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Toute vérité n'est que perception

L’homme le plus méprisable de la planète

Robert Kennedy Jr. vs. Robert Kennedy. Camelote vs. Camelot.

Le mépris et l’exécration sont deux sentiments différents. Le premier relève général d’une optique plus morale que la seconde. Dans la sphère politique, Xi Jinping, Nicolas Maduro, Vladimir Poutine et les autres autocrates criminels de la planète méritent naturellement davantage mon exécration que Robert Kennedy Jr. Mais ce dernier atteint des sommets en matière de bassesse.

Au-delà de ses aspects objectifs (que je détaille dans la seconde partie de cet article), mon dégoût pour RFK Jr. se nourrit certainement du culte (païen) que je voue à son père, Robert F. Kennedy. RFK est la personne que j’admire le plus au monde, une sorte de héros indépassable à mes yeux. Ma vénération pour lui est telle qu’elle confine à l’amour.

Robert F. Kennedy : Camelot

Son père, Joseph P. Kennedy, considéra d’abord son troisième fils comme le moins doué de ses neuf enfants. Plutôt que de l’abattre, ces faibles attentes placées en lui poussèrent Robert à réussir à tout prix. Alors que ses frères et sœurs, plus assurés, traçaient avec confiance leur propre chemin, “Bobby” écoutait, apprenait et développait une sensibilité née du fait qu’il n’était jamais sûr d’être à la hauteur. Sa famille eut un aperçu de sa ténacité lorsque, à quatre ans, il fut si déterminé à nager comme ses grands frères qu’il sauta sans protection du bateau familial dans la mer, prêt à se noyer s’il ne parvenait pas à flotter (il fut sauvé par l’un de ses grands frères). De même, quand il se cassa la jambe au cours d’un match de football américain à Harvard, ne dit-il rien, continuant de jouer jusqu’à ce qu’il s’évanouît sur le terrain. Toute sa jeunesse, il ne fut ni un athlète naturel (alors que cette qualité était presque aussi importante, chez les Kennedy, que l’aisance intellectuelle) ni un étudiant naturel ni un charmeur naturellement populaire parmi ses pairs comme ses aînés. Rien ne fut facile pour lui.

C’est probablement cette jeunesse qui le rendit sensible aux marginaux de toute engeance. Elle influença aussi sa vision politique, fondée sur l’expérience personnelle de la vie de ses concitoyens et non sur l’approche rationnelle de John. Il fut un romantique déguisé en réaliste qui mit le réalisme implacable de ses méthodes au service de l’idéalisme de ses objectifs. Jack Newfield, l’un de ses talentueux biographes, écrivit à son sujet : “Sa devise aurait pu être : ‘Ne me comprenez pas trop vite‘. Ses caractéristiques les plus fondamentales étaient simples, intenses et en conflit direct les unes avec les autres. Il était constamment en guerre avec lui-même”. Bill Kovach, une autre plume éminente de son époque, complétait ainsi le portrait : “C’était l’âme de cet homme. Je n’avais jamais vu auparavant, et je n’ai jamais vu depuis, un homme politique aussi sensible aux autres, en particulier à ceux qui avaient besoin de son aide”. Ses collaborateurs au Sénat raconteront ce leader politique tellement rare, généreux avec les gens qui ne comptaient pas, auxquels il apportait son aide de manière aussi précise que confidentielle, révélant la tendresse qu’il s’efforçait par ailleurs de dissimuler.

Certes, comme John, Robert était pragmatique mais il était plus enclin à tester des solutions radicales, onéreuses en capital politique. Tous deux voulaient promouvoir les droits des minorités et lutter contre la pauvreté mais Bobby ressentait l’injustice viscéralement et en perdait le sommeil. Il estimait que l’intervention de l’Etat n’était pas le seul remède aux maux de la Société et que la création d’emplois était un objectif supérieur à l’octroi de revenus garantis. Il voulait aider les plus démunis à échapper à leur condition, qu’il ne considérait pas comme un déterminisme, au lieu de les y maintenir pour se cultiver une clientèle politique et une rente idéologique. Loin de jouir de sa vie avec l’enchantement que son patrimoine financier aurait pu lui offrir, il la dédia, jusqu’à la perdre, au combat qui lui donnait sens.

