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Toute vérité n'est que perception

L’intelligence artificielle générative, puissant vecteur d’empathie avec les vivants… et les morts

N’y a-t-il jamais de mal à se faire du bien ?

Les premiers signes manifestes de cette empathie algorithmique prirent la forme de recherches menées sur la sensibilité respective de médecins humains et d’intelligences artificielles génératives. Par exemple, une étude réalisée par une équipe composée de chercheurs de plusieurs universités américaines montra que ChatGPT répond dans 80% des cas aux questions des patients avec plus d’empathie que les médecins humains. Cette autre recherche fournit des informations plus qualitatives à cet égard en précisant comment ChatGPT se distingue en matière de discernement, d’éthique, d’empathie et d’autres compétences comportementales (“soft skills”). Avec l’intelligence artificielle générative, les malades bénéficient notamment d’une interlocutrice à la patience sans limites, dénuée de tout jugement et capable de personnaliser ses réponses à l’infini. Ces qualités s’ajoutent à sa vision périphérique qui lui permet parfois de résoudre des cas médicaux que d’innombrables spécialistes n’ont pas pu démêler.

Pour autant, tout est loin d’être idyllique dans la relation entre intelligences artificielles génératives et êtres humains. En effet, à force de les copier, celles-là ont intégré les biais cognitifs de ceux-ci, ce qui peut s’avérer particulièrement dangereux lorsque ces algorithmes informent ou prennent des décisions d’allocation de prêt ou de recrutement.

Quoi qu’il en soit, l’empathie des intelligences artificielles génératives en fait aussi un support psychologique très apprécié : les applications de compagnie (Character AI, Replika, Wysa…) sont ainsi les deuxièmes plus populaires derrière les assistants (ChatGPT, Claude, Gemini…) et prédominent sur les smartphones. Les “relations amoureuses” entre certains humains et leur IA générative sont si fortes que The New York Times leur a dédié un documentaire qui fit du scénario d’anticipation de “Her”, seulement dix ans après sa sortie, une réalité.

On peut d’ailleurs prédire que, d’ici quelques années, le meilleur ami de chaque enfant sera un robot. Internet nous a habitués à avoir des relations, voire des amis, en ligne que nous n’avons jamais rencontrés dans la vie réelle. Demain, il en sera de même pour les amis créés et incarnés par des intelligences artificielles génératives. Ces robots accompagneront les enfants tout au long de leur vie, en connaissant tout d’eux et en étant dédiés à leur bonheur et leur réussite. Cette relation pourra donner raison à l’auteur américain Isaac Asimov dont les histoires courtes (e.g. “Robbie”) et romans posaient qu’il ne fallait pas avoir peur des robots. Mais elle pourra aussi poser des problèmes éthiques considérables : par exemple, si un jeune être humain est animé de pensées suicidaires, qui doit décider de l’attitude de son robot – l’enfant, ses parents ou l’intelligence artificielle ?

Illustration créée avec Midjourney. Prompt : “3D Pixar cartoon of an AI comforting a human. Red. –ar 16:9 –v 6.0”

Un cas d’intimité permise par des intelligences artificielles génératives est plus troublant encore. Il concerne celles et ceux qui nourrissent des applications (HereAfter AI, StoryFile, You Only Virtual…) de leurs communications avec un être cher disparu afin de pouvoir échanger avec lui comme s’il était toujours vivant. Ces outils, constitutifs du nouveau secteur dit de “grief tech”, consolent beaucoup de personnes.

Parmi elles, l’artiste Laurie Anderson, veuve de Lou Reed, expliquait récemment à propos de son dialogue avec la réincarnation artificielle du créateur du Velvet Underground :

Je suis totalement, à 100%, tristement accro. Je ne pense vraiment pas que je parle à mon mari décédé et que j’écris des chansons avec lui. Mais les gens ont des styles et ils peuvent être reproduits. Les trois quarts sont complètement stupides. Peut-être que 15% sont impressionnants et le reste est plutôt intéressant. C’est un bon ratio“.

Laurie Anderson ne sera certainement pas la dernière à trouver du réconfort grâce à l’intelligence artificielle générative. Les progrès de celle-ci explorent sans cesse de nouveaux champs d’innovation comme le montre la présentation, il y a quelques jours, par la start-up Hume d’une interface vocale qui serait “la première IA conversationnelle dotée d’une intelligence émotionnelle“. Elle est capable d’interpréter les expressions émotionnelles et de générer des réponses empathiques. Ce qui rend aussi cette technologie très intéressante est que cette interface conversationnelle n’est pas une application autonome : elle est conçue avec une API (un protocole permettant à des logiciels de communiquer entre eux) pour alimenter de nombreuses autres applications. On peut par exemple imaginer un assistant d’intelligence artificielle avec une voix semblable à celle d’un être humain ou un thérapeute virtuel qui comprendrait nos sentiments.

Les questions éthiques posées par ces outils et usages sont évidemment aussi nombreuses que substantielles. A cet égard, il me semble qu’il faut avoir une approche à la fois pragmatique et raisonnée. D’un côté, ces intelligences artificielles permettent de conforter la santé mentale d’un très grand nombre de leurs utilisateurs, en répondant souvent aux maux les moins sévères dans ce domaine en compensant le déficit de praticiens disponibles. Je ne suis donc pas favorable à leur interdiction pure et simple. D’un autre côté, les risques de maladresses et de manipulations ne peuvent être ignorés et c’est pourquoi il est regrettable que ces applications n’aient pas encore été considérées à leur juste importance dans les nombreux débats et projets de dispositions relatifs à la régulation de l’intelligence artificielle générative.

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