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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Les relations presse du 21ème siècle (suite)

L’évolution de la querelle entre Elon Musk, le prodige fondateur de l’entreprise de voitures électriques Tesla, et The New York Times nous fournit l’occasion de tirer davantage de leçons en matière de communication.

Commençons par résumer les épisodes précédents (lire ici) : le quotidien new yorkais a publié une critique négative du dernier modèle (Model S) de Telsa, provoquant l’ire et des accusations de malhonnêteté d’Elon Musk. Ainsi qu’il l’avait annoncé, Musk a publié sur le blog de Tesla les relevés de données commentés du véhicule testé par le journaliste (voir capture d’écran ci-dessous). Ce dernier lui a répondu sur le blog automobile du journal.

Il est impossible, à partir de ces échanges, de déterminer qui, de l’entrepreneur ou du journaliste, dit vrai. Musk ne fait pas dans la demi-mesure, écrivant que “lorsque les faits ne correspondaient pas à son opinion, le journaliste changea tout simplement les faits“. The Atlantic a publié un article démontant un par un les arguments mis en exergue par le patron de Tesla pour décrédibiliser la critique du New York Times. Mais un argumentaire inverse pourrait tout aussi bien être présenté.

(CC) Tesla

Quoi qu’il en soit sur le fond, les derniers développements de cette affaire nous donnent l’occasion de tirer de nouvelles leçons de communication, complémentaires de celles exposées il y a quelques jours (lire ici) :

  • Elon Musk a réagi très émotionnellement pour défendre son dernier-né et les données qu’il a communiquées pour faire valoir son point de vue ne sont pas suffisamment claires pour mettre un terme définitif à son altercation avec The New York Times. Dans une certaine mesure, l’émotion qui transparaît dans ses réactions sur Twitter et sur le blog de Tesla affaiblit sa communication car elle donne un tour personnel à son différend avec le journaliste, ce qui empêche probablement davantage de commentateurs de défendre son point de vue ;
  • à chaque échange avec The New York Times, Musk nourrit le feuilleton médiatique sur les défauts – supposés ou avérés – du Model S et affaiblit son produit dans l’esprit du grand public. Après tout, il n’y a pas de fumée sans feu même pour un véhicule électrique qui ne dégage pas de CO2 ;
  • le problème de fond est qu’une voiture électrique telle que le Model S nécessite un minimum d’apprentissage avant d’être maîtrisée pour livrer tout son potentiel. C’est pourquoi les journalistes de CNN qui ont reproduit le parcours de leur confrère du New York Times n’ont rencontré aucun problème. Mais c’est un aspect difficile à reconnaître pour Musk car il réduit le champ d’utilisation de son véhicule et cela explique qu’il mette l’esclandre sur un terrain éthique ;
  • la ligne de défense du journaliste du New York Times est aussi intelligente qu’efficace : elle consiste à expliquer qu’il a commis des erreurs de bonne foi, des erreurs que n’importe quel propriétaire d’un Model S peut commettre au risque de se retrouver dans la même situation – devoir se faire dépanner dans ce qui devait constituer un trajet de routine. C’est l’assertion la plus dévastatrice pour Tesla ;
  • la communication de Musk est influencée par le marché ciblé par Tesla pour le Model S qui, ne l’oublions pas, coûte 100 000 dollars. Si Toyota avait eu le même problème sur la Prius (qui est cependant hybride et non tout-électrique), la marque n’aurait pas adopté la même stratégie de communication. Musk doit convaincre un nombre plus réduit de clients qui sont plus sensibles à son prestige personnel et à des canaux tels que Twitter et le blog de Tesla. Le problème est que la clientèle de Tesla constitue aussi pour une grande part le lectorat du New York Times, d’où, une nouvelle fois, le danger porté par cette critique pour la marque ;
  • il y a quelques années encore, Elon Musk aurait dû trouver un autre média – le B-A-BA des relations presse recommande dans ce cas de s’adresser à un concurrent du journal qui vous a posé problème – pour faire valoir ses arguments auprès d’autant de personnes que celles qui ont lu ou entendu parler de l’article du New York Times. Mais, avec ses près de 140 000 abonnés sur Twitter, @ElonMusk bénéficie d’une caisse de résonance qui lui évite de dépendre de qui que ce soit d’autre pour porter sa défense sur la place publique. Son article sur le blog de Tesla a un impact autrement puissant que celui qu’avait un communiqué de presse dans l’ancien modèle médiatique. Le pouvoir entre grands médias et grandes marques évolue donc au bénéfice de ces dernières.

Elon Musk a construit une ligne Maginot médiatique autour du Model S et a certainement défendu la vertu de celui-ci mais à un coût médiatique élevé. Il a aujourd’hui intérêt à gérer ses émotions, éteindre cet incendie, développer la pédagogie sur l’utilisation de son produit et mettre ce dernier entre les mains d’autant de conducteurs que possible pour qu’ils témoignent sur le web – Tesla bénéficie dans sa clientèle d’ambassadeurs aussi zélés que ceux d’Apple.

Même pour les véhicules tout-électriques, la guerre nucléaire n’est pas toujours la meilleure approche.

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