Comme le déclara Cesar Chavez, leader syndicaliste paysan, à son sujet, “il pouvait voir les choses à travers les yeux des pauvres. C’était comme s’il était l’un des nôtres“. Robert Coles, un psychiatre impliqué dans la lutte pour l’égalité, expliqua pourquoi les plus démunis avaient le sentiment que RFK était de leur côté : “C’est en partie parce que Kennedy a transmis aux impuissants la conviction de leur propre dignité, des forces qui leur permettraient, s’ils en avaient la possibilité, de faire quelque chose et de devenir quelqu’un. C’était son absence de désinvolture ou de condescendance, une urgence en lui, une recherche d’expression qu’il trouvait dans la situation critique d’autres personnes. Ils le considéraient comme un homme qui avait lui-même vécu une tragédie, qui avait ressenti la souffrance et qui pouvait la partager sans l’exprimer par des paroles. C’était dans son langage. Dans ses yeux. C’était dans un geste. Ils sentaient qu’il pouvait souffrir avec eux et accepter leur souffrance, tout en les appréciant d’égal à égal“.

Il était à la fois avide de compétition et vulnérable. Il était timide et peu sûr de lui. Il avait un grand sens de l’humour et de l’autodérision. Il était d’une curiosité infinie et voulait toujours apprendre. Il prenait des risques et était extrêmement courageux, ce qui finit par lui coûter la vie. Il avait un réel sens de la compassion. Il était provocateur et, s’il n’aimait pas quelqu’un, il ne pouvait pas faire semblant. Il était toujours impatient. Et il adorait les chiens et les animaux en général.

Robert F. Kennedy et Freckles en campagne – (CC) Getty

D’Eschyle et de Camus, RFK tira une forme de stoïcisme et de fatalisme, la conviction que l’Homme ne peut échapper à son destin mais qu’il ne doit pas se dispenser pour autant de tirer le meilleur de ses capacités. Il était aussi animé par le principe existentialiste selon lequel l’Homme, qui se définit par ses choix, se réinvente chaque jour et ne peut donc jamais se reposer. A ses yeux, la vie était une suite de risques et ne pas les assumer revenait à détruire une partie de soi-même.

Plusieurs épisodes de la vie de Robert Kennedy rendent compte de ses qualités. Laissez-moi vous narrer ceux qui me touchent le plus, des plus anecdotiques (dont il existe des dizaines d’exemples) aux plus historiques.

Il consacra sa première sortie en public après l’assassinat de son frère (qui le laissa détruit intérieurement jusqu’à la fin de ses jours) à la fête de Noël d’un orphelinat. Lorsqu’il entra dans la pièce où tous les enfants jouaient bruyamment, le silence s’installa soudainement. Bobby s’avança au milieu de la salle et un petit garçon lui dit alors : “Ton frère est mort ! Ton frère est mort !” Devant les regards effarés des adultes présents dans la pièce, le garçonnet se mit à pleurer. Bobby le prit dans ses bras, le serra très fort pendant un moment, puis lui dit : “Ce n’est pas grave. J’ai un autre frère”.

Un jour qu’il visitait un établissement pour enfants souffrant de déficiences mentales, il promit aux neuf bambins, lorsqu’il les quitta, de les emmener manger une glace (sa nourriture favorite). Connaissant son emploi du temps chargé, ni ses collaborateurs ni les médecins de l’institution ne le crurent. Pourtant, dix minutes plus tard, il était de retour, aidant les petits à s’habiller et les entassant dans sa voiture. Il les emmena dans un magasin voisin qui vendait des glaces et des bonbons. Après cette petite escapade, il plaisanta : “Quand ces enfants diront à leurs parents que Bobby Kennedy les a emmenés faire un tour et leur a acheté une glace, ils ne sortiront jamais de cet endroit“.

Un soir, alors qu’il rentrait chez lui de nuit, un chien se précipita sur la route. Son chauffeur ne put l’éviter et leur voiture le tua. Bobby Kennedy frappa à la porte de toutes les maisons sur une quinzaine de kilomètres avant de trouver celle des propriétaires du chien. Il leur expliqua l’incident, leur présenta ses excuses et leur demanda ce qu’il pouvait faire pour eux.

