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Toute vérité n'est que perception

La compétition la plus exigeante est celle avec soi-même

La seule comparaison qui vaille, en matière de performance, concerne son propre potentiel.

Après sa médaille de bronze obtenue à la poutre à Tokyo, Simone Biles, la plus grande gymnaste de tous les temps, déclara que cet accessit signifiait davantage à ses yeux que toutes les médailles d’or qu’elle avait remportées (elle en compte notamment sept aux jeux olympiques et dix-neuf aux championnats du monde). A la suite de son retrait de cinq compétitions au Japon en raison de sa santé mentale, elle expliqua qu’elle ne s’occupa pas tant du résultat de la compétition sur la poutre (où elle simplifia largement sa prestation afin qu’elle soit compatible avec ses problèmes psychiques) que du simple bonheur de pouvoir y prendre part. Sa participation représentait une victoire sur elle-même qui valait donc plus à ses yeux que sa domination sans partage sur ses concurrentes.

Le témoignage de Simone Biles met en exergue une réalité que la glorification de la compétition dans toutes les sphères de la Société occulte : l’épreuve la plus exigeante n’est pas celle qui nous confronte à d’autres individus mais celle qui nous met face à nous-mêmes. Trouver ses limites et tenter de les dépasser est toujours plus difficile que de vaincre un rival. Certes, il est des opposants dont il nous est impossible de triompher mais, même dans ces cas, la dynamique la plus instructive réside dans le fait que ces oppositions nous aident à nous surpasser et donc à progresser. Si la compétition avec autrui a une fin et produit des perdants, la compétition avec soi-même n’est jamais terminée et ne crée que des gagnants.

En 2011, j’écrivais à propos de l’alpinisme dans l’introduction de “Entre la vie et le vide“, mon livre consacré à la gestion de la peur par les alpinistes professionnels :

Ce sport est une passion rigoureuse et mieux vaut être animé d’une foi sans partage pour le pratiquer malgré le risque, l’effort et la peur, tous désagréments apparents qui le magnifient. L’alpiniste n’est pas masochiste mais il est vrai qu’il aime vaincre ou au moins dépasser, s’il ne peut la dominer, sa douleur. Ainsi, sa victoire sur lui-même lui vaut-elle une plus grande exaltation que tous les succès qu’il aurait pu remporter, dans d’autres sports, contre des adversaires.

‘A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire‘. L’adage de Pierre Corneille revêt un caractère particulier pour le montagnard qui a besoin de périls pour se réaliser et dont la plus grande gloire n’est jamais qu’intérieure. L’alpiniste est donc fondamentalement égoïste, au sens où il n’y a que la bataille contre lui-même qui, in fine, le motive. Et qu’il grimpe en cordée ou en solo ne change rien à l’affaire. Même encordé, il est toujours un moment où le grimpeur, quel que soit son niveau, se retrouve confronté à lui- même, à ses doutes, à ses insuffisances, à ses peurs. Les moments de vérité, en montagne, sont des moments de solitude : personne ne peut faire le pas effrayant à votre place ou vous sortir d’un moment de vacillation.

La victoire et la souffrance ont en commun d’être solitaires. Et les batailles les plus farouches, comme dans les guerres civiles, sont celles où l’ennemi est intérieur. Dans ces moments-là, le mensonge n’a pas sa place. On peut se mentir au pied d’une voie, on ne se mentira pas lorsqu’on sera parvenu au passage-clé ou lorsque la peur vous aura rattrapé. En montagne, on ne triche pas ou du moins pas longtemps. C’est pourquoi, si l’alpinisme ne se conçoit pas sans engagement, cet engagement n’est ni aveugle ni gratuit“.

(CC) Andy Ryan/Getty Images

Le paradoxe des Jeux Olympiques de Tokyo est que leur plus grand événement médiatique fut pour la première fois une défaite. Lorsque Simone Biles était arrivée dans la capitale nippone, tout le monde ne se demandait pas si elle allait gagner une médaille d’or ou pas mais combien de titres elle allait engranger. Son retrait de plusieurs compétitions et sa troisième place dans le seul concours auquel elle participa après avoir en partie vaincu son ennemi intérieur eurent plus de retentissement, en montrant ce qu’elle ne pouvait pas faire, que tous les exploits qu’elle aurait pu accomplir à Tokyo pour montrer ce dont elle est capable. Elle mit en évidence que, pour briller, il est plus important qu’une personne se surpasse plutôt qu’elle prenne le dessus sur les autres.

C’est une leçon qu’il nous faut concrétiser dans nos approches managériales. Je plaide par exemple depuis longtemps sur Superception pour que les entreprises ne mettent pas leurs collaborateurs en compétition entre eux. Au-delà des bienfaits de cette méthode en matière de cohésion, elle induit qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes et non le meilleur de leurs collègues.

En réalité, comme l’a montré Simone Biles, la seule comparaison qui vaille, en matière de performance, est celle avec son propre potentiel. On trouvera toujours meilleur – ou moins bon – que soi. Mais on ne trouvera jamais chez les autres la faculté de progresser et de se dépasser.

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