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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

L’homme qui ne parle jamais… sauf quand il faut se taire

Une personnalité américaine de tout premier plan a commis une élémentaire erreur de communication riche en enseignements.

Ce devait être une interview anodine. Destinée à promouvoir les mémoires de Bill Belichick, le coach qui a permis aux New England Patriots de remporter six Super Bowls, elle devait être diffusée lors de l’émission que CBS diffuse le dimanche matin (“CBS Sunday Morning”), c’est-à-dire l’un des programmes de la télévision américaine au cours duquel les interviewés risquent le moins d’être challengés : il s’agit de séduire l’ensemble des familles réunies devant leur écran, pas de faire des vagues.

Le risque était d’autant moins grand de voir Bill Belichick déraper que, toute sa carrière durant, il s’est distingué par son autorité naturelle, sur ses joueurs comme sur les médias, et par sa capacité, vis-à-vis de ces derniers, de manier la langue de bois avec une efficace froideur pour décourager les questions malvenues. Il démontra d’ailleurs sa maîtrise dans ce domaine au cours de l’interview avec “CBS Sunday Morning” (voir ci-dessous) lorsqu’il fut question de son départ des New England Patriots et de Robert Kraft, le propriétaire de la franchise.

L’incident qui fit dérailler l’image de Bill Belichick (73 ans) ne fut donc pas créé par lui, mais par sa compagne, Jordon Hudson, une jeune femme de 24 ans. Lorsque le journaliste demanda au coach comment sa dulcinée et lui s’étaient rencontrés, une question à la fois innocente et prévisible dans ce genre d’émissions, la première nommée interrompit sèchement l’interview pour signifier à son compagnon et au journaliste qu’ils ne devaient pas évoquer ce sujet. Il semble que cela n’ait pas été le seul moment où Jordon Hudson intervint durant l’interview et c’est pourquoi CBS décida de ne pas couper cette intrusion.

Il se trouve que, outre la cinquantaine d’années qui la sépare de Bill Belichick, Jordon Hudson est peu appréciée outre-Atlantique en raison de ce qui est perçu comme sa prétention et sa soif de pouvoir. C’est ainsi qu’elle a imposé sa présence dans un spot de publicité tourné par son bien-aimé et que sa volonté d’être omniprésente dans “Hard Knocks” – la passionnante série documentaire de HBO qui suit chaque année une équipe de football américain – a dissuadé la production de concrétiser le projet de saison consacrée à l’Université de Caroline du Nord (les Tar Heels) entraînée par Bill Belichick. Last but not least, il a été signifié aux équipes de l’Université que Jordon Hudson devrait être mise en copie des emails qu’elles enverraient à Bill Belichick, alors qu’elle n’a aucune compétence dans les sujets traités dans ces échanges. Même si Bill Belichick est davantage respecté qu’aimé, l’Amérique voit d’un mauvais oeil qu’une légende de son sport favori soit ainsi ternie par celle qu’elle perçoit de plus en plus comme une intrigante.

Bill Belichick et Jordon Hudson – Image créé avec ChatGPT-4o et Midjourney – (CC) Christophe Lachnitt

Quoi qu’il en soit, l’erreur de communication élémentaire commise par Bill Belichick et, surtout, par Jordon Hudson fut d’interrompre une interview audiovisuelle, interruption d’autant plus problématique que son enregistrement peut être diffusé, ce qui n’est pas le cas lors d’un entretien réalisé pour un article écrit. En outre, cette interpellation fait partie de l’interview, et ne peut donc être considérée comme du “background” ou du “off”. Or sa diffusion met en exergue la gêne de l’interviewé à propos du sujet dont il était question lors de la coupure, et ce bien plus que s’il récitait des éléments de langage millimétrés préparés à l’avance. Si Bill Belichick n’avait pas tenu compte de l’objection de Jordon Hudson et avait raconté benoîtement comment ils avaient fait connaissance, ce qu’il a d’ailleurs déjà narré publiquement, CBS aurait probablement monté l’interview de manière à ce que la contestation de cette dernière n’apparaisse pas. Mais il a renforcé son propos, se tendant lui-même un piège de la nature de ceux qu’il avait su éviter dans des centaines de rencontres avec la presse.

Au final, le couple a créé un “effet Streisand”1, donnant plus d’écho au sujet qu’ils voulaient occulter.

1 En 2003, Barbra Streisand attaqua un photographe qui avait pris un cliché aérien de sa somptueuse propriété de Malibu. Le photographe gagna le procès, lequel eut pour conséquence de donner une énorme publicité à l’image que Barbra Streisand voulait retirer de la circulation afin de cacher son opulence. Ainsi était né, dans l’univers de la communication et des médias, “l’effet Streisand” qui pose qu’il est plus préjudiciable de chercher à cacher une réalité considérée comme gênante, et ainsi risquer de lui donner un retentissement démultiplié, que de lui laisser suivre son cours médiatique naturel.

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