Il se rendit dans les entrailles du delta du Mississippi et visita un taudis où une quinzaine de personnes afro-américaines vivaient dans une chaleur et une puanteur étouffantes. Les enfants étaient vêtus de haillons qui couvraient à peine les plaies ouvertes sur leurs bras et leurs jambes. Des cafards et des rats couraient partout. Un bébé d’une vingtaine de mois était assis par terre dans une couche en lambeaux, le ventre gonflé par le manque de nourriture. L’enfant picorait des miettes et frottait des grains de riz en décrivant des cercles dans un mouvement hypnotique. Bobby s’agenouilla à côté de lui sur le sol en terre battue, caressant silencieusement sa joue plusieurs minutes durant. Le garçon restait fixé sur ses débris, sans se soucier des mouches qui pullulaient au-dessus de sa tête ni du sénateur des Etats-Unis qui, les larmes aux yeux, tentait d’établir un contact humain avec lui. Comme le raconta Marian Wright, une avocate activiste noire qui participa à la visite : “Robert Kennedy a fait des choses que je ne ferais pas“.

Lorsqu’il inaugura un foyer catholique pour personnes âgées à Kansas City, il passa l’essentiel de son temps à l’étage, loin des journalistes et des caméras, dans un service pour malades en phase terminale, assis seul au chevet d’une femme dont les yeux étaient fermés et le râle d’agonie le seul signe de vie. Celui qui était alors surnommé “l’impitoyable Kennedy” (“ruthless Kennedy”) caressa longuement la main de cette inconnue en lui parlant presque à voix basse. A propos de ce surnom, juste après l’assassinat de Martin Luther King, Robert Kennedy arriva à l’hôtel de sa campagne présidentielle au milieu de la nuit et trouva l’un de ses collaborateurs épuisé sur un lit. Après qu’il l’eut bordé, ledit collaborateur lui dit : “Tu n’es pas si impitoyable, après tout“. Bobby lui répondit : “Chut, ne le dis à personne“.

Le domaine d’Ethel et Robert Kennedy (“Hickory Hill” à McLean en Virginie) était un véritable zoo. Outre leurs dix enfants1 et nombreux chiens, dont son célèbre épagneul Freckles (tâches de rousseur) qui faisait campagne avec lui, la famille recueillit toutes sortes d’animaux en détresse : une otarie (qui vivait dans la piscine de la propriété), une buse, des pigeons voyageurs, des serpents, des iguanes, des ratons laveurs, des opossums, des cacatoès, des écureuils, des souris, des rats, des canards, des lapins, des perruches, des hamsters, des oies, des poules, des coqs, des cochons d’Inde, des lézards, des chevaux, un veau et une tortue.

Bobby défendit les Indiens d’Amérique et fit passer plusieurs réformes en leur faveur, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la défense de leur culture. Le jour de son assassinat, un chef indien dont il avait visité la réserve écrivit à Ethel : “Nous l’aimions aussi, Madame Kennedy. Aimer un représentant de l’Etat américain, pour un Indien, est presque du jamais-vu, comme le prouve l’Histoire. Nous lui faisions confiance, ce qui est aussi du jamais-vu pour un Indien. Nous avions foi en lui”. Les Indiens le considéraient comme un héros, le “Crazy Horse blanc”, aussi grand que les chefs de guerre indiens les plus célèbres.

Il mena de nombreuses autres réformes sociales et civiques à la tête du ministère de la Justice. Il y lutta aussi résolument contre les mafias et contre la corruption des patrons et des syndicats, tout en conseillant son frère sur de nombreux sujets. Il joua notamment un rôle décisif dans la résolution de la crise des missiles de Cuba : il aida JFK à surmonter la demande d’action militaire au sein de son administration, supervisa le Comité exécutif (la cellule de gestion de crise), rédigea la réponse américaine à la lettre de Nikita Khrouchtchev et mena les négociations secrètes avec Anatoli Dobrynine.

