27 juillet 2013 | Blog, Blog 2013, Management | Par Christophe Lachnitt
Quel type d’innovateur était Steve Jobs ?
Un débat qui, loin d’être purement théorique, prodigue une leçon de management.
Un journaliste de ReadWrite faisait hier une remarque intéressante après avoir vu en avant-première “Jobs”, le film sur la vie de Steve Jobs avec Ashton Kutcher dans le rôle principal : le co-fondateur d’Apple ne créa pas de ruptures en termes d’innovation.
Selon Owen Thomas, il fut à son meilleur lorsqu’il “répara” des segments de marché ou applications en déshérence : ordinateur individuel, smartphone, tablette, vente de musique en ligne, etc. Chacun des produits ou services qu’il imagina n’apporta pas de rupture technologique et représenta une remarquable itération – ou progression – du précédent, que celui-ci ait été conçu par Apple ou une autre entreprise.
Steve Jobs n’insuffla pas de réelle rupture dans les industries qu’il transforma mais créa des solutions permettant de tirer le meilleur parti de ruptures réalisées par d’autres. L’exemple emblématique de ce phénomène est, aux yeux de Thomas, le lancement d’iTunes après que le terrain de la diffusion de musique en ligne ait été défriché par Napster.
Pire, lorsque Jobs voulut créer de vraies ruptures, comme avec l’ordinateur Lisa aux premiers temps d’Apple ou les stations de travail de NeXT (la société qu’il fonda après avoir été évincé de la marque à la pomme), il échoua.
A mon sens, Owen Thomas a à la fois raison et tort. Raison “historiquement” par rapport aux faits qu’il relate. Tort dans la conclusion qu’il en tire.
Sa vue de la rupture innovatrice est en effet endogène – focalisée sur les acteurs de l’industrie concernée – alors que l’innovation n’a de sens que si elle est exogène – tournée vers les utilisateurs qui en bénéficient. Ce qui compte n’est pas le nombre de ruptures technologiques créées par Jobs par rapport à celles de ses concurrents mais le nombre d’utilisateurs dont la vie fut influencée – voire changée – par les innovations qu’il conceptualisa.
Certes, il ne partit pas toujours de zéro et construisit ses innovations sur les réalisations d’autres entreprises. Mais combien d’innovateurs travaillent réellement à partir d’une feuille blanche ? Et l’invention applicative n’a-t-elle pas autant d’effet sur nos vies que l’invention technologique ?
Le meilleur exemple, à cet égard, est probablement l’iPad. Technologiquement, la tablette d’Apple n’est pas révolutionnaire. Elle l’est, en revanche, en termes d’usages et c’est pourquoi son invention changea la vie de beaucoup de gens – je pense ici en particulier aux personnes âgées et/ou handicapées. Incidemment, plusieurs grands acteurs de l’industrie informatique – dont un cher à mon coeur – avaient tenté avant Apple de développer le marché des tablettes. Sans succès.
La leçon de management que je tire de ce débat est qu’il ne faut pas toujours s’intéresser aux innovations les plus spectaculaires – les fameuses ruptures technologiques – pour réussir et avoir un impact sur la Société Souvent, l’innovation la plus bénéfique constitue une nouvelle offre à partir d’éléments existants.
Cela ne signifie pas pour autant que la rupture créatrice soit moins importante.