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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Le fiasco de communication de l’administration Biden

Cet épisode prodigue une double leçon en matière de communication de crise.

Mes incursions dans la politique internationale procèdent de ma passion pour ces sujets qui, pour reprendre une formule célèbre, ne me sont pas totalement étrangers, ayant conseillé il y a quelques décennies un futur Président de la République française pendant plusieurs années à leur propos. Loin de constituer un argument d’autorité, cette expérience motive simplement les digressions sur la géopolitique que je me permets dans ce blog, bien qu’il ne lui soit pas consacré.Christophe Lachnitt

Il concerne la perquisition qui eut lieu en début de semaine au domicile de Donald Trump à Palm Beach (Floride). L’enquête au sein de la résidence d’un ancien Président est un événement sans précédent dans l’histoire américaine, même si on peut considérer que le prélèvement d’ADN réalisé sur Bill Clinton, alors qu’il occupait la Maison-Blanche, pour identifier le sperme laissé sur la tristement célèbre robe bleue de Monica Lewinsky, constitua une investigation plus exceptionnelle encore.

La recherche effectuée à Mar-a-Lago aurait trait à la conservation par Donald Trump de documents sensibles concernant la sécurité nationale des Etats-Unis, y compris possiblement des programmes militaires nucléaires (!), qu’il stocke dans un lieu connu pour sa porosité sécuritaire et refuserait de rendre malgré les nombreuses procédures moins intrusives engagées à son encontre par la justice américaine.

Cette perquisition fut immédiatement rendue publique par Donald Trump qui, dans sa communication à ce sujet, se présenta comme la victime d’un complot politique visant à le disqualifier pour la prochaine élection présidentielle. Ses très violentes accusations contre le ministère de la Justice et le FBI (Federal Bureau of Investigation) furent reprises et amplifiées par tous les responsables républicains qui le soutiennent, c’est-à-dire l’écrasante majorité du Parti. En conséquence, les appels à la guerre civile, à l’assassinat du ministre de la Justice, Merrick Garland, et aux attaques contre les membres du FBI prospèrent sur les réseaux sociaux depuis lundi. Hier, une tentative d’assaut armé contre un bureau du FBI à Cincinnati se solda par la mort de l’assaillant.

Des manifestants soutiennent Donald Trump devant sa résidence de Mar-a-Lago après la perquisition de celle-ci – (CC) Saul Martinez-The New York Times

Cet enchaînement dramatique fut favorisé, outre la déliquescence morale du Parti républicain, par la stratégie de non-communication employée par Merrick Garland qui, durant trois jours, c’est-à-dire une éternité à l’ère médiatique actuelle, laissa le champ libre à Donald Trump et ses spadassins pour cadrer la perception de la perquisition dans l’esprit des Américains. J’avais expliqué cette technique du cadrage il y a trois ans et demi dans un article consacré aux manipulations alors déployées par Donald Trump pour annihiler les révélations du rapport Mueller sur l’éventuelle collusion entre sa campagne présidentielle et la Russie ainsi que ses actions d’entrave à la Justice une fois élu Président. Déjà, Donald Trump avait pris les devants pour réaliser le cadrage psychologique de l’opinion américaine.

Cette semaine, s’en tenant pendant trois interminables journées au principe selon lequel le ministère de la Justice ne communique qu’à travers les documents qu’il publie dans le cadre des procédures intentées devant les tribunaux, Merrick Garland laissa Donald Trump influencer ses concitoyens sans la moindre contradiction. Finalement, après avoir subi des pressions de toutes parts, le ministre de la Justice prit la parole pour réaffirmer l’intégrité du travail de ses équipes et annoncer une démarche, entreprise auprès du juge fédéral de Floride qui supervisa la perquisition, afin que le mandat ayant guidé celle-ci et la liste des documents saisis soient rendus publics si Donald Trump en était d’accord. C’est une requête très habile car elle respecte le principe édicté par Merrick Garland tout en obligeant l’ancien Président à accepter que ses mensonges sur la perquisition soient challengés ou à se placer en censeur. Il vient de choisir la première option.

Malheureusement, ce coup tactique brillant intervient deux ou trois jours trop tard. Il est incompréhensible que Merrick Garland et ses équipes n’aient pas préparé les différents cas de figure qui pourraient se présenter à eux consécutivement à la perquisition du domicile de Donald Trump. Il n’était d’ailleurs pas impossible d’imaginer quelle serait la réaction de ce dernier étant donné son passé dans ce domaine. Cette faute de Merrick Garland est d’autant plus aberrante que, comme je l’écris depuis longtemps désormais sur Superception, c’est la survie de la démocratie américaine qui est en jeu ces temps-ci.

De fait, Merrick Garland n’a pas tenu compte du célèbre avertissement d’Abraham Lincoln :

Le sentiment public est tout. Avec lui, rien ne peut échouer ; contre lui, rien ne peut réussir. Celui qui façonne le sentiment public va plus loin que celui qui édicte des lois ou prononce des décisions judiciaires“.

Au final, ce fâcheux épisode nous prodigue une double leçon de communication de crise : il faut toujours anticiper les développements qui vont se produire pour y être préparés, la communication de crise étant, plus que toute autre communication, affaire de tempo, et il faut savoir doser les moments où l’on prend l’initiative et ceux où l’on laisse la situation mûrir.

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