En mars 1967, il prononça un discours au Sénat sur les bombardements américains au Vietnam, rompant avec la majorité des Américains (seulement 24% de ses concitoyens souhaitaient l’arrêt des frappes). Son frère Ted, sénateur de Boston (RFK était sénateur de New York), lui avait dit la veille : “Assure-toi bien qu’ils annoncent que c’est le Kennedy de New York“. Le matin même, la famille Kennedy avait accueilli un coati (une sorte de raton laveur) qui avait mordu Ethel. De retour de chez le médecin, celle-ci avait plaisanté : “Si ce sont les seules cicatrices que les Kennedy auront ce soir, tout ira bien“. Bobby sera le seul membre des deux administrations démocrates concernées par la guerre du Vietnam à avoir admis s’être trompé à son sujet.

Robert F. Kennedy lors de sa campagne présidentielle de 1968 – (CC) AP

Lorsqu’il se présenta à la primaire démocrate pour la Maison-Blanche, il tint un discours de vérité : il reconnut les blessures morales de l’Amérique et promit de les guérir. Il expliqua à ses concitoyens qu’ils étaient individuellement responsables de ce que leur gouvernement avait fait en leur nom au Vietnam et de ce qu’il n’avait pas fait dans leur pays pour les minorités et les pauvres. Il leur indiqua qu’ils ne pouvaient pas s’acquitter de cette responsabilité simplement en élisant un nouveau Président : ils devraient participer au processus de guérison.

Après l’assassinat de Martin Luther King, Robert Kennedy, qui se trouvait dans l’Indiana, décida d’aller parler aux populations noires, au coeur du ghetto d’Indianapolis. Les autorités locales lui firent savoir qu’elles ne seraient pas en mesure d’assurer sa sécurité et la police refusa d’assumer ce qui pourrait lui arriver. D’ailleurs, lorsque sa voiture pénétra dans le ghetto, son escorte policière le quitta. Juché sur la plate-forme d’une camionnette, Bobby improvisa un discours devant les habitants du ghetto, évoquant l’assassinat de John Kennedy pour partager sa douleur avec ceux qui venaient de perdre leur héros et héraut. Dans ce qui constitue l’une des plus belles allocutions de l’histoire américaine, il cita Eschyle : “Même dans notre sommeil, la douleur qui ne peut s’oublier tombe goutte à goutte sur le coeur, jusqu’à ce que, dans notre propre désespoir, contre notre volonté, vienne la sagesse par la terrible grâce de Dieu“. Il demanda aux personnes qui l’écoutaient de ne pas verser dans la violence, prenant le risque supplémentaire de développer le plaidoyer qu’ils n’avaient pas envie d’entendre. Cette nuit-là, alors qu’il y eut des émeutes dans 110 cités américaines, lesquelles causèrent la mort de 39 personnes, Indianapolis fut la seule grande ville à échapper à la violence.

Sa campagne présidentielle de 1968 fut marquée par une autre forme de violence : celle que tout le monde savait devoir lui être destinée, alors que son assassinat était presque programmé, à tel point que certains leaders des minorités qu’il défendait ne voulaient pas investir émotionnellement dans sa candidature, convaincus qu’il ne parviendrait pas vivant à la Maison-Blanche. Bobby était plus conscient que quiconque de cette menace mais y faisait face, porté par la cause qu’il incarnait. Ainsi, trois jours avant sa mort, alors qu’il faisait campagne dans San Francisco, juché sur une voiture décapotable sans la moindre protection comme à son habitude, des coups de feu semblèrent retentir dans la foule en liesse. Adamantin, il continua de saluer ses supporters tout en faisant signe à un ami de préserver Ethel qui s’était affaissée sur son siège. Les coups de feu s’avérèrent avoir été des pétards.

Peu après, il emporta la primaire démocrate dans l’Etat de Californie, ce qui lui assurait la candidature à la Maison-Blanche et, aussi certainement qu’on puisse réécrire l’Histoire, l’accès au Bureau ovale. Lors de son discours de victoire, au sein de l’hôtel Ambassador de Los Angeles, il déclara notamment : “Je tiens à exprimer ma gratitude à mon chien Freckles. Je ne le fais pas par ordre d’importance mais je tiens également à remercier ma femme Ethel. Sa patience tout au long de cet effort a été fantastique“. Puis il prit un raccourci à travers les cuisines de l’hôtel pour sortir de celui-ci et fut assassiné de deux balles, dont une dans la tête. Juste avant de perdre connaissance, il demanda si personne d’autre n’avait été blessé. Il avait 42 ans.

