5 mai 2012 | Blog, Blog 2012, Communication | Par Christophe Lachnitt
Une vie au microscope
Le roman d’une histoire personnelle à l’épreuve des biographes.
Les médias politiques américains ne parlent (presque) que de cela depuis quelques jours : la sortie au mois de juin d’une biographie de Barack Obama écrite par David Maraniss. Maraniss est l’auteur de ce qui est considéré par beaucoup – moi y compris – comme la meilleure biographie d’un Président américain en exercice : “First in His Class: A Biography of Bill Clinton“. Ce livre raconte la détermination avec laquelle le jeune surdoué façonna sa carrière politique afin de répondre aux exceptionnelles attentes placées en lui par son entourage, une thèse qui allait à l’encontre de l’histoire que Clinton racontait d’une carrière accidentée et peu calculée.
Le journaliste du Washington Post et lauréat du Prix Pulitzer travaille depuis quelques années sur le dossier Obama. Il a interviewé un nombre sans précédent d’amis et de connaissances du Président. Le livre qui paraîtra le 19 juin – “Barack Obama: The Story” – semble devoir être plutôt indulgent à l’égard de son sujet selon la tendance donnée par les bonnes feuilles parues dans la presse (notamment dans Vanity Fair) cette semaine.
Ce livre représente malgré tout un certain danger pour Obama car ce dernier a apporté un soin – peut-être inédit depuis John F. Kennedy – à bâtir sa propre légende en racontant l’histoire de sa vie. Une histoire qui fut d’ailleurs au coeur de sa campagne présidentielle de 2004-2008* afin de démontrer qu’il était, du fait même de son expérience personnelle, le candidat idéal pour rassembler et réformer l’Amérique après les deux mandats de George W. Bush. Hillary Clinton lors de la primaire démocrate comme John McCain lors de l’élection générale furent souvent confrontés davantage au mythe personnel d’Obama qu’à un adversaire traditionnel. Chez Obama, la chanson de geste remplaça le bilan politique.
La pièce maîtresse de la narration (et de la promotion) d’Obama par lui-même est la double autobiographie – “Dreams from My Father: A Story of Race and Inheritance” et “The Audacity of Hope” – qu’il publia respectivement en 1995 en 2006. Dans ces autoportraits, Obama présente son histoire personnelle comme une quête presque exclusivement intellectuelle et spirituelle.
Trop beau pour être vrai ? C’est ce que risque de démontrer l’ouvrage de Maraniss et qu’illustre déjà certaines anecdotes parues dans Vanity Fair. Le sérieux et le travail de recherche de l’auteur donneront à ses écrits un écho majeur, plus important que celui de tous les précédents livres consacrés à Obama. Ils rendront également plus difficile pour la Maison-Blanche d’éventuels assauts contre la crédibilité de son récit.
Toute figure publique d’envergure est soumise aux travaux de ses biographes et il est normal que les récits qui en résultent fassent émerger des imperfections. Quel être humain peut se targuer d’avoir vécu une vie parfaite ? Dans le cas d’Obama, le contrôle absolu qu’il a toujours voulu avoir sur le récit de sa vie et l’utilisation politique qu’il a faite de celui-ci posent un défi de perception inédit pour un Président confronté à la publication d’une biographie aussi fouillée que celle de David Maraniss.
Alors que Barack Obama doit déjà gérer la déception générée chez beaucoup par la réalité de son premier mandat comparée aux espoirs extraordinaires qu’il avait suscités (notamment à l’aide du récit de sa vie), ce second ajustement de perception entre mythe et réalité ne va pas l’aider pour sa campagne de réélection.
* Je fais toujours, pour ma part, commencer la campagne présidentielle d’Obama au discours qu’il prononça lors de la convention démocrate de 2004 qui investit John Kerry pour challenger George W. Bush.