1 septembre 2020 | Blog, Blog 2020, Communication | Par Christophe Lachnitt
Plus que jamais, la quête de l’authenticité doit régir la communication interne
Alors que les conséquences de la pandémie du Covid-19 vont durablement transformer le monde du travail, les entreprises doivent renouer avec leurs collaborateurs.
Ceux-ci pâtissent en effet de la nouvelle situation qui s’impose à eux. En premier lieu, la journée de télé-travail compte en moyenne deux heures de plus, en France, que celle au bureau1.
En outre, les outils collaboratifs numériques se révèlent usants. Une étude réalisée par Microsoft montre ainsi que les participants aux conférences vidéo fatiguent après 30 à 40 minutes de réunion et stressent au bout de deux heures. Leur concentration doit en effet être plus forte que lors d’une réunion physique pour capter les informations partagées par les autres participants et rester investis dans la discussion.
Cette même étude signale également que seulement 35% des personnes concernées disposent d’un espace dédié pour télé-travailler chez elles et que près de 60% se sentent moins connectées à leurs collègues depuis qu’elles travaillent plus souvent à leur domicile. Ces difficultés pratiques et ce sentiment d’isolement sont également facteurs de stress.
Dans ce contexte, les entreprises doivent prêter une attention encore plus grande que d’habitude à l’équilibre de leurs collaborateurs et à leur inscription dans un projet collectif. Incidemment, celle-ci contribue à celui-là.
Plusieurs éléments, dans la communication interne des entreprises et de leurs managers, peuvent contribuer à ce double objectif, au premier rang desquelles leur capacité à donner du sens, leur volonté de se mettre à l’écoute de leurs collaborateurs, la personnalisation de leur relation avec leurs équipes et leur résolution à créer des rendez-vous de communication compensant les déficits (asynchronie, formalisme, verticalité…) créés dans ce domaine par les nouvelles habitudes de travail.
Mais l’un des éléments déterminants concerne l’authenticité de la communication interne des organisations. Elle permet de ne pas ajouter du stress au stress en entretenant l’indispensable confiance entre managers et collaborateurs. Or celle-ci est plus difficile à cultiver alors qu’il y a moins d’interactions entre eux. Moins les échanges sont nombreux, plus les collaborateurs doivent être sûrs que leur manager est sincère avec eux. Le moindre doute à cet égard peut gangrener une relation et nourrir un doute chez le collaborateur affecté quant à sa place au sein de son entreprise.
En réalité, l’authenticité des dirigeants et managers d’une entreprise est synonyme de confiance avec leurs collaborateurs, elle-même gage de résilience chez ces derniers.
L’un des corollaires de l’authenticité est le refus d’une chimérique perfection. Le manager authentique ne cherche pas à se présenter tel qu’il n’est pas. Il embrasse sa vulnérabilité et ses insuffisances, ne prétend pas à l’omniscience et partage ses doutes et questionnements.
Une anecdote racontée il y a quelques mois par Angela Ahrendts, l’ancienne PDG de Burberry et patronne du réseau de ventes phygital d’Apple, me semble éclairante à cet égard :
“J’avais rejoint Apple depuis deux mois environ lorsqu’une personne vint me voir pour me proposer d’envoyer un email aux 70 000 collaborateurs que je supervisais : ‘Si vous nous donnez votre texte vendredi, nous pourrons le traduire en 36 langues’.
Je lui répondis que je voulais enregistrer une vidéo. Cette personne m’indiqua que les dirigeants du Groupe ne diffusent pas de vidéos en interne. Je lui expliquai alors : ‘Je vais faire une vidéo ; je ne veux pas l’enregistrer dans un studio et je ne veux pas être maquillée. Nous vendons des smartphones. Je vais enregistrer ma vidéo comme mes enfants le font pour YouTube. Je vais présenter trois réflexions en trois minutes ou moins. Pas de montage‘.
J’enregistrai la première vidéo à mon bureau avec mon iPhone : ‘Bonjour, désolé de ne pas vous avoir parlé plus tôt. Je vais désormais le faire chaque semaine – trois réflexions en trois minutes ou moins – parce que je veux que vous sachiez ce que sont notre vision et nos plans. Je souhaite que nous nous engagions à votre égard et que vous puissiez avoir confiance en moi’. Je fus ouverte et sincère.
Au bout d’une minute d’enregistrement, mon iPhone sonna. C’était ma fille. Je m’excusai sur la vidéo et lui répondis : ‘Angelina, Maman te rappelle dans deux minutes‘. Et je repris l’enregistrement de mon message. Bien sûr, ils voulurent couper ce passage de la vidéo parce que tout ce qu’Apple diffuse doit être parfait.
Ce à quoi je répondis : ‘Non, pas dans ce monde. Les choses ne doivent pas être parfaites. Les gens doivent voir que je suis authentique. Ils doivent aussi se rendre compte que mes enfants sont ma priorité absolue’. Le lendemain de la diffusion, je reçus 500 messages de remerciement“.
La manière adoptée par Angela Ahrendts pour s’exprimer auprès de ses équipes plusieurs années avant la pandémie du Covid-19 est évidemment une considération vénielle par rapport aux enjeux stratégiques de communication interne auxquels nombre d’entreprises sont confrontées aujourd’hui. Mais elle illustre deux points incontournables et souvent ignorés.
En premier lieu, une communication interne impeccable paraît plus réussie à ses initiateurs mais c’est une communication interne authentique qui touche davantage son audience. En second lieu, le principal vecteur de cette authenticité est le contenu du message, pas son format.
Comme très souvent en communication, la matière importe plus que la manière, pour reprendre la distinction opérée par Montaigne.
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1 Deux heures de plus en Espagne, France et Grande-Bretagne et trois heures de plus aux Etats-Unis.