12 septembre 2011 | Blog, Blog 2011, Communication | Par Christophe Lachnitt
Vanity Fair, un classement qui manque de classe
Le classement des personnes les plus influentes des Etats-Unis publié par Vanity Fair cherche davantage à complaire aux perceptions déjà établies au sein du grand public et de la rédaction du magazine qu’à apporter une perspective originale.
Vanity Fair est un magazine américain aussi célèbre que (d’habitude) remarquable. Il classe chaque année les personnes les plus influentes des Etats-Unis et publie pour 2011 pas moins de trois classements : le nouvel ordre, les créateurs du monde actuel et le hall of fame.
Le classement du nouvel ordre est fondé sur plusieurs critères, au premier rang desquels la fortune, l’influence, la capacité visionnaire et l’activité philanthropique des impétrants. Ce classement est dominé cette année par les dirigeants d’entreprises de haute technologie. Mark Zuckerberg, fondateur et PDG de Facebook, en occupe la première place pour la seconde – la deuxième ? – année consécutive. Sergey Brin et Larry Page, les co-fondateurs de Google, prennent la deuxième place – ils étaient troisièmes l’an passé -, Jeff Bezos, fondateur et PDG d’Amazon, s’adjuge la troisième place et Tim Cook et Jonathan Ive, respectivement DG et patron du design d’Apple, partagent la quatrième place. Lady GaGa fait pour sa part son entrée dans le Top 10. Graydon Carter, Directeur de la Publication de Vanity Fair, souligne dans le communiqué de presse révélant ce classement que “l’ère de l’information a donné naissance à une ère de la technologie florissante”, mettant également en exergue les énormes changements subis par ce classement depuis 17 ans.
1. Mark Zuckerberg, Facebook
2. Sergey Brin et Larry Page, Google
3. Jeff Bezos, Amazon
4. Tim Cook et Jonathan Ive, Apple
5. Jack Dorsey, Square et Twitter
6. Marc Andreessen et Ben Horowitz, Andreessen Horowitz
7. Reed Hastings, Netflix
8. John Lasseter, Pixar, Walt Disney Animation Studios
9. Lady GaGa, chanteuse
10. Dan Doctoroff, Bloomberg L.P.
11. Dick Costolo, Twitter
12. Mark Pincus, Zynga
13. Jim Breyer, Accel Partners
14. Tim Burton, Johnny Depp, et Graham King
15. Michael Moritz, Sequoia Capital
16. J. K. Rowling, auteur d’Harry Potter
17. Trey Parker et Matt Stone, South Park
18. Reid Hoffman, Greylock Partners et LinkedIn
19. Herb Allen III, Allen & Co.
20. Judd Apatow, Apatow Productions
21. Jay-Z, Roc Nation
22. Todd Phillips, Green Hat Films
23. Yuri Milner, DST Global
24. J. J. Abrams, auteur, producteur et réalisateur
25. Robin Li, Baidu
26. Sheryl Sandberg, Facebook
27. Andrew Mason, Groupon
28. Jon Stewart et Stephen Colbert, stars comiques de télévision
29. Mark Wahlberg et Stephen Levinson, Leverage
30. Angela Ahrendts et Christopher Bailey, Burberry
31. Elon Musk, Tesla Motors et Space X
32. Natalie Massenet, Net-a-Porter Group
33. Paul Graham, Y Combinator
34. Sean Parker, entrepreneur
35. Fred Wilson, Union Square Ventures et Flatiron Partners
36. Peter Thiel, Founders Fund et Clarium Capital Management
37. Peter Jackson, Wingnut Films
38. Ryan Kavanaugh, Relativity Media
39. Mike Allen, POLITICO
40. Walt Mossberg et Kara Swisher, All Things D
41. John Hennessy, Stanford University
42. Jeremy Stoppelman, Yelp
43. Ashton Kutcher, acteur et investisseur
44. Tyler Perry, réalisateur, producteur, auteur et acteur
45. Dennis Crowley, Foursquare
46. Kevin Ryan, Gilt Groupe
47. Daniel Ek, Spotify
48. Henry Blodget, Business Insider
49. Mikael Hed, Niklas Hed et Peter Vesterbacka, Rovio
50. Justin Timberlake, chanteur et acteur
Le deuxième classement de Vanity Fair, nouveau cette année, concerne les individus qui ont créé le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui et qui continuent d’y exercer une grande influence. Steve Jobs prend la tête de cette liste devant Bernard Arnault et Michael Bloomberg.
1. Steve Jobs, Apple
2. Bernard Arnault, LVMH
3. Michael Bloomberg, maire de New York
4. Rupert Murdoch, News Corporation
5. Brian Roberts et Steve Burke, Comcast, NBC Universal
6. François-Henri Pinault, PPR
7. Bob Iger, Walt Disney Company
8. Jeffrey Bewkes, Time Warner
9. Jill Abramson, The New York Times
10. Steve Ballmer, Microsoft
11. Brad Pitt et Angelina Jolie, cinéma et philanthropie
12. Diego Della Valle, Tod’s
13. Roman Abramovich, investisseur
14. Mickey Drexler, J. Crew
15. Richard Plepler, Sue Naegle et Michael Lombardo, HBO
16. Larry Gagosian, Gagosian Gallery
17. Harvey et Bob Weinstein, the Weinstein Company
18. Marc Jacobs, créateur de mode
19. Lorne Michaels, Saturday Night Live
20. David Zaslav, Discovery Communications
21. Jean Pigozzi, investisseur, art
22. George Bodenheimer et Anne Sweeney, Disney Media Networks
23. Vivi Nevo, NV Investments
24. Bonnie Hammer, NBCU Cable Entertainment and Cable Studios
25. Tim Armstrong et Arianna Huffington, AOL Huffington Post Media Group
La troisième liste de Vanity Fair, qui n’est pas un classement, est son hall of fame. Il regroupe les personnes qui ont une influence durable et inclut notamment Warren Buffett, Barry Diller, Tom Ford, Tom Hanks et Karl Lagerfeld.
