16 novembre 2023 | Blog, Blog 2023, Communication | Par Christophe Lachnitt
Une proposition (chimérique ?) pour les médias d’information
L’espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide.
Les nombreuses manipulations informationnelles qui enveloppent le conflit entre le Hamas et Israël, après celui entre la Russie et l’Ukraine, m’ont amené à réfléchir au rôle des médias à cet égard.
Je vais certainement faire montre d’une grande naïveté mais il me semble qu’il existe une méthode assez simple pour éviter, dans une large mesure, que la recension des faits ne se transforme en méfait. Cette stratégie repose sur l’approche collaborative employée par les médias d’information pour rendre compte de documents volumineux révélés par des lanceurs d’alerte ou des fuites imprévues (e.g. Panama Papers, Facebook Papers). Aucune équipe éditoriale n’est en mesure de décrypter et synthétiser des milliers, voire des millions, de pages et c’est pourquoi des consortia journalistiques se forment afin d’accomplir ce travail. Dans le cas des Panama Papers, ce furent plus de 100 médias issus de 72 pays qui agirent ainsi de concert. Les équipes concernées utilisent des outils numériques (Google Drive, Slack…) qui peuvent leur donner l’impression, un temps, d’oeuvrer comme une gigantesque rédaction.
Pourquoi une telle alliance ne pourrait-elle pas se former, non pas pour dévoiler des informations mais pour éviter de publier des désinformations ? Dès qu’un scoop douteux se fait jour, les patrons éditoriaux de ces médias communiqueraient en temps réel sur une messagerie cryptée pour convenir de ne pas propager de conclusions hâtives à son sujet et d’attendre qu’une vérification digne de foi permette à l’un d’entre eux de faire état de ce qui s’est réellement passé. Ils informeraient leurs audiences de leur résolution à donner la primauté aux faits : “Cet événement est en cours d’investigation. Nous vous en rendrons compte plus en détail lorsque les faits seront établis.”
Cette mécanique permettrait d’éviter la diffusion de fausses informations grâce à un cordon sanitaire mis en place par les médias d’information les plus sérieux et les plus suivis au monde sans empêcher la compétition entre eux pour exposer la vérité.
La stratégie médiatique de la plupart des terroristes et dictateurs a été synthétisée éhontément par Steve Bannon, après avoir quitté son poste de stratège en chef de la Maison-Blanche auprès de Donald Trump : “Les Démocrates ne comptent pas. Les médias sont la vraie opposition. Et le meilleur moyen de les contrecarrer est de submerger l’espace médiatique de merde” (sic). Lesdits médias, malheureusement, ne semblent pas encore avoir compris que, face à cet assaut contre la liberté, leur rôle est décisif. Et qu’il impose une lenteur certes contraire à l’époque mais conforme à l’éthique.
Cette patience assumée va devenir d’autant plus déterminante que les développements de l’intelligence artificielle générative vont rendre impossible, d’ici peu, de séparer le bon grain journalistique de l’ivraie manipulatrice. Alors que le temps de la désinformation ne va cesser de s’accélérer, l’information n’aura d’autre choix que de ralentir si elle ne veut pas disparaître, et ce d’autant plus qu’un risque existentiel pour le journalisme représente une menace vitale pour la démocratie.
Au fond, Paul Valéry avait raison : “L’espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide“.
Les grands medias d’information traditionnels ont connu des dérives absolument terrifiantes ces dernières années. lecteur assidu de certains grands quotidiens, auditeur de nombreuses chaînes de Radio France, je suis stupéfait par cette tendance qu’ont désormais les journalistes à prétendre rapporter des faits, de manière neutre, alors qu’ils se transforment le plus souvent en porte-paroles de leurs interlocuteurs, introduisant un biais dont le grand public n’a peu ou pas conscience..