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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Apparence, performance et différence

De l’importance du code vestimentaire dans les interactions professionnelles et dans l’évolution des relations humaines.

Mark Zuckerberg, le jeune fondateur et PDG de Facebook, fait actuellement la tournée des banques d’affaires pour préparer l’introduction en Bourse de son entreprise.

Il se trouve que l’un des analystes financiers qu’il a rencontrés à cette occasion, Michael Pachter (Wedbush) n’a pas du tout apprécié que Zuckerberg ait participé à leur réunion avec le sweatshirt à capuche qui constitue son “uniforme” quotidien. Pachter a fait connaître son mécontentement dans une interview avec Bloomberg : “En s’habillant ainsi, il montre aux investisseurs qu’il s’en moque, que, de toute manière, il veut être lui-même. Je pense que c’est un signe d’immaturité. Il doit réaliser qu’il intègre désormais des investisseurs comme parties prenantes de Facebook et il doit faire preuve à leur égard du respect qu’ils méritent car il leur demande une contribution financière“.

Je ne sais pas si Michael Pachter est un bon analyste financier mais il présente en tout cas un talent certain pour débiter des âneries au kilomètre :

  • le fait de vouloir être soi-même est-il si répréhensible ? Est-ce un signe d’immaturité, ou bien au contraire de maturité, que de ne pas fonder ses relations avec autrui sur une apparence feinte ? A mon sens, le manque de respect envers autrui se traduirait par exemple bien davantage par une apparence qui ne serait pas hygiénique ou qui heurterait les croyances de ses interlocuteurs (ainsi de tee-shirts portant des inscriptions antireligieuses ou communautaires) ;
  • Zuckerberg a réussi, jusqu’à présent, un parcours exceptionnel en cassant les codes et en innovant. Il est malheureux que Pachter ne comprenne pas que cette remise en cause des acquis qui a permis à Zuckerberg de créer de la valeur pour la Société et un grand nombre d’emplois (directs et indirects) puisse aussi s’étendre à son accoutrement. Je n’aurai pas la méchanceté de demander, à l’instar de Staline à propos du Pape : “Pachter, combien d’emplois créés ?” ;
  • surtout, il est extrêmement choquant qu’un analyste financier juge un prospect d’investissement potentiel sur l’apparence, plutôt que sur la performance, de son dirigeant. Une telle attitude est en outre aux antipodes de la culture américaine. Incidemment, Pachter démontre son idiotie – ou son hypocrisie – en étant très optimiste sur l’avenir de Facebook avec une valeur cible de 44 dollars pour l’action de l’Entreprise.

(CC) Joe Shlabotnik

In fine, cette déclaration stupide a un seul mérite : elle illustre l’importance que joue encore le code vestimentaire pour la gestion des perceptions dans les relations professionnelles. Cette importance repose sur deux éléments bien connus : on n’a qu’une occasion de créer une bonne première impression et les émotions sont le premier déterminant des perceptions. L’habillement compte donc dans l’image que nous nous formons d’autrui, surtout lors d’une première rencontre.

A cet égard, la sagesse populaire incite à tenter de s’habiller de la même manière que son interlocuteur : être trop bien habillé envoie une image de supériorité à son interlocuteur et tend donc à l’abaisser et être insuffisamment bien habillé peut indiquer un manque de respect à son interlocuteur. Ce dernier réflexe émotionnel est parfaitement mis en exergue par les déclarations de Michael Pachter.

C’est ainsi que le monde a fonctionné durant des siècles. En effet, le mimétisme facilite la communication et l’empathie. C’est un principe bien connu et démontré par les neurosciences, en particulier à travers ce que les spécialistes appellent les “neurones miroirs” (lire notamment le livre Social Intelligence de Daniel Goleman).

