4 avril 2018 | Blog, Blog 2018, Management | Par Christophe Lachnitt
Fusions-acquisitions : pour créer de la valeur, il faut ne pas confondre culture et nature
Le succès d’un rapprochement corporate repose sur des critères souvent beaucoup moins tangibles que prévu.
Le cabinet de consultants LEK a réalisé l’une des études les plus complètes sur les conséquences des acquisitions : il a étudié 2 700 transactions réalisées entre 1993 et 2013. Il en ressort que seulement un tiers de ces opérations ont permis de générer une création de valeur supérieure à ce qu’elle était avant l’alliance1 et ainsi de justifier la prime payée à l’achat.
Généralement, les dirigeants qui projettent une fusion ou une acquisition se concentrent sur les éléments tangibles de l’entreprise ciblée : la finesse de sa stratégie, la vigueur de son appareil industriel (ou serviciel), la santé de son bilan financier, le potentiel de ses synergies, la qualité de son management…
Il est cependant un facteur intangible qui conditionne toutes ces données tangibles : la culture de la société visée. Dans ce domaine, mon expérience personnelle et les innombrables déclarations de PDG lues depuis des années mettent en exergue une illusion.
Celle-ci pose que la culture d’une entreprise se réduirait à son secteur d’activité, son modèle stratégique et la nationalité de ses salariés. Dès lors que ces trois ingrédients seraient cohérents, les cultures des deux entreprises concernées seraient harmonieuses. Or lesdits ingrédients définissent la nature, et non la culture, d’une entreprise.
Ainsi que je l’écrivais il y a plusieurs années sur Superception :
“La culture d’une entreprise est un code de fonctionnement implicite qui permet aux collaborateurs de travailler ensemble. Chaque culture d’entreprise est unique parce qu’une entreprise est une collectivité humaine avant d’être un outil de génération de profits.
Elle se construit puis se développe par sédimentation de personnes d’origines différentes et sa capacité à faire partager sa culture à ses nouveaux collaborateurs est une condition majeure de son succès“.
Dans un autre article consacré à ce sujet, je soulignais :
“Edouard Herriot disait que la culture est ce qui reste quand on a tout oublié. Appliquée à un sens différent du mot culture, cette citation reste tout à fait pertinente pour le monde de l’entreprise.
La culture d’une entreprise, en effet, est ce qui reste à ses collaborateurs une fois qu’ils ont tout oublié : leurs compétences, les projets auxquels ils contribuent, leurs objectifs annuels… Indépendamment des compétences, des projets, des KPIs, la culture est le substrat des relations humaines au sein d’une entreprise. De ce fait, elle influence l’ensemble de son activité“.
En définitive, la culture d’une entreprise définit son identité et dicte ses règles de vie, notamment en matière de prise et d’application de décisions. Comme pour toute collectivité humaine, ce qu’une entreprise est compte bien davantage que ce qu’elle fait. Et ce qu’elle est a une influence énorme – consciente ou inconsciente – sur ce qu’elle fait. Naturellement, le secteur d’activité, le modèle stratégique et la(les) nationalité(s) de ses collaborateurs contribuent à nourrir la culture d’une entreprise. Mais celle-ci dépasse largement ces seuls aspects.
C’est pourquoi, lors d’une fusion ou acquisition, la culture doit être le critère qui fait l’objet de la plus grande attention avant, pendant et après la réalisation de la transaction. C’est en effet la capacité des dirigeants concernés à traduire l’intangible en tangible qui déterminera le succès ou l’échec du projet.
Les dirigeants qui ne se passionnent pas pour la culture du nouvel ensemble né d’une fusion ou d’une acquisition risquent de ramener celui-ci à l’état de nature.
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1 13% ont accéléré la production de valeur et 20% ont inversé une tendance de destruction de valeur.