L’hommage des Américains au convoi funéraire de RFK – (CC) Paul Fusco

L’assassinat de RFK ne représenta pas seulement le décès d’un autre Kennedy mais la mort de l’espoir que sa candidature portait. C’est ainsi que ses obsèques donnèrent lieu à la manifestation la plus spectaculaire d’un deuil public pour un Américain qui n’avait pas été Président. Un train funéraire transporta sa dépouille depuis ses funérailles à New York jusqu’à son enterrement à Washington D.C. Les trains transportant les corps des Présidents Abraham Lincoln et Franklin D. Roosevelt avaient voyagé à un rythme funéraire et s’étaient arrêté à plusieurs reprises pour des hommages. Le train véhiculant Robert Kennedy devait voyager sans arrêt et à une vitesse normale. Personne n’imaginait que, par un samedi après-midi torride, deux millions de personnes formeraient une chaîne de chagrin de 360 kilomètres de long, forçant le convoi à adapter son cheminement. Ces Américains, blancs comme noirs, craignaient que l’assassinat de Bobby Kennedy, comme celui de Lincoln, n’eût éliminé le seul leader capable de guérir et d’unifier leur nation blessée. Depuis lors, à chaque soubresaut de celle-ci, revient la même question uchronique : dans quel état l’Amérique serait-elle si Robert F. Kennedy avait été Président ?

Robert Kennedy et Robert Kennedy Jr. – (CC) Getty Images

Robert F. Kennedy Jr. : camelote

Troisième des onze enfants d’Ethel et Robert Kennedy, Robert Kennedy Jr. n’a plus rien d’autre que son nom en commun avec son père. Après avoir mené une carrière respectable d’avocat au service de causes environnementales, il s’enfonce depuis une vingtaine d’années dans le complotisme.

Sa candidature à la Présidence des Etats-Unis, qui le place ces temps-ci au coeur de l’actualité, est fondée sur diverses théories conspirationnistes. Pour les promouvoir, il ne recule devant rien : mensonges, manipulations des données statistiques, attaques victimaires contre les médias d’information… Son hypocrisie est également stupéfiante. Candidat censément anti-système, il est l’héritier de la quasi famille royale américaine – il est le cinquième membre de sa famille à présenter sa candidature à la présidentielle – et utilise la célébrité, la fortune et les réseaux de celle-ci pour promouvoir ses thèses fétides. Il se présente comme une victime de la censure, alors que son seul nom lui assure une couverture médiatique de premier plan. Ses convictions sur la dangerosité des vaccins n’ont pas empêché que les invités à une réception à son domicile soient obligés d’être vaccinés ou testés pour y participer. Son activisme environnemental s’arrête où son intérêt politique commence : il prononça ainsi le discours d’ouverture de la conférence Bitcoin 2023 au cours duquel il promit d’empêcher la régulation des bitcoins s’il était élu et accepte des dons en bitcoins pour sa campagne malgré les émissions de CO2 considérables produites par le recours à cette technologie.

Habitudinaire, Robert Kennedy Jr. passe d’une théorie complotiste à l’autre avec l’aisance de celui qui ne croit à rien, c’est-à-dire qui ne croit qu’en lui. Il promeut par exemple de dangereux mensonges sur les vaccins, à tel point que l’une de ses récentes interviews (sur le podcast de Jordan Peterson, un psychologue canadien connu pour ses attaques contre le féminisme et la diversité ethnique) fut récemment retirée par YouTube de sa plate-forme en raison des désinformations qu’elle contenait. Il opère notamment depuis 2005 un lien entre vaccination et autisme. Son activité de désinformation sur les vaccins est si intense qu’il fait partie des “Disinformation Dozen”, la douzaine de personnalités dont des études ont montré qu’ils étaient à l’origine de près de deux tiers de tous les contenus anti-vaccination diffusés sur Facebook et Twitter. Parmi ces tristes sires, RFK Jr. est le seul dont le nom suscite une reconnaissance immédiate du grand public et présente donc un danger d’autant plus grand.

