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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Le repentir, figure de plus en plus imposée dans la communication moderne

L’Amérique est la championne du genre.

Le site du magazine FORTUNE rend compte de l’intervention à Las Vegas il y a quelques jours d’Andy Fastow, ancien directeur financier d’Enron, devant 2 500 membres de l’Association des inspecteurs agréés en matière de fraude (Association of Certified Fraud Examiners ou ACFE). Cette association invite chaque année un ancien fraudeur à s’exprimer devant ses adhérents. Jamais l’annonce d’un intervenant n’avait provoqué autant de réactions négatives que lorsque la participation de Fastow fut révélée.

Il fut en effet l’un des cerveaux de la fraude financière d’Enron qui lui valut de passer cinq ans en prison. Pour mémoire, ce scandale provoqua, à partir de 2001, la faillite d’Enron (la plus grande de l’histoire américaine à l’époque avec 63 milliards de dollars d’actifs), la dissolution du cabinet d’audit Arthur Andersen et la ruine de dizaines de milliers de collaborateurs et actionnaires de ces deux entreprises. Incidemment, je recommande à celles et ceux intéressés par ce sujet la lecture de l’excellent et glaçant “Conspiracy of Fools: A True Story” de Kurt Eichenwald (2005).

Aujourd’hui âgé de 51 ans, Fastow travaille comme employé administratif au sein du cabinet d’avocats qui le défendit lors de son procès. Son discours devant l’ACFE fait partie du travail de rédemption qu’il accomplit depuis sa sortie de prison en 2011. Il intervient ainsi gratuitement sur l’éthique, principalement dans des universités : il veut aider les futurs dirigeants d’entreprise à comprendre comment il en est arrivé là afin de leur éviter d’emprunter le même chemin.

Ainsi que le raconte FORTUNE, l’intervention de Fastow à Las Vegas prit la forme d’un long mea culpa pédagogique sur les raisons de sa dérive. Il expliqua avoir profité de la complexité et du flou des règles comptables – plutôt que les avoir violées – pour communiquer intentionnellement une image trompeuse de la santé financière d’Enron sans censément se rendre compte à l’époque qu’utiliser les règles à son profit pouvait être frauduleux.

L'ancien siège d'Enron dans le centre de Houston - (CC) Alex

L’ancien siège d’Enron dans le centre de Houston – (CC) Alex

Il conclut son allocution en racontant que, chaque matin, il regarde son badge de prisonnier lorsqu’il se réveille. Cela lui permet de se souvenir du mal qu’il a causé et l’encourage à faire de son mieux pour reconnaître ses fautes et modestement aider les autres. “Je ne peux pas rembourser toutes les victimes, je ne peux pas leur donner du travail. Mais je dois essayer, avec chacune de mes petites actions, de réparer mes fautes. J’espère que ma présence ici y contribue“.

Il fut alors copieusement applaudi par ceux-là mêmes qui avaient vertement critiqué sa venue. Il discuta ensuite durant 15 minutes avec des participants dont certains lui demandèrent de poser avec eux pour des photographies.

Au-delà de l’ancrage très profond de la rédemption dans la culture américaine, l’exemple d’Andy Fastow démontre que rien n’est jamais perdu en termes de perception à condition de faire un travail sur soi pour atteindre les autres. En effet, pour toucher autrui, il faut se détacher de soi, de ses sentiments et ressentiments. C’est l’un des exercices les plus durs à réaliser en communication, surtout dans des situations traumatiques telles que celle de Fastow (malgré ses fautes) qui aveuglent et emprisonnent dans ses propres émotions.

Il est impossible de sonder l’âme de l’ancien directeur financier d’Enron pour apprécier si son discours relève de la contrition ou de l’attrition. Mais il est en revanche certain que la majorité des 2 500 personnes auxquelles il s’est adressé l’ont trouvé sincère et qu’il est très difficile, excepté pour un acteur professionnel, de feindre une telle sincérité sur un tel sujet à l’égard d’un tel public dans un tel contexte scénique.

La communication embrasse l’une de ses plus belles missions lorsqu’elle permet ainsi à un individu de renouer le fil du dialogue avec ses les autres et, partant, de reprendre le fil de sa propre vie.

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