Edgar Bronfman Jr., Warner Music Group
Warren Buffett, Berkshire Hathaway
Ron Conway, investisseur
Philippe Dauman, Viacom
Barry Diller et Diane von Furstenberg, IAC, DVF
John Doerr, Kleiner Perkins Caufield & Byers
Larry Ellison, Oracle Corporation
Tom Ford, créateur de mode et réalisateur
Ted Forstmann, IMG Worldwide
Tom Freston, Firefly3
Brian Grazer et Ron Howard, Imagine Entertainment
Tom Hanks, acteur
Jeffrey Katzenberg, DreamWorks Animation
Vinod Khosla, Khosla Ventures
Karl Lagerfeld, Chanel
Ralph Lauren, Polo Ralph Lauren
John Malone, Liberty Media
Ron Meyer, Universal Studios
Leslie Moonves, CBS
Ronald Perelman, MacAndrews et Forbes
Miuccia Prada, Prada
Charlie Rose, animateur de talk-show
Eric Schmidt, Google
Terry Semel, investisseur
Oprah Winfrey, OWN
Les faits étant posés, passons désormais au commentaire. Je prendrai juste quelques exemples qui démontrent à mon sens l’inanité de ces classements et le fait qu’ils ne constituent in fine rien de plus qu’une opération de marketing (comme la plupart des classements de ce genre d’ailleurs) :
- plutôt que de rechercher celles qui ont vraiment de l’influence, Vanity Fair préfère mettre en tête de son classement des personnalités célèbres dont les noms feront davantage vendre même si leurs réalisations de l’année ne justifient pas vraiment leur place. Ainsi, Facebook et Mark Zuckerberg sont-ils certes les icônes des médias sociaux mais l’année écoulée ne les a pas vus particulièrement progresser en termes d’influence (le nombre d’abonnés de Facebook semble d’ailleurs atteindre un plateau). Pour le classement 2011, j’aurais personnellement couronné Jack Dorsey qui a franchi des étapes décisives ces derniers mois pour faire de Square, solution de paiement par carte bleue sur smartphone, une révolution du commerce de détail – Vanity Fair l’a classé en cinquième position et je suis convaincu qu’il aurait été sur le podium s’il avait été plus connu. J’aurais également positionné Elon Musk, qui révolutionne le développement de la voiture électrique avec son entreprise Tesla, bien plus haut qu’une misérable trente et unième place. Si l’on se projette dans dix ans, je suis convaincu que ces deux entrepreneurs auront plus d’influence qu’une majorité de ceux qui les précèdent dans le classement. Et une partie importante de cette influence aura été construite cette année ;
- autre aspect étonnant, Vanity Fair affirme que les actions philanthropiques figurent parmi les premiers critères du classement. C’est à peine croyable lorsqu’on regarde la hiérarchie établie par le magazine ;
- le classement de ceux qui ont créé le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est tout aussi surprenant. Bernard Arnault a peut-être créé le monde dans lequel vous vivez mais pas le mien. Blague à part, le nombre de personnes impactées par les activités de Bernard Arnault me semble ridiculement limité – sauf au sein du lectorat de Vanity Fair ! – pour lui attribuer la deuxième place d’un classement globalement délirant : la sixième place de François-Henri Pinault indique une tendance décidément inquiétante de Vanity Fair à la francophilie, Jill Abramson ne peut pas avoir créé notre monde actuel, venant juste d’être nommée à la tête du New York Times, la présence de Steve Ballmer éclipse celle du vrai génie qui manque à ces classements (cf. infra) et Brad Pitt et Angelina Jolie me semblent également égarés dans un tel aréopage. J’applaudis en revanche à la reconnaissance bien sûr de Steve Jobs mais aussi de Michael Bloomberg et de Rupert Murdoch (qui n’a pas forcément créé un monde meilleur mais dont l’influence est indéniable sur notre vie quotidienne) ;
- le hall of fame m’a également laissé stupéfait lorsque j’ai découvert que le premier nom de la liste – certes par ordre alphabétique – était Edgar Bronfman Jr. qui s’est fait une spécialité de faire échouer les businesses qu’il manage. Bronfman est une publicité vivante contre l’héritage. Pour le reste, ce me semble le moins effarant des trois classements, même si je n’y aurais pas fait figurer Eric Schmidt et que j’y aurais ajouté davantage de musiciens (dont l’influence, par définition, est durable) ;
- mais j’ai gardé le meilleur pour la fin : où est passé Bill Gates ? Il aurait largement mérité, par son action passée à la tête de Microsoft et son activité actuelle à la barre de sa Fondation, de figurer dans les trois classements mais il a été complètement oublié par Vanity Fair. Il n’est peut-être plus assez à la mode… Mais alors la mode est bien terne cette année.
Ces commentaires reflètent naturellement mes propres perceptions qui n’ont pas davantage de valeur que celles de la rédaction de Vanity Fair.
Si l’objectif du magazine, avec ses classements, était de faire parler de lui et de susciter le débat, c’est réussi !