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Toute vérité n'est que perception

Observations sur le rapport du New York Times consacré à l’innovation

Parallèlement à l’éviction de la directrice de sa rédaction, The New York Times est dans l’actualité pour son rapport sur l’innovation.

Celui-ci a été concocté par neuf de ses membres chapeautés par le fils de l’actionnaire principal et patron du journal. Il est donc doté d’une autorité – au moins symbolique – importante.

Je commencerai par les faits avant de proposer quelques observations.

Les principales conclusions de ce document se présentent comme suit :

  • moins de 10% du trafic du site du New York Times proviennent du web social contre 60% pour BuzzFeed. Il se trouve que le partage de contenus sur Internet est prioritairement managé par les équipes marketing du journal et non par sa rédaction. Or, pour être pertinent et performant, ce partage doit se faire avec une forte implication des auteurs des contenus. Ainsi, au sein de Pro Publica, “ce bastion du journalisme à l’ancienne” comme l’écrit le rapport, les journalistes doivent-ils proposer 5 tweets possibles pour chaque article qu’ils rédigent et les rédacteurs en chef ont-ils des réunions consacrées à la promotion des contenus sur Internet ;
  • les équipes du journal doivent accorder autant d’attention à la “deuxième heure” sur le web des histoires qu’elles relatent qu’à leur ”deuxième jour” dans l’édition papier. Plus globalement, le calendrier de parution du New York Times est déconnecté des plates-formes numériques : la grande majorité de ses contenus est publiée tard dans la soirée alors que son trafic web est à son sommet tôt le matin. Des articles ambitieux sont réservés à l’édition papier du dimanche, la plus importante de la semaine, alors que le week-end est la période la plus calme sur le web ;
  • les évolutions de carrière proposées aux spécialistes du numérique au sein du Groupe sont insuffisamment attractives pour conserver les meilleurs talents. C’est un problème d’autant plus significatif que très peu de dirigeants du journal et de sa rédaction maîtrisent la sphère numérique ;
  • la valeur de la page d’accueil du site du New York Times décline rapidement. Seulement un tiers des visiteurs y passent et ils y dédient de moins en moins de temps ;
  • les projets multimédia (quizz sur les dialectes, “Snow Fall“…) qui ont obtenu le plus grand nombre de pages vues – et une grande couverture médiatique – ne sont pas facilement reproductibles. Le rapport mentionne des sites comme BuzzFeed et Vox qui accordent la priorité à la création de plates-formes fonctionnelles pouvant être réutilisées plusieurs fois plutôt qu’au développement de “coups” éditoriaux sans lendemain. En outre, ces coups requièrent beaucoup de ressources qui ne peuvent être allouées au travail – moins spectaculaire mais plus utile – consistant à améliorer au quotidien la couverture numérique des contenus éditoriaux ;
  • les archives du journal (14,7 millions d’articles depuis 1851) sont sous-exploitées. Le rapport évoque un billet du site Gawker reprenant un article du New York Times de 1853 à propos de l’histoire qui a inspiré le film “12 Years A Slave”. Les auteurs affirment que le journal devrait être à la fois une lettre d’actualité quotidienne et une bibliothèque fournissant ainsi des informations et du contexte ;
  • le journal est très en retard dans l’utilisation de tags pour organiser ses contenus, ce que The Washington Post, The Wall Street Journal et Circa réalisent de manière exemplaire. Cela empêche par exemple ses lecteurs de suivre le développement d’un sujet d’actualité ou de découvrir un restaurant proche du lieu où ils se trouvent ;
  • un bouton “follow” devrait être créé afin de permettre aux internautes de suivre des thématiques et/ou des journalistes. Les articles concernés pourraient être envoyés aux internautes par email ou alerte.

The Full New York Times Innovation Report

The New York Times est l’un des grands journaux – voire le grand journal – de la planète ayant le mieux managé jusqu’à présent le changement de monde auquel la presse est confrontée. Il a réussi à maintenir un niveau éditorial de tout premier plan en développant un flux de revenus numériques grâce notamment à la mise en place de son système payant (paywall).

Il est cependant encore confronté à d’importants enjeux stratégiques auxquels ce rapport n’apporte pas toujours de réponses pleinement convaincantes. Ce n’est nulle part plus évident que dans la relation entre ses éditions papier et numériques (site web, applications mobiles…). Cette dualité le distingue d’ailleurs de beaucoup de concurrents tout-numériques fréquemment pris comme références dans le rapport.

C’est pourtant cette relation qui, sur les plans éditorial, consumériste et économique, est au coeur de l’invention de l’avenir du New York Times. Si l’aspect éditorial, nous l’avons vu, est relativement abordé dans le rapport, les autres dimensions sont plutôt délaissées.

En résumé, l’équation à deux inconnues du New York Times est porteuse d’un paradoxe : ses revenus proviennent encore en majorité de son édition papier (probablement dans un rapport de 1 à 5*) mais son audience est beaucoup plus importante sur ses plates-formes numériques.

L’enjeu stratégique consiste donc à accroître ses revenus numériques sans tarir trop rapidement ses sources de revenus papier. Celles-ci financent en effet le développement de ceux-là. C’est une différence de modèle économique cruciale avec BuzzFeed, The Huffington Post et tous les acteurs 100% numériques qui ont certes souvent une audience bien plus grande que The New York Times mais un chiffre d’affaires encore bien inférieur.

* Selon un calcul effectué par le journaliste économique David Warsh, le chiffre d’affaires généré en 2013 par la diffusion du journal a représenté 675 millions de dollars pour son édition papier et 149 millions de dollars pour ses éditions numériques. Quant à la publicité, elle a produit 667 millions de dollars, avec probablement une part du papier cinq fois supérieure à celle du numérique. Au total, les revenus papier du Groupe auraient donc été de 1,2 milliard de dollars contre 250 millions pour ses revenus numériques.

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