vis de ses équipes, des autorités de marché…).
Mon invitation à participer à mon podcast reste ouverte mais j’ai le sentiment que vous ne l’accepterez pas car cela vous ferait sortir de votre confortable position de censeur anonyme.
Bien à vous.
Xophe