22 juillet 2025 | Blog, Blog 2025, Communication, Management | Par Christophe Lachnitt
Retour sur la présidentielle américaine à travers les livres qui lui ont été consacrés
J’ai lu les cinq principaux ouvrages qui ont relaté la dernière campagne en date pour la Maison-Blanche (voir la liste à la fin de cet article).
Ces ouvrages chroniquent les événements de la campagne infiniment plus qu’ils n’analysent les enjeux politiques fondamentaux et les mouvements sous-jacents de la Société américaine. Je ne traiterai donc pas de ces thématiques que j’avais explorées dans mon interview avec Influencia juste avant le scrutin de novembre.
A mon sens, les deux meilleurs livres, c’est-à-dire, dans ce cas, ceux qui allient richesse d’information et qualité d’écriture, sont “Original Sin: President Biden’s Decline, Its Cover‑Up, and His Disastrous Choice to Run Again” de Jake Tapper et Alex Thompson, et “Fight: Inside the Wildest Battle for the White House” de Jonathan Allen et Amie Parnes.
Le plus intéressant, dans ces ouvrages, est la galerie de portraits qu’ils tracent en creux au fil de leurs pages respectives. Même si c’est Donald Trump qui l’emporta, au terme de ce qui constitue certainement le plus improbable comeback de l’histoire politique américaine, c’est côté démocrate que la dramaturgie fut la plus grande et, partant, que les portraits les plus pénétrants ressortent de ces récits. J’y reviendrai donc en longueur dans la seconde partie de cet article.
Chez les républicains, la personnalité qui émerge est celle de Susie Wiles qui, sans en avoir eu le titre, dirigea la campagne de Donald Trump avec un professionnalisme dont auraient été incapables les idéologues et les ambitieux qu’elle mit habilement sur la touche. Parmi ces derniers, Corey Lewandowski, l’un des spadassins du milliardaire, apparaît, sans surprise, particulièrement vil et enclin à s’en prendre à ses concurrents républicains au sein de l’équipe Trump plutôt qu’à ses adversaires démocrates dans la campagne. Donald Trump, enfin, semble avoir appris certaines leçons de ses deux premières campagnes présidentielles et, avec l’aide de Susie Wiles, avoir été plus discipliné, ce qui ne retire rien au jugement que je porte à ses idées et son action. Mais c’est ainsi qu’il devint seulement le second Président américain, après Grover Cleveland en 1892, à perdre la Maison-Blanche puis la reconquérir.
Parmi les démocrates, ce sont les deux candidats qui s’en sortent le mieux. Kamala Harris se caractérisa par une loyauté sans limite, jusqu’à la faute politique, à Joe Biden et fut animée d’une exemplaire combativité alors qu’elle hérita d’une donne électorale impossible. Malheureusement, elle pâtit toujours d’un manque de sens politique qui avait déjà ruiné sa première candidature à la Maison-Blanche. Dès lors, son allant ne créa pas un élan suffisant pour s’imposer. Tim Walz, pour sa part, est dépeint comme un honnête homme, d’une bonne volonté inépuisable malgré une expérience et un brio trop limités pour la campagne qu’il devait mener.

Ce sont les figures tutélaires des démocrates qui sortent les plus abîmées de ces lectures. Barack et Michelle Obama se caractérisent par un égocentrisme invraisemblable, étant davantage focalisés sur le fait d’apparaître comme le couple royal du centre-gauche américain que d’aider leur camp, et Kamala Harris, à triompher. A cet égard, les narrations des négociations pour définir le format et les conditions du tournage de la vidéo de soutien du couple à l’ancienne sénatrice de Californie, dépassent le ridicule – et le méprisable – si l’on prend pour argent comptant leurs déclarations concomitantes selon lesquelles la démocratie américaine était en danger : les Obama posèrent notamment comme condition que la stature de la candidate à la Maison-Blanche fût aussi diminuée que possible, jusqu’à lui faire jouer un rôle ubuesque, afin de faire valoir leur importance et de lustrer leur image.
Pour autant, Barack et Michelle Obama sortiraient presque grandis, par rapport à Joe Biden et ses proches, de ces ouvrages. De fait, on y trouve mille faits confirmant que l’ancien Président se comporta en chef d’organisation mafieuse, plaçant la protection de son fils corrompu Hunter et son ambition personnelle au-dessus de toute autre considération, à commencer par l’intérêt du pays et de la cause qu’il est censé porter. Son ego démesuré, incapable d’entendre autre chose que des louanges, son refus obstiné de se retirer, même après son catastrophique débat contre Donald Trump, alors même qu’il avait promis implicitement de ne pas chercher à effectuer un second mandat, son sabotage, volontaire ou involontaire, de la campagne de Kamala Harris1, ses affirmations, après le scrutin, qu’il aurait pu, lui, battre le républicain et ses vengeances mesquines contre ceux qui l’avaient incité à se retirer esquissent une forme de gémellité morale entre les deux derniers Présidents que l’Amérique s’est donnés.
La famille et les équipes de Joe Biden, pour leur part, ont encouragé les dérives de leur supposé héros par pur arrivisme. Dans ce domaine, deux figures du clan Biden sont particulièrement misérables : Jill Biden qui, loin de son image de bonhomie, s’avère une ambitieuse vindicative et Jennifer O’Malley Dillon, la directrice de la campagne de Joe Biden (puis de celle de Kamala Harris), au sujet de laquelle Jonathan Allen et Amie Parnes écrivent : “Elle avait la réputation bien méritée de flatter ses supérieurs, d’écraser ses subalternes en désaccord avec elle, et d’exclure celles et ceux qu’elle percevait comme des rivaux pour le pouvoir”.
Comme d’habitude, Nancy Pelosi sauva l’honneur du Parti démocrate avec hauteur de vue et courage. Ce furent ses interventions – dans les médias comme en coulisses – qui cristallisèrent l’impossibilité pour Joe Biden de rester dans la course.
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Les livres :
- Josh Dawsey, Tyler Pager & Isaac Arnsdorf – “2024: How Trump Retook the White House and the Democrats Lost America“
- Salena Zito – “Butler: The Untold Story of the Near Assassination of Donald Trump and the Fight for America’s Heartland“
- Jonathan Allen & Amie Parnes – “Fight: Inside the Wildest Battle for the White House“
- Jake Tapper & Alex Thompson – “Original Sin: President Biden’s Decline, Its Cover‑Up, and His Disastrous Choice to Run Again“
- Chris Whipple – “Uncharted: How Trump Beat Biden, Harris, and the Odds in the Wildest Campaign in History“
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1 Ledit sabotage par la famille Biden des démocrates continue d’ailleurs jusqu’à ce jour, comme le montre l’interview accordée avant-hier par Hunter Biden dans laquelle il cible violemment, parmi tant d’autres, l’acteur pro-démocrate George Clooney, l’ancien conseiller stratégique de Barack Obama, David Axelrod, et le journaliste-vedette de CNN très respecté Jake Tapper pour leurs critiques de la candidature de son père, donnant ainsi à la sphère médiatique conservatrice un vecteur de diversion de l’attention des Américains du scandale Jeffrey Epstein dont Donald Trump n’arrive pas à se dépêtrer.
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