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Toute vérité n'est que perception

Mike Pence n’est certainement pas un héros, pas même un “héros discutable”

Ce soir va se dérouler le premier débat télévisé de la primaire républicaine pour la Maison-Blanche. Sur la scène du Fiserv Forum de Milwaukee, l’ancien Vice-Président de Donald Trump occupera une place particulière.

Il a en effet décidé d’adopter une position ambiguë entre les candidats qui vont critiquer vertement l’ancien Président (Chris Christie et Asa Hutchinson) et les cinq autres participants au débat (Doug Burgum, Ron DeSantis, Nikki Haley, Vivek Ramaswamy et Tim Scott) qui vont tenter de l’ignorer ou vont le défendre plus ou moins ardemment.

Il faut dire que l’hypocrisie est au coeur du positionnement politique et personnel de Mike Pence depuis qu’il a décidé d’accepter la proposition de Donald Trump de devenir son colistier pour l’élection présidentielle de 2016. Le milliardaire rouge1 avait besoin de l’ancien gouverneur de l’Indiana pour séduire les évangéliques, ces protestants rigoristes héritiers du piétisme et du puritanisme qui représentent un quart environ de la population américaine et ont une influence considérable dans l’électorat conservateur. Mike Pence étant l’un des hérauts du mouvement au sein de la classe politique, son association avec Donald Trump protégeait celui-ci de l’ire des évangéliques à l’égard de son style, sa conduite (ses multiples mariages et aventures…) et certaines de ses opinions (en particulier sa défense passée de l’avortement).

L’accord de Mike Pence pour unir son destin à celui de Donald Trump montra une première fois, sur la scène nationale, sa grande flexibilité idéologique et morale : l’opportunité de devenir Vice-Président fit oublier à celui qui ne peut pas prononcer trois phrases sans invoquer Dieu et l’exigence de rectitude personnelle que l’homme avec lequel il s’unissait politiquement est l’antithèse de cette vision de la vie. On eut une confirmation plus déplorable encore de la malléabilité du supposé puritain lorsqu’il demeura aux côtés de Donald Trump après qu’une ancienne vidéo eut été rendue publique de ce dernier affirmant : “Je suis automatiquement attiré par les jolies femmes – je les embrasse sans hésitation. C’est comme un aimant. J’embrasse, c’est tout. Je n’attends même pas. Et quand vous êtes une star, elles vous laissent faire. Vous pouvez faire n’importe quoi. […] Les attraper par la chatte (sic). Vous pouvez tout faire“. Manifestement, cette relation aux femmes ne choqua pas suffisamment Mike Pence pour qu’il reprenne sa liberté politique et sa souveraineté éthique.

Le mandat de l’Administration Trump-Pence mettra presque chaque jour à l’épreuve la fidélité du Vice-Président à son Président et à ses principes. Toujours, il choisit le premier, faisant prévaloir sa soif sur sa foi. Il regarda ainsi et soutint immanquablement Donald Trump alors qu’il défiait l’essence de l’Amérique en déclarant un état d’urgence factice afin d’allouer à son projet de mur frontalier des crédits que le Congrès avait refusé de lui voter, en prenant le parti de dictateurs étrangers contre ses propres services, en appelant des puissances étrangères à enquêter sur ses rivaux politiques2, en encageant des milliers d’enfants migrants dans des conditions épouvantables après les avoir séparés de leurs parents, en mettant sur un pied d’égalité suprémacistes blancs et militants antiracistes après l’attaque raciste de Charlottesville, en évoquant la double loyauté des juifs américains3, un grand classique de l’antisémitisme, en taxant un juge de partialité en raison de son origine ethnique, en utilisant une rhétorique stalinienne pour décrédibiliser la presse et plaisantant avec un autocrate sur l’élimination des journalistes4, en demandant aux citoyens de boycotter les services de la maison-mère d’un média afin qu’elle force celui-ci à couvrir sa présidence plus favorablement5, en graciant, contre l’avis de son ministre de la Défense, des militaires condamnés pour crimes de guerre6, en prenant le parti d’un dictateur sanguinaire lorsqu’il attaqua un ancien Vice-Président américain et potentiel opposant à la prochaine élection présidentielle7, en risquant de perturber les secours organisés à l’occasion d’un ouragan dévastateur pour épargner son ego8, en profitant de sa présidence pour enrichir son entreprise familiale et en proférant chaque jour 21 mensonges en moyenne. Jamais Mike Pence ne se distança de celui qui lui assurait son poste de pouvoir.

