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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

LE déterminant du succès managérial à l’ère numérique

La mutabilité de celle-ci favorise une qualité souvent ignorée.

Elle concerne l’écoute et le traitement par les managers des nouvelles informations portées à leur connaissance.

Or l’être humain a intrinsèquement un rapport délicat à la nouveauté en raison des fonctions et du fonctionnement de son cerveau.

Si je simplifie1, les deux principales fonctions de notre cerveau sont d’assurer notre survie et d’administrer l’allocation des ressources au sein de notre corps pour ce faire. Or notre cerveau subit en permanence une avalanche de stimuli. S’il cherchait à tous les traiter, il risquerait une surcharge sensorielle.

En effet, notre cerveau conscient ne peut traiter qu’une quarantaine d’informations simultanément. Pour analyser les autres, nous nous fions à notre cerveau inconscient qui, lui, peut en déchiffrer 11 millions à la fois. A cette fin, il emploie des raccourcis : il raccroche les stimuli à des expériences connues ou les classe dans les catégories que nous avons apprises, fonctionne par métaphores et analogies, effectue des généralisations, se réfère à des stéréotypes… Cela permet à notre cerveau de s’acquitter de l’une de ses principales tâches : faire des prédictions sur ce qui va se passer afin de réguler les ressources allouées à notre réaction.

De ce mode de fonctionnement résulte un traitement très différent des expériences connues et inconnues.

Les tâches répétitives, au premier rang desquelles le fait vital de respirer, requièrent beaucoup moins d’énergie mentale parce que nous les accomplissons de manière inconsciente. De même, notre cerveau excelle-t-il dans le fait de s’habituer à toutes les expériences constantes, même si elles sont désagréables : il cesse de leur accorder de l’attention et des ressources en les manageant de manière inconsciente. C’est pourquoi les soldats peuvent dormir dans des zones de guerre ou vous et moi serions incapables de nous assoupir. C’est aussi l’explication du célèbre “effet de vérité illusoire” mis en lumière par la psychologue américaine Lynn Hasher qui a démontré que nous percevons des informations comme plus véridiques lorsque nous y avons déjà été exposés.

A l’inverse, notre cerveau est aimanté par les nouveautés parce qu’il est plus sensible aux gratifications imprévisibles qu’aux récompenses prévisibles et qu’un stimulus inconnu représente un possible facteur de risque. Ainsi, le changement sollicite-t-il le cortex préfrontal qui, dans notre cerveau, gère notamment la prise de décisions. Mais ledit cortex préfrontal est lié directement à l’amygdale, notre “cerveau émotionnel” au sein duquel est déclenchée la peur2. De ce fait, la probabilité de générer une réaction de peur chez nous est plus forte lorsque des informations nouvelles trop nombreuses ou complexes submergent notre cortex préfrontal.

C’est pourquoi, en situation de stress, les êtres humains ont tendance à s’accrocher à des éléments familiers. Des recherches ont même montré que certaines personnes ayant une intolérance particulièrement forte à l’ambiguïté préfèrent vivre une situation certaine légèrement négative plutôt qu’une situation incertaine potentiellement positive.

(CC) Bob M ~

(CC) Bob M ~

Cette logique cérébrale a toujours influencé l’activité du manager et joue un rôle plus prégnant encore à l’ère numérique. 

Alors que la révolution numérique menace en permanence toutes les positions acquises, il faut être capable à un niveau sans précédent de prendre en compte les nouvelles informations, quelle que soit leur nature et leur teneur.

De nos jours, une information apparemment anodine peut être porteuse d’un changement de destin – pour le pire ou le meilleur – de l’entreprise concernée. Elle peut être annonciatrice de la révolution dévastatrice d’un secteur d’activité ou, à l’inverse, de l’émergence d’une idée providentielle.

A cet égard, comme le dit le célèbre entrepreneur et capital-risqueur Marc Andreessen3,

Il n’y a pas de mauvaises idées, seulement des idées inabouties“.

Quant aux mauvaises nouvelles, elles doivent circuler plus vite encore qu’auparavant car la rapidité de l’évolution des situations de marché fait peser un risque plus grand que jamais sur l’entreprise dont un manager décide de retenir une information pour cacher sa responsabilité dans le développement d’un problème.

Ces nouvelles approches managériales sont naturellement plus difficiles à mettre en oeuvre pour les grandes entreprises que pour les startups parce que celles-là ne partent pas d’une feuille blanche en matière de culture et de motivation alors que celles-ci peuvent se construire en fonction du nouvel environnement créé par la révolution numérique.

Un domaine primordial dans laquelle cette différence s’exprime singulièrement est le rythme opérationnel des entreprises. A une époque où l’agilité et la réactivité priment, les plans stratégiques et budgétaires annuels sont souvent dépassés. Ces processus de planification doivent devenir continus (ou au moins trimestriels) pour permettre des adaptations plus rapides aux soubresauts du marché. Cette dynamique de continuum concerne également les ressources humaines où les revues de performance annuelles des collaborateurs doivent être remplacées ou complétées par des échanges beaucoup plus fréquents.

En définitive, comme l’explique un autre célèbre entrepreneur et capital-risqueur de la Silicon Valley, Reid Hoffman4, pour réussir de nos jours, les managers doivent se penser en “bêta5 permanente“, c’est-à-dire en recherche constante d’amélioration et, en particulier, d’apprentissage sur les évolutions de leur écosystème.

Il est une autre raison, enfin, pour laquelle l’ouverture aux nouvelles informations est profitable : l’une des caractéristiques des personnes créatives est leur capacité à effectuer des connexions entre des idées apparemment sans rapport. Or, plus on est à l’écoute des nouvelles informations, plus on augmente ses chances de découvrir ce type de connexions invisibles mais décisives. En effet, la prétention omnisciente de certains managers est, à l’ère numérique où toutes les activités convergent, encore plus chimérique que dans le passé.

Cette faculté imaginative est d’autant plus importante à l’ère numérique que cette dernière a réduit les écarts entre entreprises dans les domaines tangibles (capacités de production, canaux de distribution…) et que la compétition se joue de plus en plus sur des critères intangibles, au premier rang desquels la créativité.

1 Comme à chaque fois que j’évoque des concepts neuroscientifiques, je prie les spécialistes de ces sujets d’excuser la simplification et la synthèse excessives de mes écrits.

2 L’amygdale attribue une valeur émotionnelle à chaque stimulus entrant avant même que nous soyons conscients de son existence. L’amygdale reçoit et traite aussi de nombreuses informations de l’hippocampe, qui stocke et remémore les souvenirs.

3 Marc Andreessen fut le cofondateur (à 22 ans) de Netscape, l’entreprise qui développa au milieu des années 1990 le navigateur qui fit d’Internet un phénomène grand public, et est désormais capital-risqueur au sein du fonds éponyme Andreessen Horowitz.

4 Reid Hoffman a été l’un des principaux dirigeants du site de paiement en ligne PayPal avant qu’il ne soit vendu à eBay puis a co-fondé le réseau social professionnel LinkedIn. Il est désormais l’un des investisseurs américains les plus talentueux.

5 La bêta (deuxième lettre de l’alphabet grec) est la deuxième phase de test d’un logiciel (ou produit matériel) qui est réalisée avec la participation d’un échantillon de ses clients potentiels.

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