5 décembre 2012 | Blog, Blog 2012, Communication | Par Christophe Lachnitt
Fangeuse, hypocrite mais utile ?
Cette question concerne la Une du New York Post d’hier montrant un new-yorkais à quelques secondes de se faire écraser par un métro.
Ki Suk Han a été poussé par un inconnu sur les voies d’une station proche de Times Square (Manhattan). La publication de la photo capturant ses derniers instants – que je ne reproduis pas ici et vers laquelle je ne vous fournis pas de lien – est fangeuse et avilissante. Elle démontre une nouvelle fois que The New York Post est à la presse ce que les graffitis écrits dans les toilettes sont à la pensée humaine.
Mais la presse est libre et il faut défendre cette liberté à tout prix, même lorsqu’elle favorise des dérapages abjects. Le plus regrettable n’est pas tant que quelques dirigeants du New York Post – aveuglés par leur incapacité à générer un profit et par leur compétition avec The Daily News – jugent pertinent de produire un tel journal mais que ledit journal et son site Internet bénéficient d’une audience fidèle. On n’a in fine que la presse qu’on mérite.
En plus d’être fangeuse, la Une du New York Post représente la quintessence de l’hypocrisie :
- cette photo n’a aucune valeur journalistique au sens où elle n’éclaire pas un événement de l’actualité. Sa seule motivation est de vendre un journal en en appelant à nos plus vieux instincts. Lorsque j’évoque nos instincts, je n’exagère pas. Notre cerveau reptilien (celui hérité des premiers hommes) est en effet attiré par les scènes de danger – comme les accidents de la route – car son rôle premier consiste à scruter en permanence notre environnement afin de détecter les menaces et d’assurer notre survie ;
- l’auteur du cliché est un photographe freelance du New York Post. Prenant les lecteurs de son journal pour des imbéciles, il expliqua qu’il n’avait pas délibérément pris la photo mais qu’il avait fait fonctionner plusieurs fois son flash afin d’alerter le conducteur du métro. Il est vrai qu’il est beaucoup plus rapide et efficace de sortir son appareil photo pour en activer le flash (au risque d’éblouir la personne que l’on veut alerter) que de faire de grands gestes ou d’aider le malheureux à remonter sur le quai. Ce brillant photographe recouvra par contre ses esprits lorsqu’il s’agit d’être interviewé par la chaîne de télévision CNN dont il exigea rétribution ;
- enfin, beaucoup de médias ont critiqué vertement l’attitude du New York Post tout en republiant la photo incriminée afin de ne pas laisser passer les bénéfices qu’elle peut offrir.
Au-delà du dégoût qu’elle provoque, une question se pose malgré tout concernant cette photo : est-elle utile ? Parfois, la provocation journalistique peut servir à alerter sur un fléau méconnu ou insuffisamment traité. C’est la raison pour laquelle j’avais été favorable il y a quelques mois à la publication d’une autre photo choquante aux Etats-Unis (lire ici).
Mais, dans ce cas, quel est le fléau auquel s’attaquerait courageusement The New York Post ? Les décès de personnes poussées sur les voies du métro new-yorkais ? Alors que 5 millions de personnes transitent par le métro new-yorkais chaque jour, le dernier acte barbare de cet acabit remonte à août 2010 et la victime en avait réchappé.
Décidément, le choix du New York Post est indéfendable.