Mike Pence – (CC) Tom Williams – Getty

Il reprit d’ailleurs bon nombre de ses mensonges et défendit également Donald Trump dans le cadre de ses deux procédures de destitution (la première concernant ses relations avec la Russie et l’Ukraine, la seconde ayant trait à son incitation à l’insurrection du 6 janvier 2021).

Cette seconde affaire est particulièrement intéressante concernant Mike Pence. En effet, au coeur du discours de Donald Trump avant et pendant l’assaut sur le Capitole était la théorie abracadabrantesque selon laquelle le Vice-Président pouvait à lui seul effacer le vote des électeurs américains et inverser le résultat de l’élection présidentielle lors de sa certification par le Congrès. Le refus de Mike Pence de ce faire motiva Donald Trump à le présenter comme un traître à ses supporters, conduisant les plus enragés de ces derniers à appeler à “pendre Mike Pence“. Alors que la vie de celui-ci était menacée et qu’il dut être évacué en catastrophe du Capitole, Donald Trump ne leva pas le petit doigt pour l’aider. Cela n’empêcha pas Mike Pence de ne pas accuser son allié jusqu’à il y a quelques jours, alors que sa propre campagne présidentielle patinait lamentablement. Autre comportement révélateur, Mike Pence refusa de témoigner devant la commission d’enquête bi-partisane de la Chambre de Représentants, préférant réserver son premier compte-rendu public de cette journée tristement historique au livre qu’il publia par la suite.

Pour autant, il tente de se présenter comme un héros pour ne pas avoir cédé aux demandes de Donald Trump de fouler aux pieds la Constitution américaine. Etant donné le bilan de Mike Pence comme candidat puis Vice-Président, cette ambition relève au mieux de la plaisanterie. En effet, c’est exactement comme si un individu, après avoir été complice de l’enlèvement d’une femme, de son viol répété et de sa torture continue, exigeait d’être félicité parce qu’il avait refusé de l’achever quand son comparse lui demanda de la tuer. Evidemment, dans cette métaphore, la femme est la Constitution américaine. En réalité, Mike Pence fut complice des pires outrages imposés à la règle fondamentale des Etats-Unis pendant quatre ans (cf. supra) et ne se rétracta que lorsqu’il fut en première ligne pour porter le coup final à la démocratie américaine. Avant cela, il avait laissé, pendant les huit semaines qui avaient suivi l’élection de 2020, Donald Trump continûment nier et décrédibiliser le résultat des urnes. Huit semaines, soit 56 jours durant lesquels Mike Pence regarda son associé torturer la lettre de la Constitution après en avoir violé l’esprit pendant quatre ans et le soutint publiquement à de nombreuses reprises.

Jean-Pierre Melville, réalisateur du film “L’armée des ombres”, qualifiait son personnage principal, un chef de la résistance, de “héros discutable” parce qu’il avait été obligé d’éliminer, malgré ses nombreux actes d’héroïsme, l’une de ses combattantes qui avait été muselée par les Nazis.

Quelles que soient ses prétentions, Mike Pence n’est certainement pas un héros, pas même un “héros discutable”.

1 Le rouge est la couleur du Parti républicain américain.

2 Outre l’affaire ukrainienne bien connue, Donald Trump invita la Chine, au cours d’un point presse tenu en octobre 2019, à enquêter sur Joe Biden, alors considéré comme le favori pour être son opposant dans l’élection présidentielle de 2020. C’est la deuxième fois qu’il appelait publiquement une puissance étrangère à l’aide pour se faire élire après avoir procédé de même avec la Russie vis-à-vis de Hillary Clinton en juillet 2016.

3 En août 2019, le Président Trump déclara : “Je pense qu’un juif qui vote démocrate manifeste un total manque de connaissances ou une grande déloyauté”. Il répéta le lendemain son affirmation : “Si vous voulez voter démocrate, vous faites preuve de déloyauté au peuple juif et à Israël”. Le thème de la double loyauté est récurrent dans la rhétorique antisémite pour questionner le patriotisme des juifs.

