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Toute vérité n'est que perception

Le désengagement médiatique, enjeu démocratique majeur

Comment se faire une opinion rationnelle sur les enjeux politiques sans connaître les faits ?

Le rapport annuel du Reuters Institute et de l’Université d’Oxford sur la consommation médiatique est l’une de mes études favorites car il est toujours extrêmement instructif. L’édition 2022, fondé sur un sondage réalisé auprès de plus de 93 000 personnes dans 46 pays (chaque échantillon national étant représentatif), ne déroge pas à la règle.

L’un de ses thèmes qui m’ont le plus intéressé concerne le désengagement des citoyens à l’égard de la relation de l’actualité par les médias. Les auteurs du rapport écrivent à ce sujet :

Nous constatons une baisse de l’intérêt pour l’actualité, une diminution de la confiance à l’égard des médias et une augmentation de l’évitement actif des informations d’actualité parmi certains groupes. Un grand nombre de personnes considèrent que les médias sont soumis à une influence politique indue et seule une petite minorité croit que la plupart d’entre eux font passer l’intérêt général avant leur intérêt commercial.

Parmi les plus jeunes, ces enjeux sont aggravés par les habitudes médiatiques de ces générations : en examinant les pratiques des moins de 30 ans, nous avons constaté qu’ils sont beaucoup moins intéressés par un contact direct avec les médias d’information, qu’ils ont des points de vue différents sur ce que devrait être le journalisme et qu’ils dépendent beaucoup plus des réseaux sociaux”.

Les raisons données par les personnes qui opèrent une sélectivité médiatique au détriment de l’actualité se présentent comme suit :

  • 43% sont rebutés par la répétitivité de la couverture médiatique de l’actualité, notamment autour des débats politiques et du Covid-19 ;
  • 36% jugent leur moral négativement impacté par l’actualité (une réaction qui touche surtout les moins de 35 ans) ;
  • 29% se disent épuisés par l’actualité ;
  • 29% considèrent ne pas pouvoir faire confiance à la relation médiatique des informations ;
  • 17% regrettent que l’actualité suscite des débats avec leurs proches qu’ils préféreraient éviter ;
  • 16% ressentent une forme d’impuissance en suivant l’actualité ;
  • 14% n’ont pas le temps de s’intéresser aux informations ;
  • 8% ont du mal à les comprendre.
(CC) Vadimguzhva-iStock

Ce phénomène d’évitement de l’actualité concerne aujourd’hui 38% de la population mondiale1 contre 29% en 2017. La France est très proche de cette moyenne planétaire avec 36% de ses citoyens qui évitent à présent de prendre connaissance des informations dans les médias contre 29% en 2017. Dans certains pays, la proportion des personnes qui se désengagent de la vie de la Cité est encore plus alarmante : 54% au Brésil, 46% au Royaume-Uni et 42% aux Etats-Unis.

Ce désengagement va de pair avec un déficit de confiance dans les médias : moins d’un citoyen sur deux dans le monde (42%) font confiance aux informations relatées par les médias. La situation est plus dégradée en France à cet égard que dans la moyenne internationale : 29% de nos concitoyens font confiance aux actualités médiatiques (nous nous classons ici en 41ème position sur les 46 pays analysés dans cette étude) contre 38% en 2017. Il convient de noter que ce niveau de confiance était tombé plus bas encore à l’acmé du mouvement des gilets jaunes.

Deux facteurs structurants de l’écosystème médiatique actuel contribuent à l’aggravation de ces phénomènes.

Le premier est la surinformation : nous visionnons en moyenne l’équivalent de 91 mètres de contenus sur nos smartphones chaque jour. Il est évidemment impossible de nous intéresser, et encore moins de digérer, un tel volume de contenus.

Le second est le coût du suivi de l’actualité. Seulement 17% de la population mondiale (11% en France) ont payé l’an dernier pour s’informer en ligne (ce paiement pouvant concerner un abonnement, une donation ou l’achat d’un seul contenu). 83% de la population mondiale suivent donc l’actualité à partir des informations gratuites accessibles sur Internet, lesquelles sont par nature les moins fiables. En outre, 36% de la population mondiale utilisent Facebook pour s’informer et 19% Youtube, des données inquiétantes lorsqu’on sait le niveau de manipulation auquel l’actualité est soumise sur ces deux services.

La dérive générée par ce double travers médiatique – le désengagement d’une partie de la population à l’égard de l’actualité et l’engagement d’une autre partie à son sujet sur des médias non fiables – représente un enjeu démocratique majeur. En effet, comment une population pas ou mal informée peut-elle participer à la vie politique ? Comment peut-elle partager un minimum d’éléments communs sur les faits qui sous-tendent les débats civiques ? Comment peut-elle voter en connaissance de cause sans se faire illusionner ou intoxiquer ?

James Madison, le père de la Constitution américaine, écrivit que “l’avancement et la diffusion de la connaissance sont les seuls garants de la vraie liberté. (…) La connaissance gouvernera toujours l’ignorance et un peuple qui veut être son propre gouvernement doit s’armer du pouvoir que donne la connaissance“.

C’est tout l’enjeu de nos jours.

1 Au sens des 46 pays couverts par l’étude du Reuters Institute et de l’Université d’Oxford.

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