7 juillet 2011 | Blog, Blog 2011, Communication | Par Christophe Lachnitt
Les deux chutes de Spitzer : (i) prostituée, (ii) perception
CNN a annoncé que l’émission en prime-time d’Eliot Spitzer était supprimée.
La chaîne, qui est en perte de vitesse face à ses concurrentes, a présenté hier soir la nouvelle grille de programmes de ses soirées. La seule victime est Eliot Spitzer, l’ancien gouverneur démocrate de New York qui avait dû démissionner en mars 2008 pour avoir été l’un des principaux clients d’une agence de prostitution.
En octobre 2010, Spitzer débuta sur CNN comme co-animateur – avec Kathleen Parker, une éditorialiste conservatrice du Washington Post – d’une émission politique à 20 heures. Kathleen Parker avait été démise au mois de février dernier et Spitzer prend donc la porte quelques mois après elle.
Ces derniers temps, “In the Arena” se classait vingt-septième des émissions d’actualité diffusées sur le câble et enregistrait même des résultats inférieurs à ceux de la rediffusion à 23 heures de l’émission d’Anderson Cooper, l’une des stars de CNN. Après l’effet de curiosité généré par le lancement de l’émission, les audiences de Spitzer n’avaient jamais été à la hauteur des objectifs de la chaîne pour ce créneau stratégique.
La qualité de l’émission n’est pas, à mon sens, la cause de cet “accident industriel”. Spitzer, l’un des hommes politiques les plus intelligents de sa génération, était vite devenu l’un des intervieweurs les plus subtils de la télévision américaine. Mais sa situation était intenable en termes de perception. Dès qu’il était amené à couvrir un scandale dans son émission – et les quelques mois qu’il passa à l’antenne n’en furent pas avares -, son passé lui sautait au visage sans même que ses invités aient l’indélicatesse de le lui rappeler. Son problème de crédibilité personnelle ruina donc sa formidable crédibilité intellectuelle.
Il est en effet extrêmement difficile de se défaire d’une perception qui a été créée par un événement extraordinairement marquant, ce qui fut le cas de la démission de Spitzer. La perception créée par la chute de celui que beaucoup voyait comme un futur candidat de premier plan à la Maison-Blanche avait été d’autant plus puissante qu’il avait bâti sa réputation sur une lutte inextinguible contre le crime et la corruption lorsqu’il était procureur de New York. Le rejet fut donc à la hauteur de la tromperie sur la marchandise – un problème que ne connut pas par exemple Bill Clinton lors du scandale Monica Lewinsky. Je le répète souvent, la condition sine qua non d’une communication efficace est la cohérence. Aux yeux des Américains, Spitzer fut un hérétique incohérent alors que Clinton fut un hérétique cohérent tout au long de sa carrière.
En clair, si vous voulez survivre professionnellement à un gigantesque scandale, commencez par habituer votre public cible à des scandales de même nature un peu moins graves. 🙂