4 En juin 2019, lors du sommet du G20 tenu à Osaka, Donald Trump eut l’échange suivant avec Vladimir Poutine au sujet des journalistes : Trump : “Débarrassez-vous-en. Fake news est un excellent terme, n’est-ce pas ? Vous n’avez pas ce problème en Russie mais nous si“. Poutine (en anglais) : “Nous l’avons aussi. C’est la même chose”. Puis les deux partagèrent un petit rire. Ce dialogue est d’autant plus abject que, selon le Committee to Protect Journalists, 34 journalistes avaient alors été tués en Russie depuis l’accession de Vladimir Poutine au pouvoir en 1999.

5 Il publia par exemple des messages sur Twitter en juin 2019 pour demander aux Américains de ne plus utiliser AT&T afin de forcer l’Entreprise à changer le ton de sa filiale CNN à son égard. C’était évidemment la première fois qu’un Président américain encourageait ainsi ses électeurs à punir économiquement une entreprise privée afin d’influencer la relation par un média de son action à la Maison-Blanche.

6 En mai 2019, Donald Trump gracia Michael Behenna, condamné pour avoir tué un Irakien durant un interrogatoire. Ce fut la première fois dans l’histoire moderne des Etats-Unis qu’un meurtrier était gracié. Le Président récidiva en novembre 2019 en graciant trois autres militaires :

  • Clint Lorance, condamné à dix-neuf ans de prison pour avoir ordonné à ses soldats de tirer sur trois hommes désarmés en Afghanistan, dont deux furent tués, et avoir entravé le cours de la justice.
  • Matthew Golsteyn, inculpé et privé de ses décorations pour avoir tué un suspect afghan sans autre forme de procès.
  • Edward Gallagher, reconnu coupable d’avoir posé à côté du cadavre d’un combattant irakien.

7 En mai 2019, le dirigeant suprême de la Corée du Nord, Kim Jong-un, affirma que Joe Biden, ancien Vice-Président de Barack Obama et alors en tête dans les sondages d’opinion relatifs à la primaire présidentielle démocrate, était un “imbécile avec un quotient intellectuel bas”. Dans un tweet, Donald Trump affirma alors avoir souri à la lecture de cette déclaration du Président Kim et l’avoir prise comme un possible signal à son endroit.

8 En septembre 2019, Donald Trump déclara à trois reprises que l’ouragan Dorian allait très probablement frapper l’Alabama, alors que cet Etat n’était pas menacé selon les services compétents. Ceux-ci s’empressèrent d’ailleurs de réfuter les assertions du Président afin d’éviter des scènes de panique – par exemple des évacuations désordonnées – en Alabama ou l’expression de reproches par la population à l’égard des dirigeants de cet Etat pour n’avoir pris aucune mesure d’urgence. Au lieu de corriger rapidement son erreur afin de laisser les organisations de gestion de crise accomplir leur mission le plus sereinement possible, Donald Trump s’entêta jusqu’à montrer à la presse, quelques jours plus tard, une carte de la région grossièrement retouchée pour inclure l’Alabama dans la zone à risque. Le Président ordonna également à son directeur de cabinet d’accorder les déclarations des agences scientifiques du gouvernement avec ses assertions. C’est ainsi que Wilbur Ross, son ministre du Commerce, auquel était rattachée l’Agence fédérale d’observation océanique et atmosphérique (National Oceanic and Atmospheric Administration ou NOAA), menaça de licencier ses dirigeants parce que le Service météorologique d’Alabama (National Weather Service ou NWS), qui dépend d’elle, avait contredit l’affirmation erronée du Président après avoir été assailli de questions par les citoyens de l’Etat. Dans la foulée, l’agence diffusa un communiqué désavouant contre toute évidence objective son Service météorologique, communiqué qui suscita beaucoup de trouble dans la communauté scientifique concernée. Parallèlement, les dirigeants de l’Agence donnèrent instruction à leurs collaborateurs de ne pas contredire Donald Trump, c’est-à-dire de ne pas faire leur travail scientifique en les empêchant de présenter au public des prévisions météorologiques exactes, et ce au cœur d’une situation de crise.

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