Durant la crise du Covid-19, il critiqua vertement les principales décisions prises par le gouvernement américain pour mitiger la pandémie, du masquage à la distanciation sociale en passant par les vaccins. Dans un livre publié pendant la crise, il écrivit que ces remèdes, en particulier les vaccins, étaient “souvent plus mortels que les maladies qu’ils prétendaient traiter“. Il accusa également de grandes entreprises (Amazon, Pfizer…) d’avoir profité indûment de la crise, passant sous silence le fait que son livre se vendit à un million d’exemplaires, gonflant son compte en banque et sa visibilité. Il utilisa celle-ci pour affirmer que les obligations vaccinales “feront de vous des esclaves” et que “même dans l’Allemagne hitlérienne, vous pouviez traverser les Alpes pour vous rendre en Suisse. Vous pouviez vous cacher dans un grenier comme le fit Anne Frank” (sic).

Robert F. Kennedy Jr. soutient également que personne ne sait si le VIH est la seule cause du SIDA, une contre-vérité complotiste selon laquelle le VIH serait un parasite d’un virus plus dangereux au sujet duquel les scientifiques auraient étouffé le débat afin de tirer profit de la production de l’AZT, le premier médicament approuvé par l’administration fédérale américaine pour traiter le VIH et le SIDA en 1987.

En 2006, il commit un article dans lequel il argue que le Parti républicain a “monté une campagne massive et coordonnée pour subvertir la volonté du peuple” en volant l’élection présidentielle de 2004 dans l’Ohio grâce aux machines à voter Diebold. Dix-sept plus tard, il n’est pas sûr de la légitimité de la victoire de Joe Biden, au sujet duquel il déclare : “Je ne sais pas. Je pense que Biden a gagné“.

Il est également convaincu que la CIA a joué un rôle dans les meurtres de JFK et de RFK, allant jusqu’à faire campagne, contre la volonté de sa mère, pour la libération de l’assassin de son père, Sirhan Sirhan. Dans une autre affaire criminelle, il a accusé deux adolescents, l’un noir, l’autre métis, afin de disculper son cousin Michael Skakel du meurtre de sa voisine pour lequel il a purgé une peine de plus de dix ans de prison.

Il considère que les infrastructures 5G sont utilisées pour “recueillir nos données et contrôler notre comportement“, estime que le Wi-Fi génère des cancers et percela barrière hémato-encéphalique” pour provoquer des “fuites cérébrales“, établit un lien entre la consommation d’antidépresseurs et l’augmentation du nombre de tueries de masse, pense que la présence d’atrazine dans l’approvisionnement en eau contribue à la dépression et à la dysphorie de genre chez les garçons et envisage les nuages comme des produits chimiques pulvérisés par le gouvernement. Last but not least, il assure que la Russie a agi de bonne foi en envahissant l’Ukraine et que les Etats-Unis étaient largement responsables de ce conflit dans lequel ils ont tué, selon lui, 350 000 enfants ukrainiens.

Camelote vs. Camelot

La dignité et le courage ne sont manifestement pas héréditaires.

Fort heureusement, en promouvant sa camelote complotiste, RFK Jr. n’a pas atteint le mythe du plus remarquable membre de la dynastie des Camelot modernes.

Le dernier mot revient à ce dernier, Robert F. Kennedy (le vrai) : “Le courage moral est une denrée plus rare que la bravoure au combat ou l’intelligence supérieure. Pourtant, c’est la seule qualité essentielle et vitale pour ceux qui cherchent à changer un monde qui résiste douloureusement au changement“.

A bon entendeur !

1 La onzième, Rory, est née après l’assassinat de son père.

Quelques livres à lire sur Robert F. Kennedy :

  • Arthur M. Schlesinger, Jr. – Robert Kennedy and His Times – 1978
  • Thurston Clarke – The Last Campaign: Robert F. Kennedy and 82 Days That Inspired America – 2008
  • Larry Tye – Bobby Kennedy: The Making of a Liberal Icon – 2016
  • Jack Newfield – RFK: A Memoir – 1969
  • Michael Dobbs – One Minute to Midnight – Kennedy, Khrushchev, and Castro on the Brink of Nuclear War – 2008
  • Jeffrey Smith – Bad Blood: Lyndon B. Johnson, Robert F. Kennedy, and the Tumultuous 1960s – 2010
  • Robert A. Caro – The Passage of Power: The Years of Lyndon Johnson – 2012
  • Joseph A. Palermo – In His Own Right, the Political Odyssey of Senator Robert F. Kennedy – 2001

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