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Toute vérité n'est que perception

Le journalisme de papa ?

Toute vérité est-elle bonne à dire ?

Je lis ces jours-ci “A Good Life” (critique à venir sur Superception), les passionnantes mémoires de Ben Bradlee, directeur de la rédaction du Washington Post entre 1968 et 1991 et, à ce titre, l’un des “héros” du Watergate. Il y raconte notamment une anecdote qui met en lumière une différence majeure entre les journalismes de l’après-guerre et de l’époque actuelle.

En juin 1949, alors jeune journaliste au Washington Post, Ben Bradlee rendit compte des émeutes raciales d’Anacostia, un quartier de Washington. La capitale des Etats-Unis vivait encore sous une ségrégation partielle.

La raison de ces affrontements entre Noirs et Blancs, qui mirent aux prises plus de 400 personnes, était l’interdiction faite au Noirs d’utiliser la piscine municipale du quartier. Les reportages de Bradlee furent pourtant relégués au milieu d’un article lui-même exilé au fin fond du journal. A cette époque, The Washington Post ne s’en prenait pas frontalement au pouvoir en place…

Ben Bradlee – (CC) Miguel Ariel Contreras Drake-McLaughlin

Un soir, le jeune Bradlee (28 ans) sentit une petite tape sur son épaule alors qu’il faisait entendre sa déception au sein de la rédaction. C’était Phil Graham, le directeur de la publication et époux de l’héritière du journal. Graham le fit venir dans son bureau où il eut la surprise de découvrir le ministre de l’Intérieur, son ministre délégué et le conseiller spécial du Président Truman ! Graham demanda à Bradlee de raconter son histoire, puis le remercia et le congédia. Le lendemain, un article annonçait en Une du journal la fermeture de la piscine d’Anacostia.

Plus tard, Bradlee apprit ce qui s’était passé après son départ du bureau de Phil Graham. Ce dernier avait conclu un accord avec les représentants du gouvernement américain : soit la piscine d’Anacostia était fermée immédiatement et toutes les piscines de la ville acceptaient les Noirs dès l’année suivante, soit les reportages de Bradlee sur les émeutes seraient repositionnés en Une du journal dès le lendemain. Le ministre de l’Intérieur avait accepté l’accord sur-le-champ.

Ben Bradlee souligne qu’un tel accord serait inimaginable de nos jours mais qu’il fut positif, in fine, pour la ville qui ne connut pas d’émeutes raciales pendant 19 ans jusqu’à l’assassinat de Martin Luther King Jr. Il conclut également avec le recul que le fait que le public n’ait pas été informé de cet accord n’avait pas été préjudiciable.

Cette anecdote pose une question majeure : la presse sort-elle de son rôle lorsqu’elle participe à la gestion de la Cité au lieu d’informer les citoyens ? Ma réponse est résolument positive : le rôle de la presse n’est pas de faire du chantage en sous-main avec des gouvernants afin de régler des crises.

Une telle approche entraîne en effet au moins deux dérives :

  • La relation entre le journal et ces trois responsables politiques est forcément modifiée par l’accord secret qu’ils ont conclu : Phil Graham a-t-il été aussi intransigeant avec la vérité à leur égard après qu’il est devenu leur complice ?
  • La presse milite légitimement pour la transparence quasi absolue de l’information et il n’est pas sain qu’un journal ne s’applique pas ce principe lorsqu’il veut jouer les petits gouvernants. L’information n’est pas une arme au service des visées politiques de quelques-uns – fussent-ils journalistes – mais un pilier de la démocratie au service de tous.

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