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Toute vérité n'est que perception

Défense des décriés “éléments de langage”…

… à travers les derniers rebondissements de l’affaire Benghazi.

Résumons les faits pour commencer. Le 11 septembre 2012, la mission diplomatique américaine à Benghazi est attaquée par un groupe fortement armé. Quatre Américains sont tués (dont l’Ambassadeur Christopher Stevens) et dix blessés au cours de cet assaut.

Cette offensive, qui intervient à une date symbolique et en pleine campagne présidentielle américaine, est au centre, depuis son occurrence, d’une double polémique qui menace aujourd’hui de se transformer en affaire d’Etat.

L’Administration Obama fut d’abord accusée par les Républicains – fort maladroitement par Mitt Romney au cours de sa campagne contre le Président sortant et de manière plus étayée aujourd’hui – d’avoir menti sur les origines de l’attaque. Les proches d’Obama commencèrent en effet par l’attribuer à une foule excitée par une vidéo vilement anti-musulmane produite par un réalisateur américain et mise en ligne sur YouTube. Cette communication trouva son apogée dans le passage de l’Ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU (un poste beaucoup plus important dans l’exécutif américain que chez nous), Susan Rice, dans les émissions politiques du dimanche matin des cinq grandes chaînes américaines : ABC, CBS, CNN, Fox News et NBC.

Le 14 septembre 2010, Barack Obama et Hillary Clinton accueillent les dépouilles des quatre américains tués à Benghazi - (CC) By Erin A. Kirk-Cuomo (DoD)

Le 14 septembre 2010, Barack Obama et Hillary Clinton accueillent les dépouilles des quatre Américains tués à Benghazi – (CC) Erin A. Kirk-Cuomo (DoD)

Puis une seconde polémique se développa sur la gestion de l’attaque elle-même par l’Administration Obama, accusée de n’avoir pas porté secours à ses représentants sur le sol libyen. Là aussi, les explications fournies jusqu’à présent par le Président et ses proches sont pour le moins sibyllines.

L’affaire est en train de prendre une très grande dimension aux Etats-Unis et sa principale victime pourrait à terme être Hillary Clinton, Ministre des Affaires étrangères à l’époque des faits et qui se retrouve de plus en plus exposée à chaque révélation faite par la presse. Je suis même convaincu que, si Hillary Clinton  n’est pas la prochaine Présidente des Etats-Unis, un rôle qui est lui est aujourd’hui promis par tous les sondages et commentateurs politiques outre-Atlantique, voire si elle n’est même pas candidate, ce sera en raison du dossier Benghazi. La primaire démocrate et l’élection risquent d’arriver beaucoup trop vite par rapport au traitement (politique et potentiellement juridique) de cette affaire pour qu’elle puisse s’en extraire. Et les Républicains, aux yeux desquels “Hillary” constitue aujourd’hui la principale menace électorale, vont naturellement s’assurer que le terme “Benghazi” lui colle à la peau comme un chewing-gum à une chaussure. Or il sera trop tard en 2020 pour que l’épouse de Bill Clinton puisse se présenter de nouveau (elle aura alors 73 ans).

Au-delà de ses conséquences politiques, ce qui m’intéresse aujourd’hui est que la gestion de cette affaire en matière de perception est marquée par la plus grande hypocrisie. Structurellement, chaque jour qui passe rend plus évident le fait que l’Administration Obama n’a pas dit toute la vérité – ou a arrangé la vérité – afin de minimiser l’impact de ce drame sur la campagne de réélection de son leader. De même, il est amusant de constater la soudaine susceptibilité des Républicains à l’égard des errements de l’appareil de sécurité extérieure des Etats-Unis, attitude dont ils n’avaient pas fait preuve lorsque la deuxième guerre d’Irak avait été lancée à partir d’une mauvaise information des services de renseignement sur les tentatives de Saddam Hussein de posséder des armes de destruction massive (au mieux) ou d’un mensonge d’Etat (au pire).

Ponctuellement, cette hypocrisie se concentre aujourd’hui sur les dernières révélations obtenues par des médias américains, au premier rang desquels ABC : les éléments de langage qui ont guidé les prestations de Susan Rice à la télévision américain juste après l’assaut ont fait l’objet de douze révisions avant d’être finalisés.

Depuis hier, toute la classe politique (républicaine) et médiatique américaine tourne et retourne ce scoop, semblant découvrir ce qui constitue une évidence pour quiconque a jamais préparé des éléments de langage : plus le sujet est sensible, plus le nombre de versions est élevé. En l’occurrence, je considère même que douze révisions sur un sujet aussi important et qui requiert la validation d’entités aussi puissantes que la Maison-Blanche, le Ministère des Affaires étrangères et la CIA relèvent plutôt de l’improvisation. 😉

Je sais que, dans le grand public, ces fameux “éléments de langage” ont mauvaise presse – c’est le cas de le dire. Ils incarnent la face la plus noire de la “comm”, c’est-à-dire la manipulation de la vérité et du public.

Or nous utilisons tous au quotidien des éléments de langage car ils ne constituent rien d’autre qu’une réflexion sur la manière de présenter le plus clairement et de manière la plus convaincante possible un message que nous voulons faire valoir. Qu’il s’agisse de l’éducation d’un enfant, de la relation avec un conjoint ou de la collaboration professionnelle avec son patron (ou ses collaborateurs), les décriés “éléments de langage” font partie de notre quotidien. Ils incarnent en effet une réalité toute simple pour nous comme pour les dirigeants d’entreprise et leaders politiques : il vaut mieux réfléchir avant de s’exprimer.

Ce ne sont donc pas l’existence d’éléments de langage – ni le nombre de leurs révisions – qui font que certains mentent. Ce sont les intentions de ceux qui les prononcent. En diabolisant l’outil, on exonère partiellement les vrais responsables des impostures qui lui sont attribuées.

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