26 juillet 2012 | Blog, Blog 2012, Communication | Par Christophe Lachnitt
Mélodie en paroles
En communication comme en musique, l’émotion doit prévaloir.
Dans son livre Imagine: How Creativity Works (lire ma critique ici), Jonah Lehrer raconte la relation du grand violoncelliste Yo-Yo Ma à l’émotion musicale.
Lorsqu’il avait dix-neuf ans, Ma joua en concert une œuvre qu’il maîtrisait parfaitement après l’avoir longuement travaillée. Mais, pendant qu’il jouait, il se demanda soudainement ce qu’il faisait sur scène. Le public s’ennuyait et lui aussi. La perfection mécanique avec laquelle il interprétait la partition n’était pas communicative. Il conclut de cette expérience qu’un compromis doit être trouvé entre perfection et expression : “si votre seul souci est de ne pas commettre d’erreurs, vous ne communiquez aucune émotion. Vous négligez la vocation même de la musique qui est de faire éprouver des sentiments aux gens“.

Yo-Yo Ma – (CC) LindaCottonPhotography
Depuis cette révélation, l’approche de Yo-Yo Ma a changé. Au lieu d’analyser l’œuvre qu’il doit jouer note par note sous un angle technique, il cherche à comprendre sa signification globale. De même, il n’est plus grave et ultra-concentré avant un concert. Il apprécie au contraire d’être détendu et plaisantin : cette relaxation lui permet d’exprimer ses émotions une fois sur scène.
“J’accueille avec bienveillance la première erreur que je commets sur scène. Car, après l’avoir commise, je peux débrancher la partie de mon cerveau qui juge tout ce que je fais. Je ne pense plus, je ne m’inquiète plus. Et c’est lorsque je suis moins conscient de ce que je fais, lorsque je suis immergé dans l’émotion de la musique, que je suis à mon meilleur“.
Comme les plus grands musiciens, les meilleurs communicants ne sont pas ceux qui récitent leurs messages-clés à la virgule près mais ceux qui font passer des émotions. C’est en effet en émouvant son public cible qu’on laisse une trace durable dans son esprit.
Ainsi, ceux qui ont eu la chance d’assister à un récital de Yo-Yo Ma se souviennent-ils de ce moment avec bien plus de ferveur que s’ils avaient écouté la même oeuvre sur leur chaîne hi-fi. De même, ceux qui ont assisté à un discours de Robert Kennedy (l’une de mes icônes) en ont-ils été beaucoup plus marqués que s’ils avaient lu le texte dudit discours dans le journal.
La seule différence, in fine, entre la musique et la communication est que, lorsque vous communiquez, vous êtes votre propre instrument.