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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

La puissance inextinguible de l’ultra-personnalisation client

Il y a quatre ans, je proclamais sur Superception 2014 l’année de l’ultra-personnalisation. Depuis lors, cette tendance a été croissant et bouleverse secteur après secteur.

Ainsi, la part de Gillette dans le marché du rasage masculin s’établissait-elle outre-Atlantique à 54% en 2016 contre 70% six ans plus tôt seulement. Le grand responsable de cette chute assez vertigineuse s’appelle Dollar Shave Club, une start-up dont j’analyse le parcours dans mon dernier livre sur la transformation numérique, “Le génie gênant“.

Dollar Shave Club envoie mensuellement à ses abonnés l’équipement nécessaire à leur rasage en échange d’un versement modique (entre trois et neuf dollars selon le nombre et la qualité des lames).

A l’ère pré-numérique, le succès de Gillette, le leader mondial, reposait sur le dynamisme de son organisation opérationnelle qui développait régulièrement de nouveaux produits plus rémunérateurs, la puissance publicitaire de sa marque qui garantissait l’attractivité de son offre et ses relations avec la grande distribution qui favorisaient l’exposition préférentielle de ses articles.

A l’ère numérique, le modèle de Dollar Shave Club est très différent :

  • la gestion numérisée de sa chaîne logistique lui permet d’acheter ses rasoirs auprès d’un grossiste sud-coréen qui lui fournit des produits standard assez qualitatifs pour satisfaire ses clients sans l’entraîner dans une ruineuse course à l’innovation ;
  • Dollar Shave Club s’est fait largement connaître avec sa vidéo de lancement, diffusée gratuitement sur YouTube où elle a été vue plus de 25 millions de fois, et développpe sa notoriété grâce au bouche-à-oreille de ses abonnés ;
  • son modèle d’abonnement sur Internet lui évite de passer sous les fourches caudines des grandes enseignes, fidélise les consommateurs plus efficacement que les coupons de réduction et engrange les données-clients1.

Dollar Shave Club réalise donc des économies substantielles par rapport à Gillette mais, surtout, elle propose tout au long du tunnel de conversion2 une expérience plus personnalisée à ses clients.

(CC) Dollar Shave Club

D’un point de vue stratégique, l’aspect le plus intéressant de cette histoire de concurrence réside dans son épisode le plus spectaculaire : Dollar Shave Club fut acquise à l’été 2016 pour un milliard de dollars par Unilever, un groupe extérieur au marché des rasoirs, et non par l’un des géants de ce secteur.

Il aurait certainement été difficile pour ceux-ci de renoncer aux marges rondelettes générées par leur modèle traditionnel et de prendre le risque d’une profonde transformation numérique. Mais leur inertie les expose à un danger plus redoutable encore : l’éloignement de consommateurs attirés par les tarifs, l’appartenance communautaire et la simplicité de l’expérience client offerts par Dollar Shave Club.

A cet égard, Siegel+Gale publie chaque année un classement des “marques les plus simples” – celles qui facilitent le plus la vie de leurs clients – fondé sur une enquête d’opinion mondiale réalisée auprès de 12 000 consommateurs. La simplicité de l’expérience client revêt une importance croissante alors que le monde dans lequel nous vivons est toujours plus complexe. C’est pourquoi ces “marques simples” conquièrent la loyauté de leurs clients et génèrent de ce fait une meilleure performance financière que leurs concurrentes.

Ainsi les entreprises cotées positionnées dans le top 10 des marques les plus simples ont-elles surperformé les marchés boursiers de 433% en moyenne depuis la création de ce classement en 2009. Il faut dire que 64% des consommateurs interrogés cette année se disent prêts à payer davantage pour bénéficier d’une expérience client simplifiée et 61% sont plus enclins à recommander une marque qui offre une expérience client simplifiée. Or Dollar Shave Club arrive en tête du classement 2017 des marques américaines qui simplifient radicalement la vie de leurs clients.

Cette simplification repose sur une condition déterminante : de la construction de sa notoriété à la fourniture de ses produits, toute la stratégie de Dollar Shave Club est fondée sur l’ultra-personnalisation de l’expérience client.

Dollar Shave Club est loin d’être la seule start-up à déployer cette approche avec succès. Ainsi le dernier rapport en date de l’Interactive Advertising Bureau (IAB), le syndicat professionnel de référence de l’industrie de la publicité numérique, met-il en évidence une tendance irrésistible à l’émergence de marques sur-mesure.

Le démantèlement du portefeuille produits de Procter & Gamble par de nouveaux acteurs – (CC) CB Insights

Celles-ci communiquent et commercent directement avec les consommateurs et cannibalisent une part de marché croissante, comme on l’a vu avec Dollar Shave Club et Gillette, des leaders qui en restent à des stratégies traditionnelles. La taille de ces leaders ne les protège plus contre les assauts des start-ups.

Nombre de groupes établis réagissent en faisant évoluer leurs tactiques marketing : selon un rapport publié par Salesforce, 95% des annonceurs asiatiques, européens et nord-américains ont recours à des données individuelles (informations démographiques, géolocalisation, centres d’intérêt…) pour cibler les consommateurs.

Mais beaucoup trop peu de marques traditionnelles s’engagent dans une remise en question de leur modèle d’activité. Encore trop souvent, les leaders, faibles de leurs certitudes, considèrent le numérique comme un simple levier et non comme la condition fondamentale de leur activité. A cette méprise stratégique s’ajoute un phénomène psychologique : les entreprises préfèrent généralement la préservation de l’acquis à la projection dans le maquis.

Les conséquences sont dramatiques : le nombre d’acteurs du commerce grand public avec au moins 250 millions de dollars de dettes ayant fait faillite a doublé aux Etats-Unis en 2016 et plus de 8 600 magasins y ont fermé leurs portes en 2017.

Combien d’autres entreprises vont-elles péricliter pour avoir manqué la double transition du “one size fits all” au “one size fits one” et du B2C (Business-to-Consumer) au D2C (Direct-to-Consumer) ?

1 Stratechery, 20 juillet 2016.

2 Parcours de vente représenté en cinq phases (notoriété, considération, préférence, achat, fidélité).

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