30 juin 2021 | Blog, Blog 2021, Communication | Par Christophe Lachnitt
L’abstention est-elle soluble dans le journalisme politique ?
Lors des élections départementales et régionales qui viennent de se dérouler dans notre pays, l’abstention s’est élevée à 66,74% au premier tour et 65,31% au second tour1. Cette atonie civique n’est un phénomène ni mondial ni même européen.
Devrons-nous un jour, faute d’électeurs en nombre suffisant, adopter la stochocratie – la désignation des représentants du peuple par le sort – défendue par Montesquieu dans De l’esprit des lois comme étant d’essence démocratique ?
Quand on les interrogea entre les deux tours au sujet de leur indifférence à l’égard de ce scrutin, 60% des Français répondirent que les partis politiques et les candidats n’avaient pas su les y intéresser. Il est évidemment plus facile de blâmer autrui que soi-même mais c’est un constat que l’on retrouve régulièrement dans les sondages : les dirigeants politiques ne traitent pas des sujets qui occupent les citoyens. Ils seraient focalisés sur les aspects tactiques de la conquête ou de la conservation du pouvoir et privilégieraient leurs intérêts personnels plutôt que l’intérêt général.
Or l’un des problèmes qui me semble s’être aggravé ces dernières années a trait à la relation de la vie politique par les médias français : ceux qui, comme leur nom l’indique, devraient être les médiateurs entre les leaders politiques et les citoyens qui sont censés les suivre, préfèrent de plus en plus les jeux politiciens aux enjeux politiques. Ils sont concentrés sur ce que les Américains appellent la course de chevaux. Ce faisant, ils accréditent l’idée que les hommes et femmes politiques sont plus captivés par leur position de pouvoir que par le destin de notre pays et l’amélioration de la vie quotidienne de ses habitants.
De fait, quand l’ensemble de la couverture médiatique ressemble à la page 2 du Canard Enchaîné2, la politique s’apparente de plus en plus à une télé-réalité et de moins en moins à la gestion de la vie de la Cité. On se contente alors de couvrir des manoeuvres tactiques et on réduit le champ des idées à des éléments de langage. La vision politique et les programmes qui la concrétiseraient sont largement délaissés. En définitive, la pauvreté de l’offre politique n’est pas challengée en raison de la pauvreté de l’offre médiatique.
C’est une solution de facilité pour les uns comme pour les autres : les politiques ressassent leurs acquis idéologiques sans chercher des solutions aux nouveaux problèmes du monde et les journalistes, au lieu d’enquêter sur leurs pensée et réalisations, trouvent plus aisés de les fréquenter pour comprendre leurs arrières-pensées.
Ainsi fut-il extrêmement rare, avant ce scrutin, de trouver dans les grands médias des comparaisons des programmes des candidats en lice, des analyses des bilans des sortants et des examens des capacités managériales des prétendants à de premières responsabilités exécutives d’envergure. Naturellement, la trahison de leur mission par les rédactions du service public est encore plus regrettable que celle des médias privés.
Certes, les organes d’information ont de moins en moins de moyens. Certes, les citoyens expriment des attentes à l’égard des politiques qui ne se traduisent pas souvent dans leurs choix de consommation médiatique. Mais on sait que, en journalisme comme en politique, l’offre influence largement la demande. Ainsi donc, lorsque le Quatrième pouvoir abdique sa responsabilité démocratique livre-t-il la démocratie à des irresponsables.
—
1 Contre 41,59% lors du second tour des élections régionales de 2015.
2 Laquelle a toute sa valeur mais ne peut pas représenter l’alpha et l’omega de l’information des citoyens.