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Toute vérité n'est que perception

Les leçons de journalisme de Sir David Frost

Le légendaire intervieweur fut un précurseur du journalisme moderne à plusieurs égards.

Décédé samedi à 74 ans d’une attaque cardiaque, Sir David Frost restera dans les annales pour sa série d’interviews de Richard Nixon en 1977, trois ans après la démission de celui-ci en raison de l’affaire Watergate.

Cet entretien est l’interview politique télévisée la plus regardée de tous les temps. Il comprend (au moins) deux passages marquants : la seule excuse au peuple américain du Président déchu et une phrase révélant sa vision corrompue de la Constitution (“si un acte est accompli par le Président, cela signifie qu’il n’est pas illégal“). La préparation et le déroulement de ces 28 heures d’interview furent le sujet en 2006 d’une pièce de théâtre et en 2008 d’un film, “Frost/Nixon“, que je conseille toujours à mes étudiants de visionner. Il décrypte en effet cet événement historique (la seule démission d’un Président américain) tout en dépeignant remarquablement un exemplaire travail journalistique.

Sir David Frost, dont l’entretien avec Richard Nixon est loin de constituer le seul fait d’armes, nous lègue quatre leçons de journalisme.

En premier lieu, j’ai expliqué sur Superception (lire ici) combien le rôle d’intervieweur est important, exigeant et malheureusement déprécié. Ainsi que le film “Frost/Nixon” le montre, David Frost incarne trois qualités essentielles à tout intervieweur :

  • une connaissance sans faille des sujets abordés (il passa plusieurs semaines à préparer son face-à-face avec Nixon pour ne pas se laisser piéger par son intelligence supérieure et sa maîtrise des moindres détails de sa présidence) ;
  • une grande finesse psychologique (elle lui permit de percevoir le moment de vulnérabilité de Nixon propice à la formulation d’une excuse) ;
  • et l’agilité intellectuelle nécessaire pour comprendre la portée des propos de son interlocuteur et y réagir pertinemment (c’est ce qui rend passionnant le ping-pong cérébral entre Frost et Nixon).

En outre, ainsi que le journaliste britannique Piers Morgan le racontait hier sur CNN, David Frost lui apprit une autre leçon : l’importance du silence dans les interviews télévisées. Il constitue souvent une relance plus efficace qu’une question pour laisser son interlocuteur s’exprimer et, parfois, se révéler. C’est une approche que beaucoup d’intervieweurs actuels, qui n’aiment rien de plus que de s’écouter parler, devraient retenir de Frost : la vedette de l’interview n’est pas l’intervieweur mais l’interviewé. Paradoxalement, c’est en travaillant ainsi que David Frost devint une star.

Par ailleurs, David Frost fut aussi précurseur dans sa manière de développer sa marque personnelle et de devenir (presque) plus célèbre et crédible que les médias qui l’employèrent au fil de sa carrière. On retrouve aujourd’hui ce phénomène avec plusieurs journalistes-vedettes de l’ère numérique (lire ici, ici et ici).

Enfin, pour réaliser son travail journalistique et développer sa marque, Frost n’hésita pas à adopter une approche entrepreneuriale, à l’instar également de ce que certains journalistes font aujourd’hui (lire par exemple ici). Il prit par exemple un risque financier conséquent en produisant l’interview de Nixon alors qu’aucune grande chaîne américaine ne voulait la financer et gagna un important profit une fois qu’elle fut devenue l’un des plus grands événements de l’histoire de la télévision américaine.

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