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Communication.Management.Marketing

Toute vérité n'est que perception

Le consensus est-il la condition ou la négation du leadership ?

En définitive, cette question sonde les qualités d’un manager.

Aujourd’hui, je voudrais revenir sur une réplique entendue lors du premier débat de la primaire républicaine pour la Maison-Blanche, le 23 août dernier. Je l’avais notée pour l’évoquer ici.

Dans un échange relatif à l’avortement, Nikki Haley, ancienne gouverneure de Caroline du Sud et ambassadrice à l’ONU dans l’administration Trump, plaida pour une ouverture plus grande du Parti républicain afin de trouver un consensus dans le pays. Mike Pence, ancien gouverneur de l’Indiana et méprisable vice-président de Donald Trump, lui rétorqua que “le consensus est le contraire du leadership“.

L’échange prit la forme suivante :

  • Nikki Haley : Je ne suis pas indéfectiblement pro-vie [opposée à l’avortement] parce que le Parti républicain me le demande mais parce que mon mari a été adopté et que j’ai eu des difficultés à avoir mes deux enfants. Je suis donc entourée de bénédictions. Cela dit, nous devons cesser de diaboliser cette question. Il s’agit de reconnaître qu’il n’était pas normal que des juges non élus décident de quelque chose d’aussi personnel, parce que c’est personnel pour chaque femme et chaque homme. Maintenant, c’est le peuple qui en a la charge. C’est excellent. Lorsqu’il s’agit d’évoquer une interdiction fédérale, soyons honnêtes avec le peuple américain et disons qu’il faudra 60 votes au Sénat et une majorité à la Chambre des Représentants. Pour ce faire, il nous faut trouver un consensus. Ne pouvons-nous pas tous nous mettre d’accord sur le fait qu’il faut interdire les avortements tardifs ? Que nous devrions encourager les adoptions ? Que les médecins et infirmiers qui ne croient pas en l’avortement ne devraient pas être obligés d’en réaliser ? Que la contraception devrait être disponible ? Et que nous n’allons pas mettre une femme en prison ou lui infliger la peine de mort si elle se fait avorter ? Traitons ce sujet avec le respect qu’il mérite et humanisons cette situation au lieu de la diaboliser.
  • Mike Pence : Ecoutez, je ne suis pas un débutant dans la défense de cette cause. Après avoir donné ma vie à Jésus-Christ comme mon seigneur et sauveur, j’ai ouvert le livre et j’ai lu : “Avant de te former dans le ventre de ta mère, je t’ai connu et j’ai mis devant toi la vie et la mort, les bénédictions et les malédictions. Maintenant, choisis la vie“. A partir de ce moment-là, j’ai su que la cause de la vie devait être la mienne. Et j’ai été un champion de la vie au Congrès, un champion de la vie en tant que gouverneur et vice-président. Et pour être honnête avec vous, Nikki, vous êtes mon amie mais le consensus est le contraire du leadership. Lorsque la Cour suprême a renvoyé cette question au peuple américain, elle ne l’a pas renvoyée aux seuls Etats. Il ne s’agit pas d’une question qui ne concerne que les Etats. C’est une question morale. Et je vous promets que, en tant que président des Etats-Unis, le peuple américain aura un champion de la vie dans le bureau ovale. Ne pouvons-nous pas avoir une norme minimale dans tous les Etats du pays qui stipule que lorsqu’un bébé est capable de ressentir de la douleur, l’avortement ne peut être autorisé ? L’interdiction de l’avortement après quinze semaines est une idée qui a fait son chemin. Elle est soutenue par 70% du peuple américain mais il faudra pour la réaliser un leadership sans concession, un leadership qui s’appuie sur des principes et qui exprime de la compassion pour les femmes en situation de grossesse critique. C’est ce que je ferai en tant que président des Etats-Unis.
Mike Pence et Nikki Haley – (CC) Fox News

Beaucoup d’insanités furent proférées durant les deux heures de ce débat d’un niveau déplorable mais la notion selon laquelle le consensus serait le contraire du leadership fut sans conteste l’une des plus étonnantes de la part d’un candidat qui aspire à assumer la plus haute fonction exécutive de son pays.

Qu’est-ce en effet que le leadership sinon la capacité à réunir une communauté – qu’il s’agisse d’une famille, des parties prenantes d’une entreprise ou d’une nation – autour d’un projet afin de la mobiliser pour le mettre en oeuvre ? Ce projet peut reposer sur une vision du monde et/ou des valeurs mais, à moins de diriger une entreprise par la peur ou d’être un apprenti dictateur, on n’entraîne pas longtemps une communauté humaine en lui imposant le contraire de ce qu’elle veut.

Pour le comprendre, il faut revenir aux fondamentaux de la motivation. Le fonctionnement de notre cerveau induit que, plus nous ressentons des émotions fortes pour un enjeu, plus nous sommes motivés à son égard. Vous pouvez vous en rendre compte dans votre vie quotidienne : vous êtes plus motivés par un acte dédié à une personne que vous aimez que par une démarche forcée. Pour susciter ces émotions, il faut inspirer et non imposer. Dans le champ corporate par exemple, un manager peut donner l’ordre à l’un de ses collaborateurs de faire quelque chose mais il ne peut pas lui commander de ressentir quelque chose. S’il veut susciter sa curiosité, sa créativité ou son esprit d’équipe, il doit lui donner envie.

Cette relation entre motivation et émotion est ce qui distingue les deux types de motivation – extrinsèque et intrinsèque. La motivation extrinsèque fait jouer des facteurs extérieurs (recherche d’une récompense financière, évitement d’une sanction…), alors que la motivation intrinsèque est fondée sur des facteurs intérieurs (adhésion à un projet, amour de son activité…). Au contraire de la première, la seconde est porteuse de sens, donc d’émotions, donc d’engagement dans le travail.

Il en va de même pour les citoyens d’un pays : on ne peut pas seulement les guider par la contrainte.

Naturellement, un leader doit être capable de montrer à ses suiveurs – salariés ou citoyens – un chemin qui ne leur sied pas toujours. Sinon, il tomberait au niveau d’Alexandre Ledru-Rollin assénant à des individus qui voulaient l’empêcher de rejoindre une manifestation pendant la révolution de 1848 : “Laissez-moi passer, il faut que je suive les autres, je suis leur chef”. Du Général de Gaulle sur l’Algérie à François Mitterrand sur l’abolition de la peine de mort en passant par Valéry Giscard d’Estaing sur la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse, quelques exemples marquants montrent, en France, comment des leaders ont utilisé leur légitimité pour prescrire au pays la solution qu’ils considéraient la meilleure pour l’intérêt général au-delà de la volonté de leur électorat, voire du peuple. La même dynamique est à l’oeuvre dans une entreprise dont le dirigeant doit prendre des mesures douloureuses et justifiées pour la sauver.

Mais cette approche ne peut pas être un principe cardinal du leadership comme Mike Pence le pose. De fait, si le consensus était le contraire du leadership, le supposé leader n’aurait pas les moyens d’acquérir la légitimité qui lui donnerait le capital pour transgresser, dans des situations exceptionnelles, le mandat qu’il a reçu. En réalité, c’est sa capacité à construire un consensus qui façonne son leadership.

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