23 août 2017 | Blog, Blog 2017, Management | Par Christophe Lachnitt
La leçon de management de Neymar
Ce ne sont ni le don footballistique1 ni la rémunération astronomique de la nouvelle vedette du Paris Saint-Germain qui m’impressionnent le plus.
En regardant dimanche soir le match entre le PSG et Toulouse, je fus ébloui par son envie : envie de jouer, de se donner à fond, de toujours réussir le geste parfait (et ce même lorsque son équipe comptait déjà plusieurs buts d’avance) et de gagner.
Cette envie se traduisit notamment par son activité herculéenne pour un attaquant : il toucha de nouveau plus de 100 fois le ballon (118 fois après 128 fois à Guingamp), multipliant les initiatives, les prises de risques, les courses et les appels de balle.
Tout au long du match, il sembla le joueur le plus motivé, ce qui lui permit notamment de marquer son premier but de la soirée : alors que le ballon traversait la surface de réparation de Toulouse après avoir été repoussé par le gardien de but, il fut le seul joueur en action pour tenter de le maîtriser, tous les autres, défenseurs comme attaquants, regardant passer le cuir.
Plus encore que son exceptionnel talent (impossible à reproduire pour le commun des footballeurs mortels), c’est cette envie qui me semble la plus admirable chez Neymar. Elle tranche dans un pays (la France) et un club (le PSG) où beaucoup d’athlètes professionnels ont tendance à se reposer sur leurs lauriers dès le premier embryon de succès (sportif et/ou financier) acquis2. Tel Forrest Gump, Neymar, lui, court de la première à la dernière minute des matches qu’il dispute.
Cette attitude est instructive en matière de management à deux niveaux.
A celui de l’individu, en premier lieu. L’un des enjeux fondamentaux de tout manager est de motiver ses collaborateurs ou, du moins, de créer les conditions de travail propices à leur motivation intrinsèque (sens, projet collectif…) comme extrinsèque (rétribution, sanction positive ou négative…).
Mais rien ne peut remplacer le ressort intime que constitue la motivation personnelle de chacun, domaine dans lequel Neymar est, comme tous les vrais champions, un exemple3. Ainsi que je l’écris régulièrement sur Superception, la compétition la plus exigeante est toujours celle qui nous confronte à nous-mêmes. C’est pourquoi, comme l’a dit le basketteur Shaquille O’Neal,
“La seule personne qui puisse vraiment vous motiver est vous“.
Le deuxième niveau managérial enrichi par l’exemple de Neymar est évidemment celui du collectif.
On sait depuis Peter Drucker4 l’importance absolue de la culture d’une organisation dans son succès. On oublie trop souvent qu’une culture s’incarne doublement.
Elle existe d’abord à partir de la définition qu’en donne le leader de l’entité concernée, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une équipe de sport. De même que Steve Jobs revenant chez Apple, Howard Schultz reprenant la tête de Starbucks ou Bill Walsh prenant en main le club de football américain des San Francisco 49ers commencèrent par changer la culture de leur organisation pour la remettre sur les rails du succès, Neymar va-t-il peut-être redéfinir la culture du PSG pour lui faire réaliser son ambition européenne5.
Une culture s’incarne aussi à travers l’exemple donné par le leader. A cet égard, ce n’est certainement pas un hasard si le PSG paraît déjà moins statique que les saisons précédentes : c’est à la fois l’effet de l’impact individuel de Neymar et de la contagion de son envie et son dynamisme sur ses coéquipiers.
Last but not least, le leadership de Neymar est éclairant par la valeur qu’il incarne le plus : la passion. En effet, si Cristiano Ronaldo représente le professionnalisme et Lionel Messi le génie, Neymar, lui, symbolise la passion du jeu. Enfant grandi trop vite, il aborde chaque action sur le terrain de manière ludique, jusqu’à réussir parfois des dribbles insensés qui donnent le sentiment à son adversaire de l’instant de se jouer de lui.
Or, comme j’aime à le dire, la passion est la plus belle des énergies renouvelables. Etre animé d’une passion, c’est avoir en soi un moteur d’accomplissement inextinguible indifférent à tous les obstacles comme à toutes les gratifications artificielles.
A ce sujet, il convient de méditer la phrase de Wayne Gretzky, le plus grand hockeyeur sur glace de tous les temps, pour expliquer sa phénoménale carrière :
“Peut-être n’est-ce pas le talent que dieu m’a donné mais la passion“.
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1 Dont je comparerais la fluidité gestuelle à celle de Roger Federer.
2 Il suffit d’observer Angel Di Maria, joueur au talent considérable mais qui choisit quelques matches seulement par an pour l’exprimer, ou Marco Verratti, jeune joueur très doué mais qui n’a encore réellement rien prouvé au niveau mondial et dont la prétention l’empêche de progresser depuis plusieurs années, plus focalisé qu’il est à vouloir arbitrer les matches en lieu et place de l’homme au sifflet durant la saison et à critiquer son propre club (dont il est pourtant coresponsable des échecs) à chaque intersaison.
3 La motivation de Neymar résulte probablement de sa volonté d’être reconnu comme le meilleur joueur du monde en sortant de l’ombre tutélaire de Lionel Messi au FC Barcelone.
4 L’un des plus grands penseurs du management auquel est attribuée la célébrissime citation : “la culture mange la stratégie au petit-déjeuner“.
5 Il faudrait alors constater que le vrai leader du PSG n’en serait ni le Président ni l’entraîneur… et que Neymar aurait une influence plus grande sur le club que celle qu’eut, malgré sa forfanterie, Zlatan Ibrahimovic, ce qui ne remettrait pas pour autant en cause le rôle de ce dernier dans sa croissance.
Bonjour Christophe et bravo pour cet article. Rarement vu dans le sport une aussi bonne analyse. Surement l’avantage d’avoir un peu de recule par rapport aux journalistes en contact permanent et trop dans l’urgence.
Au plaisir
Christophe
Bonjour Christophe,
Merci pour votre sympathique indulgence.
Bien à vous.
Xophe
Bonjour Christophe,
Ravi de constater qu’en tant que professionnel de l’expression et du concept, vous ne dédaignez pas le football, sport pourtant largement infiltré par la bulle de la spéculation financière.
Vous avez su remarquer et faire partager le moteur essentiel qui anime Neymar Junior : la passion du jeu et le plaisir de la beauté du geste. Jeune millionnaire gavé, il reste un artiste intact … pourvu que ça dure, pour le plus grand plaisir de tous les prolétaires qui le suivent. Car c’est bien cela l’ultime paradoxe du football moderne : les sénateurs sont dans l’arène tandis que la plèbe est dans les gradins …
Au plaisir de prochains partages
Pierre F