5 juin 2019 | Blog, Blog 2019, Management | Par Christophe Lachnitt
Vouloir tout changer, la pire manière d’aborder un nouveau poste
Dans sa première interview, André Villas-Boas, le nouvel entraîneur de l’équipe de football de l’Olympique de Marseille, a expliqué son approche pour sa prise de poste :
“Quand j’arrive, je veux tout changer. C’est important de faire des changements quand tu arrives en poste, il faut amener de la fraîcheur. C’est aussi la raison pour laquelle je veux tout contrôler“.
Ce principe me paraît contre-productif pour deux raisons.
En premier lieu, il montre que le manager privilégie sa personne sur le collectif dont il prend la charge.
Dans le cas contraire, il passerait du temps, en arrivant, à écouter les membres de son équipe et de l’environnement de celle-ci pour comprendre ses enjeux : dans quel contexte opère-t-elle ? Quels sont ses objectifs ainsi que sa stratégie et ses moyens pour les atteindre ? A quel stade de l’application de ladite stratégie se trouve-t-elle ? Quels progrès a-t-elle déjà accomplis ? Quels contraintes et obstacles ses membres doivent-ils surpasser au quotidien ? Qu’est-ce qui les motive à donner leur meilleur pour ce faire ? Quelles idées ont-ils pour améliorer la manière dont ils travaillent et s’épanouissent dans leur mission ?
Le manager qui veut ainsi tout changer fait fi de ces questions en partant du principe que l’avis des collaborateurs qu’il s’apprête à encadrer ne compte pas. Ce qui prévaut est sa volonté d’imprimer sa marque, même si les changements qu’il effectue vont à l’encontre du cheminement de l’équipe qu’il rejoint ou de l’expérience de ses membres.
Celui qui arrive avec des idées toutes faites, souvent pour reproduire ce qu’il a connu ailleurs, ne se met pas en position d’écouter et donc de s’adapter aux spécificités de l’organisation qu’il intègre. Or, comme je l’ai souligné dans un article consacré à ce sujet, l’écoute est l’une des conditions décisives d’une transformation réussie. Pour changer sur la durée, c’est-à-dire en profondeur, il faut donc éviter de se précipiter.
En second lieu, le principe affiché par André Villas-Boas révèle un leader qui accorde la priorité au passé sur le futur dans sa réflexion.
Ce type de manager est certainement convaincu du contraire car, en voulant tout changer, il estime construire l’avenir de la structure dont il prend la tête. Pourtant, en choisissant une date et non un état des lieux pour décider du besoin de changement, il se détermine par rapport à ce qui a préexisté, qu’il veut remplacer en bloc, et non à une stratégie. Sa seule logique consiste à détruire le passé, quel qu’il soit, pas à créer de la valeur. Pour ce faire, il devrait prendre en compte ce qui fonctionne et ce qui doit être amendé, c’est-à-dire procéder davantage en pragmatiste qu’en idéologue. En outre, dans sa volonté de tout changer, il choisit une date arbitraire – celle de son arrivée – plutôt que celle d’un retournement de marché ou d’un changement de stratégie.
Une telle approche n’a pas de réelle justification : il est rarissime qu’il faille vraiment tout changer dans une équipe. De surcroît, elle soumet un constat très dangereux aux collaborateurs concernés en leur signalant que les efforts accomplis jusqu’à présent l’ont été en pure perte. En réalité, la vision “avant moi le déluge” reflète un manque de respect et est donc la plus mauvaise entrée en matière pour un nouveau manager.