2 décembre 2021 | Blog, Blog 2021, Management | Par Christophe Lachnitt
Culture d’entreprise : privilégiez l’humain sur les processus
Les processus ne sont porteurs d’aucun sens.
La culture d’une communauté, qu’il s’agisse d’une famille, d’une entreprise ou d’une nation, est un ensemble de valeurs et convictions qui déterminent les comportements de ses membres. Une culture est donc aussi invisible que normative. Elle est l’équivalent, pour un groupe de personnes, du caractère d’un individu. Or certaines entreprises veulent codifier leur culture à travers des processus. Cette approche me semble inappropriée pour au moins trois raisons.
La première est que le seul fait d’appliquer une culture avec des processus en limite déjà le champ des possibles : elle est alors intrinsèquement fondée sur un principe de discipline qui s’associe difficilement à des valeurs telles que la responsabilité individuelle, la liberté d’initiative ou la prise de risques.
En outre, passer par les seuls processus pour mettre une culture d’entreprise en place est une démarche verticale, alors que la culture de toute communauté est fondée sur des éléments qui sont beaucoup plus puissants lorsqu’ils sont ressentis par les personnes concernées, au premier rang desquels le sens donné à une action collective et l’éthique selon laquelle celle-ci est conduite.
La deuxième contre-indication à la codification culturelle par des processus est que des valeurs et convictions ne sont pas réductibles à des règles. Ainsi les processus d’une entreprise peuvent-ils prescrire à ses collaborateurs de s’exprimer. Si leurs managers ne les écoutent pas, cette parole est sans objet, même si sa manifestation semble respecter la culture de l’organisation.
Les individus d’une entreprise, au premier rang desquels ses leaders, sont plus forts, au quotidien, que ses processus. De même que Peter Drucker soulignait que “la culture mange la stratégie au petit-déjeuner” peut-on penser que les comportements individuels mangent les processus au déjeuner, à moins de rendre les processus si contraignants qu’ils imposent une culture régimentée. C’est la raison pour laquelle Reed Hastings explique dans son livre sur la culture de Netflix qu’il vaut mieux licencier les individus insupportables, même s’ils sont des génies dans leur domaine d’activité.
Les processus d’une entreprise ne peuvent pas déterminer à quels sujets les leaders d’une entreprise dédient leur temps, de quelle passion ils font montre ou comment ils traitent leurs collaborateurs. Pourtant, ces éléments sont déterminants dans la culture de leur organisation. Ainsi, même si des processus encouragent le débat au sein d’une entreprise, sont-ce les valeurs de celle-ci, et, partant, les comportements de ses équipes, qui détermineront si la discussion est constructive ou destructive, si l’absence de conflit est synonyme d’apathie ou si une dispute est l’expression d’un désaccord sainement assumé pour faire progresser l’équipe concernée. De fait, des processus ne peuvent pas inspirer des qualités telles que la confiance, la sécurité psychologique (gage d’innovation sur la durée) ou la priorité donnée à l’intérêt général.
La troisième raison de l’inadaptation des processus à l’application d’une culture d’entreprise réside dans le fait que, dans l’univers corporate aussi, une culture est ce qui reste lorsque les personnes concernées ont tout oublié : leurs compétences, les projets auxquels ils contribuent, leurs objectifs annuels… Par exemple, c’est à leur caractère personnel et à la culture de leur organisation que les collaborateurs se rattachent lorsqu’ils sont en situation de stress.
Laissons la conclusion à l’une des entreprises dont la culture est la plus puissante : Roy Disney, neveu de Walt Disney et acteur important de la gouvernance du groupe éponyme pendant plus de vingt ans, aimait expliquer qu’il est aisé de prendre des décisions lorsqu’on connaît ses valeurs. Sa remarque met en exergue la différence entre une culture et des processus : alors que ceux-ci dictent la méthode pour arriver à une résolution, celle-là prescrit sa teneur car elle lui confère sa signification.