Mais deux tendances mettent à mal cette pratique ancestrale :

  1. le rôle des nouvelles technologies dans l’économie mondiale : elles constituent aujourd’hui le secteur industriel le plus innovant et représentent une part croissante du développement économique planétaire, directement par la richesse qu’elles créent et indirectement par les gains d’efficacité qu’elles permettent à tous les autres secteurs de réaliser. Or les nouvelles technologies sont le plus souvent la création d’inventeurs héritiers de la contre-culture des années 1960-1970. Ceux-ci ont adopté et popularisé un code vestimentaire fondé sur la première valeur de cette contre-culture : la liberté d’être soi-même (ce que Michael Pachter semble totalement ignorer). Ce code vestimentaire se répand progressivement au fur-et-à-mesure du développement mondial de l’industrie des nouvelles technologies ;
  2. plus importante encore est la deuxième tendance qui concerne l’internationalisation à un degré sans précédent des relations entre pays, entreprises et individus. Cette internationalisation est d’ailleurs elle aussi la conséquence du développement des nouvelles technologies qui, pour reprendre l’expression de Tom Friedman, “aplatissent” le monde. Qu’il s’agisse du travail où la planète semble désormais agir comme une gigantesque chaîne de valeurs intégrée, de l’actualité où les informations circulent en quelques nanosecondes d’un point à l’autre de la Terre et des loisirs où les phénomènes culturels se répandent sans aucune notion de frontière, de langue ou de religion, notre exposition aux autres communautés est inédite dans l’Histoire.

In fine, le code vestimentaire est l’héritage d’un monde qui exacerbait ses différences – en premier lieu sociales et culturelles – et l’absence de code vestimentaire sera un jour, je l’espère, le signe d’un monde plus uni. En effet, au lieu de codifier les différences entre les gens, ce monde les acceptera au point de les libérer. Il sera toujours possible de porter un costume – pour prendre l’exemple occidental le plus évident – mais ce sera le fait d’un libre choix et non plus de l’application d’un code.

On observe d’ailleurs déjà un début d’évolution dans ce sens avec la suppression, dans certaines entreprises, du code vestimentaire les vendredis (le fameux “Friday wear” ou “casual wear”). Vous l’aurez peut-être constaté comme moi, cela a l’avantage, dans les entreprises où les dirigeants se prêtent à cette pratique, de changer un peu les relations entre les individus qui ne sont plus démarqués par la qualité ou le style de leur habillement. Je me souviens à cet égard d’un grand patron éruptif avec lequel j’ai travaillé qui n’appliquait pas le Friday wear le vendredi mais venait au bureau les week-ends, lorsque nous devions gérer des crises de communication ou préparer des annonces financières, en tenue décontractée. Cela surprenait de prime abord les collaborateurs présents mais créait ensuite une relation elle aussi plus décontractée avec eux. Le travail en était facilité.

Le problème du “Fridy wear”, vous l’aurez deviné, est qu’il s’agit encore d’un code ! De ce fait, ceux qui ne l’appliquent pas peuvent passer pour des rétrogrades ou des râleurs. La meilleure solution, à terme, sera donc de supprimer tous les codes vestimentaires, sauf  dans des secteurs qui requièrent le port d’uniformes (défense, sécurité civile, santé…) pour des raisons de service. Eux aussi doivent continuer d’avoir la liberté d’être eux-mêmes.

In fine, ma philosophie est simple en matière de code vestimentaire : je me moque des apparences, j’appelle de mes vœux les différences et je fais de mon mieux pour juger mes interlocuteurs sur leur seule performance.

Sur la qualité des idées et pas des vêtements qu’ils portent.

4 commentaires sur “Apparence, performance et différence”

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je suis tout à fait d accord avec Mr Pachter concernant l’apparence de Marc Z lors de ces réunions d’affaires. Même les pires criminels lors de leurs procès, prenne soin de porter une veste et une cravate. c’est une question de respect et de considération envers les autres que d’être “correctement” vêtu lors d’une réunion qu’on a soi même sollicitée dailleurs. surtout quand il s’agit de millions de dollars au moins. il est bien d’être intelligent, performant et talentueux mais il est mieux d’être en plus, respectueux. je crois pas que vous seriez aussi tolérant s’il s’était agit d’un rappeur ou d’une star du Rock ‘n Roll ou du porno.

Cdt

Ma tolérance aurait été tout aussi grande si le rappeur, la star du rock n’roll ou du porno avaient eu autant de talent, dans leurs domaines respectifs, que Mark Zuckerberg. 🙂
Xophe

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