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Toute vérité n'est que perception

La nouvelle trahison des clercs (numériques)

Ils privilégient toujours leur valorisation sur leurs valeurs.

Alors que la création d’Internet donna naissance à une révolution technologique, économique et sociétale mondiale, nous assistons depuis quelque temps à la balkanisation de l’espace numérique.

Cette évolution aggrave les risques posés par la révolution numérique à l’équilibre géopolitique international et l’avenir de la démocratie. En effet, alors que les régimes autoritaires et totalitaires contrôlent de plus en plus les outils et médias numériques pour renforcer leur pouvoir dans leurs pays et attaquer leurs adversaires à l’étranger, les régimes démocratiques sont dangereusement apathiques, par manque de compréhension des technologies concernées et de courage politique, pour assurer que la révolution actuelle soit favorable à leur credo. Si la force des dictatures provient de leur absence de principes, celle des démocraties se nourrit de leurs valeurs. Mais encore faut-il qu’elles n’y renoncent pas.

Ce déséquilibre croissant entre dictatures et démocraties est rendu possible par la trahison des clercs numériques : au lieu de défendre la liberté qui leur a permis de créer leurs entreprises, les dirigeants (de la plupart) des mastodontes de la Silicon Valley livrent leurs plates-formes à la fureur des haineux et la manipulation des despotes parce que les contenus sensationnalistes et conspirationnistes maximisent leurs revenus publicitaires en saisissant l’attention des internautes. Des dirigeants tels que Mark Zuckerberg, Sheryl Sandberg et Jack Dorsey qui aspirent à être les oracles du numérique en sont en réalité les idiots utiles.

En premier lieu, ils laissent impunément des puissances étrangères pervertir le débat civique qui se tient lors de scrutins démocratiques. Un rapport des services de renseignement américains montre d’ailleurs que, contrairement aux premières conclusions optimistes qui avaient été tirées, la récente élection présidentielle américaine n’a pas été exempte d’attaques internationales : la Russie et l’Iran, en particulier, s’activèrent pour influencer le vote alors que la Chine, qui envisagea de faire de même, conclut que ses efforts dans ce sens se retourneraient contre elle.

Mark Zuckerberg et Jack Dorsey – (CC) Reuters

En second lieu, les plates-formes numériques trahissent les principes démocratiques en faisant désormais prévaloir, par exemple aux Etats-Unis, une fausse équivalence entre différentes familles politiques afin de se donner une image de neutralité qui travestit leur renonciation à la vérité. Une recherche conjointe conduite par plusieurs équipes de premier plan1 démontre ainsi que, toujours lors de l’élection présidentielle américaine, la désinformation sur la légitimité du scrutin fut presque exclusivement le fait de Donald Trump et ses partisans ainsi que d’organisations extrémistes, au premier rang desquelles QAnon. Certaines plates-formes prirent des décisions spectaculaires, comme le bannissement de Donald Trump, mais elles n’intervinrent pas de manière systémique pour combattre cette désinformation afin d’éviter de se faire accuser de biais politique par les conservateurs. Or ces plates-formes constituent souvent le principal, voire le seul, vecteur de diffusion de ces spadassins de la désinformation. Et leurs algorithmes mettent au service de ces derniers une capacité de ciblage sans précédent dans l’histoire des médias.

La situation actuelle est le résultat d’années de compromissions. A cet égard, la remarquable enquête récemment publiée par MIT Technology Review à propos de Facebook montre une nouvelle fois le refus de Mark Zuckerberg de ralentir la croissance de ses revenus en prenant des mesures fortes de modération des contenus hébergés sur sa plate-forme, alors même que certaines dispositions prises temporairement dans ce sens ont démontré leur efficacité. L’errance éthique des dirigeants du Groupe est telle que ses collaborateurs ont même renoncé à tenter de les convaincre de mettre en place des actions vouées à diminuer le risque d’enfoncer dans la dépression, en leur montrant des contenus toujours plus négatifs, ceux de ses membres qui font preuve de mélancolie sur le réseau : il était hors de question de réduire le temps qu’ils y passent et, partant, leur potentiel de monétisation.

Toujours, les supposés leaders du numérique privilégient leur valorisation sur leurs valeurs. Leur trahison est presque inverse, dans sa nature, de celle dénoncée par Julien Benda dans l’entre-deux-guerres mais elle n’est pas moins grave, loin s’en faut.

1 Elle comprend des membres du Stanford Internet Observatory, de Graphika, de l’Université de Washington et du Digital Forensic Research Lab de l’Atlantic Council.

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