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Toute vérité n'est que perception

Politique, perception et prescription : un drôle de manège à trois

Newt Gingrich, l’architecte de la révolution conservatrice de 1994, a marqué des points ces derniers jours dans la primaire républicaine. Une résurgence qui interroge sur la relation entre perception et prescription. Quel délai faut-il aux électeurs pour oublier et changer d’opinion ?

The Manchester Union Leader, le seul journal de l’Etat du New Hampshire, vient de soutenir officiellement la candidature de Newt Gingrich à la Maison-Blanche.

Le directeur de la publication du journal écrit notamment dans son éditorial : “L’Amérique est à un tournant décisif. Simplement remplacer Barack Obama l’an prochain ne suffira pas. Nous avons besoin de la stratégie innovante et du leadership constructif dont Gingrich s’est montré capable dans le passé. (…) Beaucoup de candidats à la primaire républicaine affirment qu’ils vont changer Washington. Newt Gingrich l’a déjà fait et, dans cette campagne, il offre la meilleure perspective de pouvoir le refaire. (…) Nous ne sommes pas obligés d’être d’accord sur tout avec le candidat que nous soutenons. Nous préférons soutenir un candidat avec lequel nous sommes parfois en désaccord qu’un candidat qui nous dit ce qu’il croit que nous voulons entendre. Newt Gingrich n’est en aucune manière le candidat parfait. (…) Mais il a l’expérience, le leadership et la vision pour diriger ce pays dans ces temps si difficiles”.

Ce soutien officiel est intéressant en termes de perception à quatre égards :

  • il concrétise une remontée inattendue (au moins pour ce qui me concerne) de Gingrich qui bénéficiait d’un solde d’opinions positives de seulement 10 points chez les Républicains au mois de juillet après avoir commis plusieurs erreurs depuis le lancement de sa campagne. Mais il a progressivement refait son retard depuis lors, en particulier grâce à ses prestations dans les débats, dont l’assertivité a contrasté avec le manque d’assurance de nombre de ses concurrents. Ce qui est intéressant dans sa remontée est que son taux de notoriété a toujours été le plus élevé, avec celui de Mitt Romney, de tous les candidats. Cela signifie que, contrairement aux autres challengers, la progression de l’image de Gingrich n’est pas due à une augmentation de sa notoriété mais à son patient travail de reconstruction d’une image largement écornée il y a moins de cinq mois. Son solde d’opinions positives se situe désormais à presque 40 points. Cela démontre une nouvelle fois l’intérêt des débats télévisés qui contribuent à faire ressortir les qualités intellectuelles des candidats – et, dans ce domaine, Gingrich est clairement supérieur à la plupart de ses adversaires. Même s’ils ne suffisent pas à jauger toutes les qualités qu’un candidat doit posséder pour faire un bon Président, les débats politiques à répétition – les Républicains en ont déjà tenu plus d’une dizaine – sont donc loin d’être le cirque médiatique que certains méprisent ;
  • ce soutien dénote une capacité amnésique étonnante. Son auteur semble en effet oublier que Bill Clinton s’est joué de Newt Gingrich après le raz-de-marée républicain de 1994 ce qui a conduit à la réélection du Président démocrate pour un second mandat et à la démission de Gingrich de son poste de leader républicain à la Chambre des Représentants, que Gingrich a plusieurs fois violé le code d’éthique, qu’il a flotté dans sa défense des principes conservateurs et qu’il a mené des activités discutables après son retrait de la politique active (en soutenant en échange de juteuses rémunérations des causes parfois peu républicaines sur l’environnement, l’immobilier, l’assurance-maladie ou l’immigration). Et pourtant, quelques années après, Gingrich est présenté comme le recours du Parti républicain, signe que, en perception, une situation n’est jamais désespérée tant qu’on est vivant et patient ;
  • ce soutien bénéficie d’une aura médiatique sans aucun rapport avec son efficacité réelle. Le soutien du Manchester Union Leader à Gingrich est en effet présenté comme un exceptionnel atout pour sa campagne alors que le bilan des soutiens accordés par le journal dans les primaires républicaines n’est pas si flatteur : il a soutenu Reagan en 1976 (c’est Ford qui emporta la primaire), Reagan de nouveau en 1980 (victoire de Reagan), du Pont en 1988 (victoire de George H.W. Bush), Buchanan en 1992 (victoire de Bush), Forbes en 2000 (victoire de George W. Bush) et McCain en 2008 (victoire de McCain). Mais la conjonction de l’extraordinaire indécision de cette primaire (qui a connu un nouveau favori chaque mois depuis juillet), de l’envergure de Newt Gingrich (qui est un favori enfin crédible) et de son intérêt médiatique (Gingrich fait vendre davantage que les candidats falots qui l’ont précédé au pinacle sondagier) fait que la machine médiatique s’emballe quelque peu. Incidemment, Mitt Romney continue, après la prise de position du Manchester Union Leader, de faire la course en tête dans les sondages réalisés au New Hampshire, un Etat-clé pour sa course vers la Maison-Blanche ;
  • last but not least, une phrase de l’éditorial du Manchester Union Leader est particulièrement intéressante (et pas seulement parce qu’elle constitue un camouflet cinglant pour Mitt Romney) : “nous préférons soutenir un candidat avec lequel nous sommes parfois en désaccord qu’un candidat qui nous dit ce qu’il croit que nous voulons entendre”. N’oublions jamais que la cohérence dans le temps est l’un des facteurs les plus décisifs d’une communication efficace car elle lui confère de la crédibilité. Un candidat – ou un dirigeant – qui change de discours en fonction de son auditoire ou de l’humeur du moment ne fait montre d’aucun leadership.

Newt Gingrich est sans conteste un homme politique intéressant. Sa montée en puissance est donc une bonne nouvelle pour la démocratie américaine et pour l’économie médiatique. Son retour au premier plan après de cuisants échecs et une longue traversée du désert politique est d’ailleurs assez rare dans le système américain qui met beaucoup plus vite au rebut ses leaders politiques que le système français.

Mais, j’aurai certainement l’occasion d’y revenir si sa percée se confirme, Gingrich présente le caractère paradoxal d’être un candidat très “clivant” pour l’élection générale bien que n’étant pas le plus conservateur des Républicains en lice dans cette première.

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