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Toute vérité n'est que perception

Story-telling : la master class d’Oprah Winfrey aux Golden Globes

La reine-mère des médias américains a prononcé un extraordinaire discours qui démontre les vertus du story-telling pour faire passer des messages.

“Oprah” voulait véhiculer trois idées sur le thème de la vérité :

  • La presse est l’un des piliers de la démocratie et les informations qu’elle permet de mettre au jour sont plus importantes que jamais en cette époque troublée.
  • Le mouvement de révolte des femmes harcelées ne concerne pas que Hollywood – il touche toute l’Amérique.
  • Trop longtemps, ces femmes n’ont pas été écoutées mais le temps est venu pour elles de se faire entendre et d’ouvrir une nouvelle ère d’espoir.

Pour ce faire, au lieu de dérouler un discours au plan classique et aux arguments uniquement rationnels, Oprah articula en neuf minutes un modèle d’adresse fondé sur les préceptes du story-telling (voir la vidéo ci-dessous).

En premier lieu, son discours entrelaça plusieurs histoires pour construire un récit cohérent. Elle évoqua sa propre vie et celle de sa mère mais aussi celles de Sidney Poitier, Recy Taylor, décédée dix jours plus tôt, et Rosa Parks ainsi que celles des femmes ayant révélé les agressions dont elles ont été victimes. Elle commença par conter sa propre expérience pour capter l’attention du public et expliquer d’où elle parlait, enchaînant avec des figures historiques pour donner à son propos une puissance symbolique et terminant par les personnes auxquelles elle s’adressait afin de les mobiliser. Elle lia ainsi sa propre personne et son public avec l’Histoire américaine au service d’une idée-force surplombant tout son propos : la puissance de la vérité. Cette construction me paraît assez semblable à celle du discours – centré, lui, sur l’espoir d’une Amérique unie – qui révéla Barack Obama au peuple américain lors de son intervention à la Convention démocrate de 2004.

En outre, Oprah conjugua habilement émotions et arguments. J’ai déjà expliqué sur Superception pourquoi les histoires ont un pouvoir inégalable en communication : elles associent émotions et informations. Or celles-là aident nos cerveaux à retenir celles-ci – l’émotion est le marqueur mémoriel le plus puissant. Les expériences émotionnelles invoquées par Oprah Winfrey ne furent pas présentées dans un ordre chronologique mais en fonction de leur force croissante, contribuant ainsi à la montée en puissance du discours : admiration d’une enfant pour un acteur couronné aux Oscars, colère des femmes harcelées, sérénité des héroïnes du combat pour les droits civiques et espoir d’une génération pour l’avènement d’un nouveau monde. A l’instar de ses allégories, le ton qu’elle employa alla crescendo : conversation au début, plaidoirie au milieu, harangue à la fin.

Certes, les histoires qu’elle dépeigna concernent d’abord des protagonistes afro-américains et des femmes mais ce n’est certainement pas par hasard qu’Oprah embrassa le plus grand nombre de personnes possible : elle évoqua notamment les femmes célèbres et anonymes victimes de harcèlement et, extraordinaire rareté dans le discours actuel, les hommes qui joueront un rôle positif dans l’avènement d’une Société propice à la plénitude des femmes.

Dans ce cadre, son propos fut composé d’une suite de scénettes au terme de chacune desquelles elle élargit sa focale pour mettre en perspective les cas particuliers qu’elle décrivait. Cette approche lui permit d’entretenir l’attention de son public tout en conférant à son propos un rythme vivant et une locution variée. Elle prit également soin d’intégrer son auditoire dans chacune de ses mises en perspective afin qu’il ne se sente pas déconnecté de son récit, faisant ainsi montre de ce qui caractérise la “marque Oprah” : l’empathie.

Au final, l’habileté de sa construction, le calibre de ses messages et la vigueur de son éloquence produisirent un discours extraordinairement inspirant.

Candidate à la Maison-Blanche, vraiment ?

Je me suis déjà trompé dans mes pronostics et avance donc cette opinion avec circonspection. Cependant, je ne crois ni à la candidature ni à l’élection d’Oprah Winfrey à la Présidence américaine.

Ma première conviction se fonde sur le fait que, contrairement à Donald Trump par exemple, elle a plus à perdre qu’à gagner dans cette aventure et qu’elle a toujours géré sa carrière avec une remarquable acuité. Oprah est certainement l’une des très rares personnes au monde – avec Bill Gates et quelques autres – pour lesquelles devenir Président des Etats-Unis représenterait une rétrogradation par rapport à leur situation actuelle. Elle est la reine-mère des médias américains et une icône sociétale presque sans égale (dont on réalise d’ailleurs mal en France le statut outre-Atlantique). Elle bénéficie d’une liberté incomparable pour explorer tous les territoires qu’elle souhaite. Last but not least, comme plusieurs exemples récents l’ont montré dans différents pays, on ne s’improvise pas Président d’une grande puissance. Le métier est d’une insondable difficulté. Mais à quel niveau de pression Oprah sera-t-elle soumise ?

A cet égard, je considère que l’émoi créé par la prestation d’Oprah Winfrey reflète davantage la volonté d’une partie des Etats-Unis de trouver une alternative à Donald Trump et son inquiétude devant le déficit actuel de candidats démocrates sortant du lot.

Quant à mon second pari (elle ne gagnerait pas si elle était candidate), il est plus audacieux encore, considérant le capital d’amour et la puissance politique dont bénéficie Oprah (son soutien à Barack Obama en 2008 aurait ainsi apporté plus d’un million de voix à ce dernier). Mon intuition repose sur la propension des Américains, encore plus que d’autres peuples, à élire des Présidents le plus souvent très différents de leur prédécesseur. Pour ne prendre que les exemples les plus récents, de même que George W. Bush fut l’antidote de Bill Clinton, Barack Obama fut celui de Bush Jr. et Donald Trump celui d’Obama. Il me paraît donc très peu probable, plus encore étant donné le bilan qui sera le sien, qu’une célébrité succède au développeur immobilier devenu star de la télé-réalité. D’ailleurs, il me semble encore moins probable que ce soit souhaitable pour l’Amérique.

De fait, comme l’a écrit Chateaubriand :

En général, on parvient aux affaires par ce que l’on a de médiocre, et l’on y reste par ce que l’on a de supérieur. Cette réunion d’éléments antagonistes est la chose la plus rare, et c’est pour cela qu’il y a si peu d’hommes d’Etat“.

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