L’expérience de vie des managers influence l’expérience de travail de leurs équipes

C’est un phénomène conscient ou inconscient qu’il vaut mieux conscientiser.

Le sport représente une métaphore et un champ d’inspiration inextinguibles pour le management. Aujourd’hui, c’est à partir du parcours du coach des Boston Celtics, une équipe mythique de la NBA, la ligue américaine de basketball professionnel, que je voudrais partager avec vous des leçons de vie et de leadership.

Ime Udoka a grandi dans une famille très pauvre de Portland (Oregon). La situation professionnelle de ses parents était si tendue que le petit Ime, dès ses quatre ans, finissait le parcours à pied tout seul pour se rendre à l’école maternelle. Un matin, il fut renversé par une camionnette et passa plusieurs jours à l’hôpital pour soigner ses blessures à la tête. Le reste de son enfance fut marqué par la précarité de son quotidien où il ne disposait pas toujours de vêtements à sa taille, de repas chauds, voire d’une maison avec l’électricité et le chauffage. Lorsque ses camarades invitaient Ime à dîner chez eux, ils s’arrangeaient pour qu’un repas gargantuesque lui soit offert par leurs parents.

La seule distraction d’Ime Udoka était le basketball : chaque vendredi soir, il se rendait à l’Armée du Salut pour y jouer dans la Ligue de Minuit, une compétition locale qui se déroulait entre minuit et trois heures du matin afin de soustraire les enfants en difficulté aux tentations (violence, drogue…) qui pouvaient faire dériver leur jeune existence. Ime Udoka mettait aussi le basket à profit sur le plan financier : quand il participait à des stages, il empilait les bouteilles d’eau dans son sac à dos pour les rapporter à sa famille.

Son développement en tant que joueur fut également très incertain : il enchaîna des passages dans nombre de championnats et franchises de deuxième niveau avant de péniblement gagner sa place dans des équipes de la NBA dont, toujours, les stars furent aiguillonnées par son sens inné du leadership.

L’expérience de vie d’Ime Udoka influence aujourd’hui la manière dont il coache les Boston Celtics. Il place la résilience au cœur de son management, ce qui l’amène par exemple à favoriser les qualités défensives de son équipe sur des prouesses offensives plus brillantes mais moins exigeantes individuellement et collectivement. La dureté de sa jeunesse inspire aussi sa transparence à l’égard de ses joueurs vis-à-vis desquels il est aussi exigeant qu’il l’est, publiquement, avec lui-même. Peut-être surtout, le très austère apprentissage de la vie dont Ime Udoka a triomphé le conduit à traiter tous les individus de la même manière, quel que soit leur positionnement sur l’échelle sociale. Cette philosophie s’est révélée décisive au sein des Celtics où elle a été gage de confiance entre le coach et l’ensemble de ses joueurs et, par ricochet, entre ces derniers.

C’est le sens du collectif et le respect mutuel engendrés par cette approche managériale qui a permis à l’équipe de surpasser les difficultés d’une saison ressemblant souvent à un voyage en enfer pour finalement atteindre la finale du championnat de la NBA¹. Personne n’aurait parié sur cette apparition en finale, la première pour les Celtics depuis 2010, au terme de la première saison d’Ime Udoka comme coach. Mais, comme leur manager, les joueurs de Boston donnent leur meilleur dans les contextes les plus sévères.

L’exemple d’Ime Udoka illustre une réalité incontournable : tous les managers, quel que soit le niveau de leurs responsabilités, sont influencés par leur expérience de vie. Celle-ci leur a notamment inculqué des valeurs, une vision des relations humaines, ainsi que des modes de fonctionnement préférentiels et, en particulier, de réaction aux situations délicates qui, immanquablement, guident leurs pratiques managériales consciemment ou inconsciemment.

Il est largement préférable que cette influence soit conscientisée, c’est-à-dire que, comme Ime Udoka, chaque manager accomplisse un travail d’introspection pour appréhender comment la manière dont il a été construit, par ses précepteurs et par la vie, et dont il s’est construit infléchit son leadership. Seule cette analyse lui permet de comprendre pourquoi il agit et réagit ainsi à l’égard de ses équipes et d’identifier les vertus et les faiblesses de sa ligne de conduite.

Je sais, pour ma part, que les tourments que j’ai vécus durant deux ans au milieu des années 2010 (greffe osseuse à la colonne vertébrale, échec de la fusion osseuse dans un premier temps entraînant des douleurs épouvantables durant six mois, perte de mon emploi, alitement immobile total d’un an…) ont influencé ma relation aux autres et, partant, ma pratique du management pour le meilleur.

Avant d’incarner une responsabilité hiérarchique, un manager est d’abord un être humain.

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¹ Ils furent défaits en six matches (2-4) par les Golden State Warriors du magistral Stephen Curry.