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Toute vérité n'est que perception

Piratage de Sony : un mal pour un bien ?

C’est un scénario digne d’un film improbable imaginé par Hollywood : la Corée du Nord est soupçonnée d’avoir fomenté le piratage le plus important de l’histoire corporate contre Sony Pictures en rétorsion contre un film comique, “The Interview”, qui moque son leader suprême.

Le groupe à l’origine de ce piratage, “les Gardiens de la paix” (“Guardians of Peace” ou GOP), diffuse des gigabits d’information par lots successifs (huit à ce jour). Leurs contenus pourraient alimenter les médias pendant plusieurs mois et coûter plusieurs centaines de millions de dollars à Sony Pictures Entertainment.

L’objectif clairement affiché par les Gardiens de la paix est d’ailleurs la destruction de Sony Pictures Entertainment. Incidemment, le mot de passe des données qu’ils mettent en ligne sur des sites de téléchargement est “diespe123” (“meurs Sony Pictures Entertainment 123”).

Les méthodes des GOP, qui pourraient exploiter une ou plusieurs complicités internes, s’apparenteraient à celles déjà utilisées par la Corée du Nord dans d’autres affaires de piratage.

Jusqu’à présent, les Gardiens de la paix ont notamment mis au jour :

  • les rémunérations et numéros de sécurité sociale de milliers de collaborateurs et dirigeants de Sony Pictures Entertainment, révélant d’ailleurs des disparités majeures entre hommes et femmes à responsabilités équivalentes ;
  • des données secrètes sur les budgets et résultats financiers de l’Entreprise ;
  • les projets de scénario de cinq futurs films et le script du prochain James Bond, “Spectre ;
  • des discussions autour de la rémunération de Jennifer Lawrence pour “American Hustle” ;
  • des emails dans lesquels Amy Pascal, Présidente de Sony Pictures Entertainment, et Scott Rudin, l’un des producteurs indépendants les plus puissants d’Hollywood, plaisantent sur les goûts cinématographiques du Président Obama avec des allusions raciales indignes ;
  • d’autres échanges entre Pascal et Rudin dans lesquels ils partagent leurs vues sur de nombreuses stars de cinéma (Adam Sandler, Leonardo DiCaprio, Kevin Hart, Angelina Jolie…), qui, hormis George Clooney et Ryan Gosling, en prennent sérieusement pour leur grade ;
  • le fait que Maureen Dowd, l’une des éditorialistes les plus célèbres du New York Times, ait promis de montrer avant publication l’un de ses projets d’article citant Amy Pascal au mari de cette dernière, Bernard Weinraub, un ancien journaliste du quotidien new yorkais. Dans l’email en question, elle lui écrit même “je m’assurerai que vous sortiez grandie de cet éditorial”. Maureen Dowd affirme désormais ne pas avoir montré l’article à Weinraub. Quoi qu’il en ait été, sa chronique ressemble de fait à une hagiographie d’Amy Pascal.
(CC) random letters

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Pourquoi écrivai-je de manière provocatrice qu’un acte de piratage qui révèle des données secrètes d’ordre professionnel et privé peut-il être un mal pour un bien ? Parce qu’il pourrait accélérer une double prise de conscience managériale.

En premier lieu, l’écrasante majorité des entreprises prennent trop à la légère les menaces qui pèsent sur la sécurité de leurs données informatiques. L’affaire Sony Pictures devrait les ramener à la réalité d’un monde où rien n’est plus fragile que leurs informations les plus sensibles*. C’est une raison supplémentaire, outre leur importance opérationnelle, de faire des systèmes d’information l’un des domaines les plus stratégiques de toute entreprise quel que soit son secteur d’activités.

Le second aspect positif de ce piratage m’amène à la Société de la transparence. J’affirme depuis longtemps déjà sur Superception que le concept de vie privée est caduc. Plus rien n’est privé, plus rien n’est secret. Les technologies sont trop friables et l’appel de la notoriété trop grand.

Comme le note Amy Pascal dans l’excuse officielle qu’elle dut publier à propos de ses emails relatifs à Barack Obama, “il s’agit d’une communication privée qui a été volée”**. C’est là l’évolution essentielle que tout dirigeant doit saisir d’urgence : il n’y a plus de “communication privée”. A cet égard, le monde politique est en avance sur celui du business, comme le montre notamment cette réflexion de Mitt Romney, car il a déjà été échaudé plusieurs fois.

Ce n’est pas en demandant aux médias de ne pas relayer les informations piratées que Sony Pictures – et les futures victimes de telles fuites – s’en tireront. Sous quel prétexte, en effet, les médias devraient-ils, même s’ils sont les bras armés des pirates, s’auto-censurer alors qu’ils ne le font pas pour d’autres fuites dans d’autres domaines et qu’ils ne le feraient pas s’ils recevaient ces mêmes informations de leurs sources habituelles ?

Depuis le Watergate, l’aphorisme en vigueur outre-Atlantique dans la classe politique lorsqu’un individu s’apprête à commettre un acte douteux est : “de quoi aurait-ce l’air en Une du Washington Post ?“. Cette question doit désormais concerner chacune de nos communications traçables, que nous soyons d’ailleurs dirigeant, manager ou collaborateur.

Evidemment, le vol de données financières confidentielles et de propriété intellectuelle n’est pas plus acceptable que celui de photos nues privées dans les comptes iCloud de célébrités. En la matière, l’action des supposés “Gardiens de la paix” – un nom aussi trompeur que celui de “l’Etat islamique” – relève du mal absolu.

Mais, à mon sens***, il n’en va pas de même, indirectement, de la révélation d’emails polémiques tels que ceux échangés par Amy Pascal et Scott Rudin. Est-il nécessaire d’insulter ses partenaires pour bien travailler ? Non. Est-il nécessaire d’être raciste pour bien travailler ? Non. Est-il nécessaire de donner la priorité à son ego pour bien travailler ? Non. Est-il nécessaire de violer les règles de l’éthique la plus élémentaire pour bien travailler ? Non. Est-il nécessaire d’abuser de son pouvoir pour bien travailler ? Non.

Certaines entreprises le comprennent et mettent en oeuvre des valeurs responsables. D’autres ne le font pas. Elles redouteront désormais de plus en plus que leurs agissements soient révélés dans des fuites incontrôlables.

La sagesse prend parfois des chemins détournés pour faire son office.

* Selon Reuters, le FBI vient d’ailleurs d’alerter les entreprises américaines que des pirates informatiques iraniens pourraient cibler des acteurs des industries de l’énergie et de la défense.

** Source : Variety.

*** Lequel va à contre-courant, j’en suis bien conscient.

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