7 septembre 2011 | Blog, Blog 2011, Management | Par Christophe Lachnitt
Etes-vous assez populaire au sein de votre équipe pour bien la manager ?
Le licenciement la nuit dernière de la directrice générale de Yahoo!, Carol Bartz, s’est accompagné de nombreuses références sur le web aux sondages d’opinion évaluant la popularité de la dirigeante parmi ses troupes. Est-ce vraiment une considération importante ?
Carol Bartz, plus connue pour son langage direct que pour ses résultats brillants, était à la tête de Yahoo! depuis janvier 2009. Elle a appris son renvoi au téléphone de la bouche du Président du Conseil d’Administration et en a fait part aux employés de l’Entreprise par un email envoyé de son iPad. Incidemment, Apple semble être le seul gagnant, en termes de perception, de cette réorganisation, l’utilisation de l’iPad par Carol Bartz ayant largement été soulignée par la presse et les bloggeurs.
Carol Bartz, qui est remplacée par son directeur financier dans un rôle de directeur général intérimaire, peinait à résoudre les problèmes de positionnement stratégique et d’efficacité opérationnelle connus par Yahoo! depuis quelques années. Le cours de Bourse du Groupe a d’ailleurs gagné 6% hors séance après la révélation de son départ. C’est le seul indicateur financier que Carol Bartz aura finalement réussi à faire réellement croître.
Plus que le départ de la dirigeante – qui était attendu depuis quelque temps déjà -, ce qui m’a intéressé dans l’annonce de la nuit dernière est la manière dont elle a été couverte par les médias et les blogs américains. Beaucoup, en effet, ont fait référence à l’érosion du crédit dont jouissait l’éruptive patronne auprès de ses troupes.
L’évaluation du taux d’adhésion des collaborateurs à leur patron grâce à des enquêtes d’opinion réalisées sur Internet est l’une des tendances managériales à la mode aux Etats-Unis. Le site Glassdoor s’en est par exemple fait une spécialité. Il publie chaque trimestre les taux d’approbation des grands patrons américains. Le soutien moyen accordé aux PDG y est de 62%.
Les données de Glassdoor sur Carol Bartz montrent que son taux d’approbation a continûment baissé depuis son recrutement par Yahoo! De 90% au deuxième trimestre 2009, il est passé à 58% au deuxième trimestre 2010 et à 33% au troisième trimestre 2011.
Ce taux d’approbation constitue-t-il un critère important pour juger de la capacité d’un leader à bien assumer son rôle ? Un bon dirigeant d’entreprise est-il forcément un dirigeant populaire ?
L’analyse des chiffres publiés par Glassdoor à laquelle je me suis livré indique qu’il existe une corrélation significative entre le taux d’approbation des dirigeants et les résultats de leur entreprise. C’est logique car nous sommes tous plus fiers lorsque l’entreprise pour laquelle nous travaillons brille par sa performance. En outre, le fait que le financement des retraites par des investissements boursiers, l’actionnariat salarié et les stock-options soient beaucoup plus développés aux Etats-Unis qu’en France joue certainement aussi un rôle dans cette relation. Les collaborateurs américains sont plus intéressés à la bonne santé financière de leur entreprise ; ils jugent leur dirigeant en actionnaires autant qu’en salariés. Cela me paraît extrêmement sain.
Ce facteur financier révèle une vérité plus profonde : l’adhésion des employés à l’action de leur patron est loin de se limiter à un critère de popularité. Un patron peut ne pas être populaire d’un point de vue personnel et recueillir l’adhésion de ses équipes du fait de son leadership et/ou des résultats qu’il contribue à faire obtenir à l’entreprise qu’il dirige (cf. l’exemple de Steve Jobs que je traitais hier*).
In fine, ce qui compte est qu’un patron puisse entraîner ses équipes quel que soit son vecteur de mobilisation : valeurs, charisme personnel, vision, empathie, expertise, parcours personnel, humanité, etc.
A contrario, le leader qui fait fi de l’entraînement de ses équipes manage sur un fil.
* On peut d’ailleurs imaginer que les problèmes de santé de Steve Jobs ont fait évoluer la perception qu’ont les collaborateurs d’Apple – comme celle du reste du monde – de sa personnalité.